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L'histoire de «Bienne la Rouge»

Construction du lotissement du Petit-Marais en 1922.
Photo historique NMB

Construction du lotissement du Petit-Marais en 1922.

Il y a cent ans, Bienne passait en mains socialistes. Le Nouveau Musée de Bienne (NMB) retrace la genèse de ce virage et décrit ses impacts sur la vie quotidienne de la classe ouvrière. A voir jusqu'au 27 février

Issu du mouvement ouvrier, le Parti socialiste en Suisse connaît un regain de popularité après la grève générale de 1918. Confrontée à la crise qui marque l'Europe d'après-guerre, la population réclame de meilleures conditions de vie et un changement de société. Les premières «villes rouges» émergent en Suisse, à Zurich, à La Chaux-de-Fonds ou au Locle. En 1921 à Bienne, le Parti socialiste devient pour la première fois majoritaire, décrochant deux sièges à l'exécutif local, dont la mairie qui revient à l'ancien cheminot Guido Müller. Le Nouveau Musée de Bienne (NMB) consacre à cet événement une petite expo temporaire. «Pour les ouvrières et les ouvriers, ce virage à gauche incarne l'espoir de voir enfin leurs intérêts représentés», y lit-on. Mais la tâche des nouveaux élus était lourde. «La récession économique, le fort taux de chômage, les pénuries de ressources, les conditions d'habitation désastreuses, la tuberculose, les dettes... voilà quelques-uns des défis auxquels étaient confrontées les nouvelles autorités communales.»

Durant ses vingt ans de pouvoir, la majorité socialiste «s'efforce d'atténuer la misère des chômeurs en leur accordant des aides, mais aussi en faisant travailler les hommes sur de nombreux chantiers d'occupation». Elle s'emploie également à pallier les crises récurrentes de l'industrie horlogère en attirant d'autres filières, comme en atteste notamment l'implantation en 1935 d'une usine du constructeur automobile General Motors.

Coopératives d'habitation

La lutte contre la crise du logement est l'un des plus grands défis auxquels «Bienne la Rouge» se voit confrontée. Non seulement les logements sont trop rares, trop petits et trop chers, mais ils sont le plus souvent insalubres, sinon misérables. La construction de logements décents, à prix abordables, devient rapidement une priorité. La commune achète de nombreux terrains et promeut la création de coopératives d'habitation. De nombreux lotissements populaires sont bâtis. Les nouveaux habitats se veulent exemplaires sur les plans économique, social et hygiénique. Les maisons des quartiers du Petit-Marais et de Champagne sont érigées loin des fumées des usines. Lumineuses et relativement spacieuses, elles sont agrémentées de jardins potagers. Sur un certain nombre de plans, l'architecte est allé jusqu'à prévoir les variétés de légumes à y planter. A l'intérieur, les cuisines sont fonctionnelles et bien équipées. La buanderie fait office de salle de bain, essentiellement prévue pour se décrotter après les travaux du jardin. Quant aux étendoirs à linge extérieurs, ils sont souvent communautaires, afin de faciliter les contacts sociaux.

Compromis

Au cours des vingt années «rouges», les élus socialistes, confrontés à une très forte minorité bourgeoise, pratiquent une politique réformiste, marquée par de nombreux compromis, comme en témoigne de manière emblématique la construction simultanée, entre 1930 et 1931, du très chic hôtel Elite et de la Maison du Peuple qui, aujourd'hui encore, se font face.

La «ville rouge» se voit parfois aussi dépassée sur sa gauche. Exemple, en 1926, les ouvriers de l'usine à gaz, pourtant municipale, mènent une grève pour protester contre leurs conditions de travail et pour réclamer des hausses de salaire. Leur mobilisation provoque la colère du maire, lequel qualifie cette grève d'acte «égoïste».

Hôtel Elite et Maison du Peuple à Bienne.
Emblèmes du compromis réformiste à Bienne des années 1930, deux immeubles érigés au même moment: le luxueux hôtel Elite qui fait face à la Maison du Peuple. © Pierre Noverraz

 

La guerre du lait

Les ouvrières de Bienne, les femmes socialistes et des sociétés féministes se sont mobilisées pour la gratuité de la distribution du lait

A l'époque de «Bienne la Rouge», les femmes n'ont pas encore suffisamment de poids dans le mouvement ouvrier. Mais l'exposition met en évidence un épisode montrant qu'elles étaient loin de se laisser faire. Entre 1930 et 1931 en effet, un groupe de consommatrices mené par Heidi Rüegger et Alice Boder-Lauper exige que la livraison de lait redevienne un service gratuit comme dans certaines autres villes. Ce service avait partiellement été aboli après la Première Guerre, au grand dam des ouvrières contraintes de se rendre quotidiennement dans les débits de lait en plus de leur travail. Avec le soutien des femmes socialistes, plusieurs sociétés féministes luttent pour cette revendication. Mais la coopérative de consommation, pourtant issue du mouvement ouvrier, s'y oppose au prétexte que cela allait renchérir le prix du lait. La commune reste neutre et propose une médiation. Les protestataires boycottent les débits et organisent une manifestation rassemblant 800 femmes. En 1933, les consommatrices n'hésitent pas à créer leur propre laiterie, la Central-Molkerei SA, qui se charge des livraisons à domicile. Cette centrale est boycottée par les producteurs de lait régionaux et se voit contrainte de s’approvisionner à Lucerne ou à Fribourg. Cette guerre du lait s'achèvera avec la promulgation d'une ordonnance fédérale réinstaurant la distribution gratuite du lait.

Bouteille de lait exposée.
Le lait, boisson de base d’un prolétariat aux conditions de travail difficiles. Ici, une bouteille de la laiterie Grünig, de l'Union biennoise de producteurs de lait, exposée au musée. © Pierre Noverraz

Infos pratiques

Exposition «100 ans de Bienne la Rouge», jusqu'au 27 février 2022, du mardi au dimanche de 11h à 17h.

Des visites commentées sont proposées les samedis 29 janvier, 12 et 26 février, à 10h30 sur, respectivement, le Quartier de la gare, la Champagne et la Coopérative FAB-A.

Voir le site: nmbienne.ch

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