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Jean-Pierre Thorel, lutteur infatigable

Portrait de Jean-Pierre Thorel
© Neil Labrador/archives

Figure du mouvement syndical genevois, Jean-Pierre Thorel s’est éteint le 4 mai dernier dans sa 80e année.

Né à Genève dans un milieu modeste, d’un père plombier et d’une mère secrétaire, concierges d’un immeuble dans le quartier des Délices, Jean-Pierre Thorel suit un apprentissage de mécanicien de précision, puis obtient un diplôme de constructeur de machines à l’Ecole d’ingénieurs, avant de suivre une formation de travailleur social en animation à l’Institut d’études sociales. Il travaille durant cinq ans au centre de loisirs des Pâquis et entre ensuite à la FTMH, l’un des syndicats ayant donné naissance à Unia, comme responsable du secteur jeunesse.

En 1977, il est nommé secrétaire syndical en charge de l’horlogerie et des garages. Il va défendre le personnel de ces branches avec beaucoup de détermination, n’hésitant pas, à l’occasion, à mener des actions coups de poing, à bloquer des ateliers et à occuper des usines. En 1985, le syndicaliste anime la grève boule de neige dans les garages genevois. Après quatre jours de blocage, 200 piquets de grève et des empoignades parfois musclées, comme devant chez Emil Frey, le patronat finit par accéder à toutes les revendications syndicales pour le renouvellement de la convention collective de travail.

Dans l’horlogerie, le syndicaliste s’attache à dénoncer les inégalités salariales et les conditions de travail difficiles pour les femmes, qui constituent 70% du personnel. Cette précarité est soulignée par l’ouvrage de la FTMH Le travail des femmes dans l'horlogerie genevoise publié en 1978. Basée sur les témoignages d’ouvrières, cette enquête met aussi en évidence la difficulté à se syndiquer et les carences du syndicat. Raison pour laquelle la direction centrale de la FTMH, à Berne, tente, en vain, de s’opposer à la publication du livre.

A cette époque, la section genevoise est plutôt remuante. Une majorité de ses militants adhèrent au Manifeste 77, qui exige une démocratisation de la FTMH. Jean-Pierre Thorel le signe également. Le responsable de section, Pierre Schmid, devra batailler toute une nuit contre un secrétaire central exigeant son licenciement immédiat.

Au milieu des années 1980, la section connaît une bonne dynamique. Pierre Schmid s’en va alors travailler à la centrale et Jean-Pierre Thorel devient le chef de file de la section. En 1986, celle-ci enregistre un grand nombre d’adhésions, devenant, avec 6500 membres, la plus grande section de Suisse. Comment expliquer ce succès? «Nos permanents sillonnent chantiers, ateliers et commissions», répond simplement à la presse le responsable syndical. La FTMH, qui obtient des réductions d’horaires et des augmentations de salaires dans la métallurgie, la métallurgie du bâtiment et l’horlogerie, continuera à voir ses effectifs progresser les années suivantes.

Jean-Pierre Thorel veut alors succéder à René Carron à la présidence de l’Union des syndicats du canton de Genève, mais il est coiffé au poteau par Eric Decarro du Syndicat des services publics. L’affaire fait grand bruit dans le landerneau et ouvre une période de bisbilles syndicales.

D’un caractère entier, Jean-Pierre Thorel pouvait s’attirer les inimitiés.

En 1990, il prend finalement les rênes de la faîtière, renommée Communauté genevoise d’action syndicale. Puis en 1994, il devient secrétaire général du conseil économique et social, organisme aujourd’hui disparu dans lequel il plaidera notamment pour la réduction du temps de travail.

Son grand legs reste sans doute l’Université ouvrière. Président de 1981 à 2005, il installe l’association dans ses locaux de la place des Grottes et en fait une véritable institution au service de la formation des adultes.

Retraité, ce lutteur infatigable était resté très actif dans l’association des habitants de son quartier à Vernier, au Parti socialiste et à Unia. Le syndicat salue aujourd’hui en lui «un militant fidèle, exceptionnel, qui n’a jamais cessé de se battre pour la cause syndicale».