Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Eviter l’impasse

Rémunérations en chute libre: selon la Confédération européenne des syndicats (CES), les salaires réels, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, ont diminué jusqu’à 9% cette année dans l’UE. Sur l’ensemble du Vieux Continent, la baisse est évaluée à 2,5% alors même que les profits des entreprises ont connu une hausse d’environ 1% à 6,5%. Cette situation se traduit par une augmentation inquiétante de la précarité. Avec un nombre croissant de personnes devant choisir quelles factures elles régleront en priorité, contraintes d’économiser sur les produits alimentaires de base, l’essence ou encore le chauffage. Et ce quand bien même elles travaillent sans relâche. Ce cadre explique les différents mouvements de protestation secouant l’Europe. A l’instar de la France où, à titre d’exemple, les travailleurs des raffineries et dépôts de carburant manifestent leur colère et désarroi, engagés dans une grève entamée il y a un mois. Mais aussi dans nos frontières, et notamment dans le secteur de la construction, où plus d’un maçon sur quatre s’est dit prêt à poser les outils, refusant de céder au chantage patronal qui entend conditionner des hausses de revenus à davantage de flexibilisation du temps de travail.

Bien que moins durement frappée par le renchérissement du coût de la vie, la Suisse voit elle aussi sa classe moyenne perdre de son pouvoir d’achat, les catégories les moins bien loties se démener pour garder la tête hors de l’eau. La raison tient également à des rémunérations qui ont stagné ces dernières années ou subi souvent des améliorations cosmétiques, et à des primes maladie qui n’ont cessé de prendre l’ascenseur. Et alors que les prix de l’électricité seront, selon la Confédération, plus élevés de 27% au minimum l’an prochain et sans embellie annoncée sur le plus long terme. La résultante de notre dépendance à des ressources étrangères et de l’attentisme irresponsable des élus dans la mise en place accélérée d’alternatives vertes.

Dans ce contexte helvétique et européen, une seule réponse possible: une revalorisation générale des salaires couvrant la hausse du coût de la vie et un plafonnement des prix de l’énergie. Les autorités sont par ailleurs appelées à aider les populations les plus fragilisées. La CES vient de lancer une campagne dans ce sens devant le Parlement européen, interpellant les représentants de Bruxelles et les gouvernements nationaux. Elle a aussi réclamé l’introduction d’une taxe sur les bénéfices faramineux réalisés par certaines entreprises qui tirent parti de la crise. Et contribuent à alimenter l’inflation exploitant les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement provoquées par la pandémie et la guerre en Ukraine pour engranger un maximum d’argent. Avec, en tête les sociétés actives dans le domaine de l’énergie. A l’image du groupe Exxon Mobil qui a enregistré, ce premier semestre, 23,4 milliards de dollars de bénéfice ou celui de Total qui, pour la même période, inscrit à son bilan un montant excédentaire de 18,8 milliards de dollars. Exiger dès lors des entreprises gagnantes de l’inflation le paiement d’un impôt sur leur manne extraordinaire et la limitation des dividendes distribués aux actionnaires participe des revendications légitimes de la CES. Un moyen, également, de barrer la route à la spéculation.

A l’urgence d’enrayer la spirale d’appauvrissement des travailleurs se greffe la nécessité d’une réflexion profonde sur la privatisation des marchés de l’énergie. Une dérive payée au prix fort aujourd’hui. Au même titre que le manque d’investissements dans les énergies renouvelables. Dans l’intervalle, les salariés ne sauraient faire les frais de ces politiques. Et doivent pouvoir maintenir leur pouvoir d’achat. Tout autre chemin mènerait à une impasse et à un envenimement d’un climat social déjà explosif.