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Les maçons affichent leurs revendications pour assurer leur avenir

Chantier à Lausanne.
©Olivier Vogelsang

Unia et Syna réclament un changement de cap net, permettant aux travailleurs de bénéficier de conditions de travail dignes. 

Unia et Syna ont dévoilé leurs requêtes dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la convention nationale de la construction.

C’est une cause nationale qui revient sur le tapis tous les quatre ans mais dont on mesure à chaque fois les enjeux cruciaux qu’elle draine avec elle. Avec le renouvellement de la Convention nationale du secteur principal de la construction, c’est du devenir et du bien-être de plus de 80 000 travailleurs qu’il est question. Autant dire qu’on est là au centre d’un des accords les plus importants auquel syndicats et patronats sont appelés à statuer en Suisse. Les opérations préliminaires ont débuté depuis un certain temps déjà, avec des assemblées locales, des échanges et des décisions votées ici et là. La campagne entre désormais dans le vif et passe à la vitesse supérieure en ce mois d’avril, avec des discussions exploratoires. Puis, entre mai et novembre prochains, avec tout le volet officiel des négociations. Lors d'une conférence de presse qui s’est tenue à Berne le 7 avril, les syndicats Unia et Syna ont dévoilé les points clé qui seront mis sur la table.

Exode de la main-d’œuvre  
Ceux-ci traduisent des urgences quasi vitales pour le secteur et soulignent aussi un grand paradoxe. Car, si le domaine du bâtiment se porte bien, si les perspectives pour l’avenir proche sont plutôt roses, les conditions de travail demeurent tendues et requièrent des améliorations radicales. Les données économiques rappellent le très bon état de santé dans le domaine: le chiffre d’affaires du secteur principal de la construction a bondi de 19,4 %, en passant de 19,1 milliards de francs en 2015 à 23,4 milliards en 2024. Pour l’année en cours, le boom se confirme, comme le relève Chris Kelley, coresponsable du secteur Construction d’Unia: «De nouveaux records ne manqueront pas de marquer 2025 puisque, amplifiée par la grave pénurie de logements et donc par une demande accrue de nouveaux logements – couplée aux multiples baisses de taux d’intérêt de la Banque nationale […] – , la construction devrait nettement s’accélérer et connaître une croissance supérieure à la moyenne». La tendance se répète à l’identique dans le génie civil, où le besoin de rénovations et d’extensions des infrastructures est criant: ici, les commandes ont progressé de 300 millions de francs en 2024. 
Le revers de la médaille, celui qui mène au cœur des chantiers et au plus près des ouvriers, est nettement moins reluisant. Daniel, maçon expérimenté du canton d’Argovie, a témoigné durant la conférence de presse d’une dégradation alarmante des conditions de travail, qui poussent un nombre de travailleurs qualifiés toujours plus élevé à quitter le métier. «Les maîtres d’ouvrage, nos mandants, fixent des délais irréalistes et font pression sur les prix.» Les conséquences? «Travailler toujours plus et toujours plus vite». A cela s’ajoutent des heures supplémentaires en y empilant encore de longs trajets pour se rendre sur les chantiers. Le constat de Daniel est renforcé par celui qu’a présenté Simon Constantin, membre de la direction du secteur de la Construction d’Unia, qui note une surreprésentation des employés âgés de plus de 50 ans sur les chantiers. «Le secteur connaît parallèlement un exode massif: un maçon sur deux quitte la branche tôt ou tard. […] 30% des apprentis maçon interrompent leur formation en cours de route […]. De plus, le nombre de nouveaux apprentis maçon ne cesse de baisser et a été réduit de moitié en dix ans.» Avec ses journées interminables, ses tâches physiquement pénibles et l’augmentation des charges pour des équipes soumises à des cadences intenables, le métier ne fait plus rêver. Loin s’en faut. A terme, d’ici 2040, il manquera un maçon sur trois pour répondre à une demande qui ne cesse de grimper.

Journées plus courtes
Unia et Syna réclament dès lors un changement de cap net, permettant aux travailleurs de bénéficier de conditions de travail dignes et en phase avec les évolutions de la société. Il est en premier lieu urgent d’équilibrer vie professionnelle et vie privée. Il faut donc mettre un terme à des journées bien trop longues, pouvant atteindre jusqu’à 9 heures en été, sans compter le temps de déplacement. «Huit heures par jour, c’est assez!» soulignent les syndicats. Il est tout aussi nécessaire que la pause du matin soit payée par l’employeur. «La plupart des salariés d’autres secteurs font une courte pause le matin et ils sont rares à devoir pointer pour la prendre», relève Nico Lutz, responsable du secteur Construction et membre du comité directeur d’Unia.  Quant au temps de déplacement, les syndicats plaident pour son indemnisation dès la première minute. Ce qui mettrait fin aux 30 minutes de déplacement non payées par jour. Ils revendiquent également que le travail le samedi soit une exception et que les maçons puissent choisir entre le paiement de leur heures supplémentaires ou leur compensation en temps libre. 
Enfin, des hausses salariales sont nécessaires pour rattraper l’érosion du pouvoir d’achat que connaissent les travailleurs du pays. L’augmentation des loyers et des primes maladie, tout comme l’inflation des dernières années, sont autant d’arguments pour conduire à une juste majoration des rétributions. Tous ces points seront au cœur des négociations et ils trouveront une visibilité massive dans les rues de Zurich et de Lausanne, avec deux importantes manifestations nationales qui se tiendront le 17 mai prochain. 

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