Des décennies de voyages et une quarantaine de livres plus tard, le photographe humaniste franco-suisse Olivier Föllmi aspire aujourd’hui à une vie plus posée… mais pas trop quand même!
Ses photos ont fait le tour du monde. Emouvantes, touchantes et porteuses d’espoir. Un véritable appel à l’évasion. A 64 ans, Olivier Föllmi, reconnaissant de son parcours, dit avoir eu une vie comblée. Il nous reçoit chez lui, à Saint-Julien-en-Genevois (France), sa ville natale où il coule des jours heureux avec son épouse Véronique.
Gamin, Olivier Föllmi n’avait jamais rêvé de devenir photographe, et quand il démarre, jamais il n’imagine pouvoir en vivre. «J’ai toujours été aventurier, je ne tenais pas en place. Je n’avais peur de rien. J’aimais la montagne, et mon objectif était de grimper des sommets et de devenir guide.» A 15 ans, il traverse la Laponie à ski. Quelques années plus tard, on lui propose une expédition en Afghanistan. «Je suis parti un mois plus tôt, seul, pour traverser le pays. J’étais fasciné par les paysages et les gens. J’étais content d’arriver au sommet, mais j’avais aussi hâte de redescendre pour retrouver les caravaniers. C’est là que je suis devenu voyageur.»
Après cette expérience, il décide de vite repartir pour un tour du monde, sac au dos et appareil photo autour du cou. Il ne le fera pourtant jamais. «Je suis resté en Himalaya pendant un an, à passer de village en village. J’y ai trouvé tout ce que j’aimais: la montagne, les gens et l’effort à produire pour aller à leur contact. J’avais soif d’autres vérités, et j’ai aussi été très réceptif au bouddhisme tibétain qui fait toujours partie de moi.» En 1979, il découvre le Zanskar, vallée tibétaine de l’Inde très isolée, et il se sent immédiatement chez lui. «Tout est à échelle humaine là-bas. J’ai appris la langue, je me suis intégré dans la culture et, pendant vingt ans, je n’ai cessé de faire des allers-retours entre l’Europe et l’Asie.» Il comprend alors que toutes les cultures détiennent une partie de vérité et se nourrit de cela. Sa vie au Zanskar, où il a adopté ses quatre enfants et créé sa famille, restera la période qui a forgé sa vie.
La consécration
De ces voyages naîtront des centaines d’images, primées et publiées dans les magazines les plus prestigieux, qui seront, d’après le modeste photographe voyageur, davantage le fruit d’une implication humaine. «Mon travail n’est pas sophistiqué d’un point de vue technique. Je n’ai aucune formation, j’étais très amateur au départ, puis j’ai affiné mon art au fil du temps. Le vrai défi était de savoir m’impliquer dans la culture de ces gens, de partager leurs codes et de gagner leur confiance. Je photographie une personne seulement après avoir appris à la connaître. C’est un moment de partage mutuel et de don de soi, où les âmes se relient.» Un moment hors du temps, contemplatif. «Je suis un photographe humaniste, et mon parti pris est de montrer uniquement la part lumineuse de l’homme.» Sa part sombre, à son avis surreprésentée dans nos médias, ne l’intéresse pas. «L’homme n’est pas que destructeur, il est aussi créateur. En quarante ans, je n’ai rencontré que des gens incroyables, et j’aime en témoigner. Je ne suis pas là pour transmettre un quelconque message, je partage ce que je vis, car je le trouve beau.»
Toucher le sommet
Olivier Föllmi aura aussi gravi les plus hauts sommets d’Asie et des Andes, en tant que photographe d’expédition, culminant jusqu’à 8000 mètres d’altitude. «C’était incroyable de vivre ces expériences, mais j’y ai mis un terme lors de ma 9e expédition dans l’Himalaya. Nous avons été pris dans une tempête et j’ai cru ne jamais redescendre, alors j’ai arrêté. J’ai déjà été chanceux de ne pas mourir avant. L’âge a sans doute aidé aussi à prendre du recul...»
Dans les années 2000, Olivier Föllmi repart aux quatre coins du monde pour le plus gros projet photographique de sa vie: Sagesses de l’humanité, une série de sept ouvrages traduits en neuf langues, vendue à plus d’un million et demi d’exemplaires dans le monde. «Plus jeune, faire un livre me paraissait inaccessible, il fallait être érudit, et moi, j’avais seulement mon baccalauréat. En fait, j’ai compris qu’il suffisait d’avoir quelque chose à dire et à montrer.» Il reprend, tout sourire: «J’ai eu la vie de mes rêves, riche et pleine de rebonds. Je suis très heureux de mon parcours. J’étais passionné, j’ai beaucoup travaillé et j’ai eu de la chance dans mes rencontres.» Tout n’a pas été facile, cela dit. «C’est aussi une vie de sacrifices, à laquelle mon premier mariage n’aura pas survécu. Je n’étais jamais chez moi, toujours à bouger, et dans une instabilité professionnelle constante: on part en voyage sans savoir sur quoi on va tomber, à qui vendre les photos ni combien...»
Transmettre et partager
Aujourd’hui, place aux jeunes. Olivier Föllmi a décidé de réduire la voilure, et de travailler à son rythme. Il se concentre désormais sur l’écriture. Cinq récits de voyages sont en projet. La photographie, c’est quasi fini pour lui. «Je ne suis plus fasciné par cet art, car je n’ai plus les connaissances. Je suis un photographe du XXe siècle, de l’argentique. Travailler mes photos sur un ordinateur n’est pas une création qui m’intéresse.» Cela dit, il a un besoin de transmission qu’il assouvit à travers des stages de photo, à Genève et ailleurs. Voyager, en revanche, il ne peut s’en passer. Actuellement en Inde, il sera prochainement en Thaïlande et a des envies d’Antarctique, mais aussi de Madagascar… «J’essaie de rester un enfant émerveillé, et même si mon but n’est plus photographique, je pars toujours pour aller à la rencontre des autres. J’ai besoin d’émotions, d’échanges, je ne peux pas passer à côté des gens...»
Aller plus loin sur: olivier-follmi.net