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«Les maçons ne sont pas corvéables à merci!»

Syndicalistes sur un chantier.
© Olivier Vogelsang

Unia et le SIT ont convié la presse sur un chantier stratégique à Genève comptant, selon leurs informations, 50% d’employés intérimaires. Les syndicats ont dénoncé une flexibilité toujours plus grande demandée aux maçons.

Les syndicats genevois de la construction s’inquiètent face à la précarisation et à la dérégulation du secteur en vue du renouvellement de la convention nationale. Ils se disent prêts à entrer en guerre.

Les syndicats Unia et SIT ont convié la presse le 8 mai sur un chantier stratégique à Genève, afin de dénoncer la sombre réalité des maçons sur les chantiers. «Sur ce chantier, à notre connaissance, il y a plus de 50% d’employés intérimaires, souligne Joan Gesti Franquesa, secrétaire syndicat à Unia Genève. La flexibilité devient le nouveau mot d’ordre et nous craignons une régression sociale en bande organisée, dans le bâtiment et plus précisément dans le gros oeuvre. A l’aube du renouvellement de la Convention nationale (CN), les patrons doivent choisir ce qu’ils veulent sur leurs chantiers: des êtres humains ou des ressources humaines?»
Unia et le SIT pointent un communiqué de presse de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), daté du 11 avril. «Les entrepreneurs et entrepreneuses s’engageront en faveur d’une CN compréhensible et allégée, qui forme la base du monde du travail moderne. Pour ce faire, les employeurs d’une part, et les employés de l’autre doivent disposer d’une grande marge de manœuvre afin de trouver des solutions individuelles dans l’aménagement des rapports de travail, qu’il s’agisse de la durée annuelle du travail, de la réglementation sur les heures supplémentaires ou de solutions individuelles pour le temps de travail.» Pour les syndicats, ces déclarations ont un air de déjà-vu. «Comme à chaque renouvellement de la CN, la SSE tente par tous les moyens de la vider de sa substance, sous prétexte de pouvoir bénéficier d’un outil moderne, soulève Thierry Horner, du SIT. Rappelons-nous il y a 3 ans leur propagande scandaleuse, visant à faire croire que les maçons préféraient les longues vacances d'hiver, plutôt que l’été, pour aller skier! Cette fois encore, les patrons ne dérogent pas à la règle...»

Personnel usé
Accélération des cadences et des rythmes de travail, suppression des calendriers, élimination des durées maximales de travail et des annonces pour le travail du samedi généralisant ce dernier, journée interminable dans le froid, sous la pluie ou sous un soleil de plomb: telle est la réalité des maçons en 2025, listent les syndicats. Sans oublier le travail temporaire devenu un véritable modèle d’affaires, les faillites frauduleuses, la sous-traitance à outrance ou encore les licenciements des travailleurs âgés. «La dernière grande victoire syndicale que nous avons obtenue, c’est la retraite anticipée à 60 ans, en 2003, rappelle Thierry Horner. Depuis, plus rien! Nous luttons sans relâche pour conserver les droits durement obtenus et contre la dérégulation du secteur.»
Unia et le SIT le disent haut et fort: la construction marche sur la tête. Les employeurs plaident pour plus de flexibilité alors que le manque de main-d’œuvre est criant, que les baby-boomers partent en masse à la retraite et que de moins en moins de jeunes sont formés. «Les maçons ne sont pas corvéables à merci», s’indignent-ils.

Revendications claires
Face à l’hyperflexibilisation et à la précarisation qui guettent, voici les revendications des syndicats pour le secteur principal de la construction, en vue de son renouvellement de leur Convention à la fin de l’année. Une baisse du temps de travail, le paiement du temps de pause au niveau national ainsi que du temps de déplacement entre le dépôt et le chantier. «Nous demandons également des augmentations de salaire dignes de ce nom et pour tous, réclame Thierry Horner. Pas des augmentations individuelles au mérite qui divisent les travailleurs!» La compensation automatique du renchérissement au coût de la vie est également demandée. Autre revendication, la création d’un compte sur lequel seraient stockées les heures supplémentaires, une idée assez novatrice. 
Pour le canton de Genève, des demandes ont été spécifiquement formulées, dans l’espoir de pouvoir négocier localement. D’abord, la suppression des pénalités de salaires pour les jeunes maçons, dont la rémunération est moindre les trois premières années. Face à la généralisation du travail du samedi permis sur simple annonce, les syndicats genevois demandent que des critères précis conditionnent le travail du week-end, comme les cas d’urgence ou de risque pour la population.
Enfin, ils réclament que les travailleurs soumis à la CN aient droit à trois jours de formation syndicale payés par an, afin qu’ils connaissent mieux leurs droits. 
«Qui dit année de négociations conventionnelles, dit année de mobilisation, reprend Joan Gesti Franquesa. Si les patrons continuent à jouer avec le feu et à taper sur les travailleurs, nous serons prêts à entrer en guerre. Le rendez-vous est donné dans la rue le 17 mai à Lausanne et Zurich, et nous irons plus loin cet automne si c’est nécessaire.» 

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