Même si un accord est trouvé avant la fin de décembre, il ne pourra pas entrer en vigueur le 1er janvier. Ce vide conventionnel est inédit depuis quatorze ans.
Déjà neuf rondes de négociations, et toujours pas d’accord. Lors de la dernière rencontre, le 2 décembre, les syndicats Unia et Syna n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente avec la Société suisse des entrepreneurs (SSE) pour le renouvellement de la Convention nationale du secteur principal de la construction (CN). Au contraire, les patrons ont maintenu une revendication qui représente une ligne rouge pour le camp syndical (lire ci-dessous). Une dixième séance de pourparlers doit avoir lieu le 12 décembre, mais quel qu’en soit le résultat, la branche n’évitera pas le vide conventionnel dès le 1er janvier 2026. Cela ne s’était plus produit depuis quatorze ans.
La CN actuelle arrive à échéance le 31 décembre. Or, même si les partenaires sociaux parviennent finalement à s’entendre le 12 décembre, ils devront ensuite faire valider l’accord par leurs instances respectives afin qu’il puisse entrer en vigueur. Du côté d’Unia, ce ne sera pas possible d’ici à la fin de l'année. «Cela exige d'organiser un vote en conférence de branche, ce que nous pouvons faire au plus tôt le 24 janvier», confie Nico Lutz, membre du comité directeur d’Unia, chargé de la construction.
Les risques du vide conventionnel
Comme la Convention nationale 2023-2025 avait été déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral, toutes les entreprises de gros œuvre du pays sont concernées, même celles qui ne sont pas affiliées à la SSE. Ce sont donc plus de 80 000 travailleurs qui pourraient ainsi perdre les droits acquis portant, entre autres, sur les salaires, le temps de travail, les vacances ou la protection contre les licenciements.
En cas de vide conventionnel, c’est le droit fédéral qui s’applique, soit le Code des obligations et la Loi sur le travail. Mais ces textes restent très généralistes. Par exemple, ils ne prévoient ni salaire minimum, ni 13e salaire obligatoire. Dans la législation, le temps de travail est fixé à 45 ou 50 heures par semaine selon les secteurs, tandis qu’il est limité à 40,5 heures dans l’actuelle CN. Celle-ci est également plus avantageuse sur le plan des vacances.
Sans solution dans le courant de décembre, les discussions reprendront en janvier. Pour les travailleurs bénéficiant d’un contrat fixe, l’absence de convention n’aura pas d’effet concret immédiat. «Légalement, quand une convention collective arrive à échéance et qu’il n’y en a pas de nouvelle signée, son contenu devient partie intégrante du contrat individuel», explique Nico Lutz. Dès lors, pour changer les dispositions de celui-ci, il faut passer par un congé-modification. Autrement dit, un licenciement suivi d’une réembauche immédiate, mais avec de nouvelles conditions de travail. Cependant, comme il y a un délai de congé à respecter, cela met les salariés à l’abri pour trois ou quatre mois selon l’ancienneté, ou un mois s’ils sont encore en période d’essai. «Si en mars, il n’y a toujours pas de nouvelle Convention nationale, là ça peut devenir dangereux pour les maçons avec un contrat fixe», avertit le syndicaliste.
En revanche, les travailleurs temporaires, ou ceux qui seraient engagés durant le vide conventionnel, pourraient se voir imposer des conditions de travail inférieures à celles de la CN, notamment sans salaire minimum. «Mais il y a peu d’embauches en début d’année, car beaucoup de chantiers sont à l’arrêt», remarque Nico Lutz.
Angle mort
Par ailleurs, quand une nouvelle convention collective est adoptée par les partenaires sociaux, elle n’est pas tout de suite déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral, même si elle remplit les conditions. La procédure prend entre deux et trois mois. Dans l’intervalle, les entreprises qui ne sont pas membres de la SSE ne sont donc pas obligées de l’appliquer. Cet angle mort englobe en particulier de nombreux sous-traitants.
La dernière fois qu’un vide conventionnel s’est produit dans le gros œuvre, c’était pendant les trois premiers mois de 2012. Après de longs mois de négociations, et malgré une forte mobilisation des travailleurs, syndicats et patronat n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord avant mars pour le renouvellement de la CN, échue fin 2011. Ce n’est qu’en avril 2012 que la nouvelle était entrée en force. Entre-temps, des conventions collectives transitoires avaient été signées dans certains cantons, comme Genève et le Tessin.
Le 10 décembre, à l’heure où nous mettons ce journal sous presse, les syndicats maintiennent la pression et n’excluent pas, faute d’accord avec la SSE, de lancer une grève nationale en début d’année. Entre octobre et novembre, près de 15 000 maçons au total ont déjà participé à des débrayages dans toute la Suisse.