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L’âme d’une montagnarde

Portrait de Laëtitia Frison.
© Thierry Porchet

Valaisanne de cœur, Laëtitia Frison goûte à la liberté de la nature tout en s’engageant avec ses collègues pour de bonnes conditions de travail.

Quand elle ne travaille pas comme vendeuse dans une enseigne sédunoise, Laëtitia Frison tricote ou pratique différents sports de montagne. Avec passion

De l’énergie, Laëtitia Frison en a à revendre. D’un optimisme à déplacer les montagnes qu’elle aime tant, joyeuse et volubile, la jeune femme de 37 ans multiplie les activités. Pour gagner sa vie, elle travaille à 60% comme vendeuse dans une enseigne sédunoise, en Valais. Une profession qu’elle apprécie aussi bien pour les relations nouées avec ses homologues que le contact avec la clientèle. «Le magasin fonctionne bien malgré la concurrence des achats en ligne. La plupart des habitués ont conscience que nous risquons de disparaître s’ils privilégient les commandes d’articles sur Internet», précise Laëtitia Frison, avant d’aborder la situation sur le front du personnel: «Nous formons une bonne équipe. Nous nous entraidons et nous mobilisons pour de bonnes conditions de travail. Le point le plus problématique? Les salaires, pas très élevés. Même le gérant l’a reconnu. Nous avons obtenu une augmentation de 3% pour compenser le renchérissement du coût de la vie.» De quoi réjouir la vendeuse, aussi soucieuse de contribuer à une bonne ambiance dans le groupe. «J’organise hebdomadairement un cours de yoga pour mes collègues afin de renforcer la cohésion entre nous et relâcher les tensions.» La trentenaire s’inquiète néanmoins pour les générations futures. «Le monde professionnel s’est fortement durci et a perdu énormément de valeurs sociales. On est souvent tenu à effectuer moins d’heures de travail tout en ayant le même rendement. Beaucoup de stress à la clé.»

Méditatif…

A côté de ce métier, la salariée s’est lancée dans une activité contribuant à mettre du beurre dans les épinards: le tricot. Depuis quelques années, elle réalise, le plus souvent avec de la laine locale et cent pour cent naturelle, des bonnets, gants, tours de cou, pulls, etc., qu’elle écoule sur le marché de la capitale valaisanne ou via son site. L’artisane accepte également les commandes et maîtrise toute une gamme de points. Une passion dont les premières mailles ont déjà été formées dans l’enfance. «J’ai appris le tricot à l’âge de 7 ans, aux côtés de ma grand-mère avec qui j’ai tissé des liens privilégiés. J’ai eu l’envie de m’y remettre. Une manière de me rapprocher d’elle, bien que je lui téléphone chaque semaine – elle vit au sud de la France. Tricoter se révèle aussi méditatif et apaisant, un peu comme le yoga», note Laëtitia Frison, qui a décidé il y a quelques années de commercialiser ses créations, comme celles de son mari, qui fabrique des accessoires en cuir, sur les conseils de touristes. «Nous habitions alors aux Haudères et travaillions à l’extérieur. Des visiteurs nous ont vus à l’œuvre et nous ont encouragés à vendre nos articles. L’idée a petit à petit fait son chemin.»

Le sport occupe aussi une place majeure dans la vie de la manuelle d’origine française, naturalisée. Ski de randonnée, grimpe, trek, VTT, parapente, etc., agrémentent son temps libre. Par goût de l’effort et un besoin de se dépasser. Mais surtout pour la beauté des décors et un sentiment de liberté. «Au quotidien, on est toujours relié à quelqu’un. On est l’employée de… la femme de… la fille de… Dans la nature, on est libre. On ne doit rendre de comptes à personne. On est son propre maître.»

Véritable Valaisanne

Laëtitia Frison est venue pour la première fois en Valais en 2007, embauchée à Zinal comme serveuse. «Je suis ensuite partie à la découverte de cette région à bord de mon bus-caravane et suis tombée totalement amoureuse de ce canton, de ses paysages. Je ne suis plus jamais repartie. Je suis devenue une véritable Valaisanne», affirme cette montagnarde comme elle se définit volontiers, elle qui a également gagné sa vie sur un alpage, travaillé pour des remontées mécaniques ou encore comme professeure de ski. A ce propos, la sportive à la fibre écologiste s’inquiète de la disparition progressive de la neige et des risques de manque d’eau. «J’ai pu observer le recul des glaciers comme, entre autres, celui d’Arolla.» Laëtitia Frison n’imagine pas pour autant devoir ranger définitivement les lattes. «Je ferai du ski sur le sable, sourit-elle. C’est assez comparable, hormis la chaleur insupportable ressentie dans les chaussures. J’ai eu l’occasion d’essayer en Jordanie.» Ce pays a beaucoup marqué la jeune femme qui souligne l’accueil chaleureux de ses habitants. «De quoi tordre le cou à nombre de préjugés à l’égard des personnes d’origine arabe ou de confession musulmane», ajoute la voyageuse irritée et attristée par les inégalités de traitement. Et de citer en exemple l’attitude du Gouvernement helvétique vis-à-vis des réfugiés. «La Suisse aide volontiers les Ukrainiens, ce qui est bien, mais pourquoi n’agit-elle pas de même avec les exilés afghans, syriens, etc. Ils affrontent des situations semblables.»

Le plus grand jardin du monde

Dans le canton aux treize étoiles, Laëtitia Frison souligne avoir été bien reçue, avec bienveillance, et ce malgré le caractère «un peu froid mais curieux» de ses hôtes. «C’est aussi aux nouveaux arrivants de faire des efforts. Je me sens aujourd’hui totalement intégrée», poursuit-elle avec un accent mâtiné de consonances du coin. La Valaisanne de cœur rêve désormais de posséder un petit terrain où elle pourrait installer sa yourte – elle vit actuellement dans un appartement au Pont-de-la-Morges – tout en appréciant aussi l’existence nomade à bord de son bus. «Je bénéficie alors du plus grand jardin du monde», illustre cette amoureuse du grand air, qui privilégie ce logis et moyen de transport durant les vacances estivales.

Heureuse, associant le bonheur à la simplicité, Laëtitia Frison confie encore n’avoir pas peur de grand-chose. Et voit même dans des événements comme la guerre des occasions de changements positifs. Toujours cet optimisme chevillé au corps doublé d’une grande sensibilité pour celle qui, en guise de mot de la fin, invite le monde «à prendre les bonnes décisions pour l’avenir et à arrêter de penser seulement au profit».