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La réalité de la fracture numérique

Des seniors avec d'anciens téléphones portables.
© Thierry Porchet

L’évolution éclair de la technologie pose des problèmes à nombre de personnes menacées d’exclusion sociale et professionnelle.

Le phénomène touche une personne sur cinq en Suisse et s’invite au sein même des postes de travail. Des formations existent pour y remédier

Selon une enquête de l’Office fédéral de la statistique, près de 20% de la population suisse ne possède que des connaissances de base restreintes dans le domaine numérique, voire aucune connaissance. On parle donc d’une personne sur cinq qui s’expose au risque d’exclusion sociale et économique.

La Suisse fait partie des leaders mondiaux de l’innovation numérique, dont le but est de nous faciliter la vie et de nous apporter davantage de confort, mais ces progrès s’avèrent être un obstacle pour une part conséquente de la population. De plus en plus, et pour tout, les gens sont renvoyés à internet pour leurs démarches administratives, leurs questions ou leurs achats. Le contact humain se perd, au profit de l’accès numérique. Les guichets d’accueil physique ou les caisses disparaissent, au profit des automates ou des bornes.

Vers le tout-numérique

Voici des exemples. Il y a quelques années, l’administration publique a choisi de prioriser l’accès numérique aux informations et aux services publics, à l’image des déclarations d’impôts ou encore des demandes de prestations d’assistances publiques comme le chômage, la retraite, les papiers d’identité, le permis de séjour ou encore l’aide sociale. Conséquence? Des difficultés engendrées pour les personnes les moins à l’aise, voire même l’abandon de certaines demandes face à leur incompétence.

De même, les paiements se font aujourd’hui via un code QR: celui qui n’a pas de smartphone ou d’ordinateur se retrouve donc bec dans l’eau et devra payer s’il souhaite continuer à aller à La Poste pour honorer son dû.

Sans oublier l’achat de billets pour les transports publics, en ligne ou sur des applications, ou encore la postulation pour des logements et des emplois, qui se fait quasi exclusivement par l’envoi de dossiers par e-mail.

Bref, en peu de temps, les différents appareils numériques, à savoir les ordinateurs, les tablettes, les smartphones et les automates ont pris le dessus et leur utilisation est devenue aussi importante que la maîtrise des compétences de base que sont la lecture, l’écriture et le calcul.

Travailleurs touchés

Dans un communiqué de presse rédigé le 26 septembre dans le cadre des Journées suisses du digital, la Fédération suisse Lire et Ecrire fait le lien entre décrochage numérique et décrochage professionnel. En effet, la numérisation touche de plus en plus de secteurs, avec le risque pour certains employés de ne plus remplir les exigences du monde du travail. «Presque toutes les entreprises ont recours à des applications et des processus informatisés, y compris les petites entreprises artisanales, de plus en plus souvent équipées de machines et d’outils à commande numérique.» Des branches comme l’hôtellerie-restauration, le transport, le nettoyage et même l’agriculture sont directement concernées. «Dans ce contexte, il est indispensable que les collaborateurs disposent des compétences numériques de base requises, afin de conserver leur employabilité à long terme», écrit la Fédération. Cette dernière rappelle l’enjeu économique majeur que représente cette révolution numérique. Si l’automatisation et la numérisation pourraient faire disparaître plus d’un million d’emplois d’ici à 2030, elle pourrait aussi entraîner la création d’autant de nouveaux postes.

Solutions proposées

Comment faire pour lutter contre cette fracture numérique qui creuse les inégalités sociales déjà existantes? Pour la Fédération suisse Lire et Ecrire, il est capital de renforcer les mesures de formation afin de permettre à la population d’accéder aux compétences numériques et de ne pas se sentir disqualifiée. D’ailleurs, l’association est l’un des moteurs de la campagne nationale «Simplement mieux!» qui propose des cours de formation continue en lecture, en écriture, en calcul et en informatique. «En outre, il est indispensable de maintenir les accès analogiques et d’améliorer la prise en charge professionnelle des personnes qui ont besoin d’aide pour maîtriser les défis de la numérisation.»


Aller plus loin sur: lire-ecrire-suisse.ch ou simplement-mieux.ch

Qui est concerné?

L’accès et la maîtrise du numérique sont devenus indispensables, dans tous les domaines et pour tous.

La fracture numérique est visible dans toutes les couches sociales. On pense souvent aux seniors mais sont aussi concernées les personnes en situation de migration, de handicap ou qui manquent de formation. Les jeunes, que l’on pense très connectés, peuvent aussi se montrer perdus quand cela devient plus professionnel ou quand ils doivent utiliser un ordinateur.

Enfin, la fracture numérique, ce n’est pas seulement les compétences, mais aussi l’accès aux technologies. Partant, le manque de réseau ou l’absence d’équipements (ordinateur, tablette ou wi-fi) en raison de moyens insuffisants ou autres, font aussi partie du phénomène.


L’OSEO Fribourg, acteur de lutte contre la précarité numérique

«Ce phénomène a commencé dans les années 1990, mais c’est vraiment ces cinq dernières années que la fracture numérique a été thématisée, représentant une nouvelle forme d’exclusion», explique Joël Gavin, directeur de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) Fribourg. «La pandémie de Covid-19 a par ailleurs été un formidable accélérateur en matière de transition numérique, mais cela a aussi creusé les inégalités déjà existantes, par exemple avec l’école à la maison.»

Pour y remédier, l’organisation, active dans l’insertion socioprofessionnelle, propose plusieurs cours ou formations. On retrouve notamment à Fribourg, depuis plus de quinze ans, des cours sur les compétences digitales donnés à des personnes migrantes souvent peu qualifiées. Il y a aussi des permanences informatiques de recherche d’emploi. Depuis le mois de mai 2017, l’OSEO Fribourg organise également des ateliers de postulation en ligne lors desquels un formateur accompagne les participants pour la rédaction de leur CV et de leur lettre de motivation, puis les aide à postuler à des offres d’emploi. «Dans tous nos cours, nous formons avec le matériel authentique ou personnel de nos participants, souligne Joël Gavin. Depuis l’apparition des smartphones, les familles sont de moins en moins équipées d’ordinateurs à la maison.»

D’autres projets sont en construction, notamment un cours de cyberadministration qui sera ouvert à tous dès l’an prochain. Mais aussi un cours proposé aux retraités d’Unia pour les former aux nouveaux outils numériques, comme les réseaux sociaux.

Plus d’informations sur:
OSEO Fribourg, 026 347 15 77, oseo-fr.ch
Des prestations semblables sont proposées dans les autres cantons par l’OSEO.
Pour les découvrir, rendez-vous sur: oseo-suisse.ch ou appelez au 031 380 14 01.

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