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Question existentielle

L’an dernier, plus de 83 millions d’animaux de rente ont été abattus contre 62 millions en 2012! Bien que restreint dans nos frontières, l’élevage intensif a gagné du terrain. Avec des implications particulièrement négatives en termes de souffrance animale – même si la Suisse possède une législation restrictive en la matière en comparaison avec d’autres pays – et d’environnement. Une situation qu’il sera possible de corriger le 25 septembre en votant en faveur de l’initiative visant à mettre un terme à cette dérive. Ses auteurs rappellent que 93% des poulets élevés pour leur chair sont confinés dans des halles d’engraissement pouvant compter jusqu’à 27000 spécimens et ne voient jamais le ciel. Qu’au terme des cinq semaines de vie qui leur sont accordées, ils vacillent sur leurs pattes en raison de leur surpoids. Pas de meilleur traitement des cochons. Seuls 50% de ces mammifères disposent d’un accès à l’extérieur – au mieux une courette en béton – et peuvent s’entasser à dix dans des espaces grands comme des places de parc. Sans oublier les modifications génétiques qui les ont dotés de deux côtes supplémentaires. Quant aux vaches laitières, elles produisent 8000 litres de lait par an, le double que par le passé... Des réalités dictées par une quête effrénée de rentabilité et d’efficacité. En appréhendant les animaux de rente comme des marchandises. Bien loin des images de marketing de la grande distribution où apparaissent des paysans insistant sur le bien-être et la complicité qui les lie à leurs bêtes. Un marché de niche, fer de lance d’une communication s’apparentant à du greenwashing, dans une société devenue plus sensible à ces questions.

Dans ce contexte, le projet soumis aux urnes devrait inciter tout un chacun à s’interroger sur sa volonté de cautionner ou non l’élevage industriel. Un système cruel, orienté sur la seule maximisation des profits. Où plaçons-nous le curseur sur le barème du tolérable en ce qui concerne la souffrance animale? La problématique du climat et de la perte de la biodiversité pèse elle aussi de tout son poids dans la balance. Et cela alors que l’on ne cesse de mesurer l’ampleur des dégâts environnementaux – cet été a été particulièrement emblématique en la matière. Aujourd’hui pourtant, et en dépit des recommandations des experts du domaine, la consommation de viande reste élevée: en Suisse, elle s’élève à 52 kilos en moyenne par an et personne. Des ventes soutenues à grands renforts de publicités et de prix cassés des grandes enseignes. Et jamais ou très rarement pour des offres bios. Une aberration aux conséquences aussi nuisibles pour la santé.

Sans surprise, le Conseil fédéral et la majorité du Parlement rejettent l’initiative au motif que la Suisse protège déjà très bien les animaux. Dans les rangs des adversaires, on évoque encore le prix de ce projet pour les consommateurs. Qui devraient, en cas d’acceptation, dépenser un peu plus pour leur steak, cuisse de poulet ou œufs. Peut-être, mais on sera d’autant plus attentifs à ne pas manger de la viande tous les jours. A réduire le gaspillage. Tout en bénéficiant de produits labellisés. Les opposants affirment encore que les importations de produits carnés augmenteront, et ce en provenance d’Etats bien moins regardants que la Suisse en matière de maltraitance animale. Non rétorquent les initiants qui exigent dans ce cas aussi une application des standards bios. Et prévoient un délai de 25 ans pour la mise en œuvre de leur texte. Quoi qu’il en soit, cette initiative s’inscrit dans une vision plus large, existentielle. Elle contribue à l’impérative nécessité de changer de paradigme. De sortir d’une surexploitation de la nature alors que nous vivons dans un monde fini, aux menaces clairement identifiées. Si ce n’est par égard pour les animaux, au moins par respect pour les nouvelles générations et, à terme, leur survie...