Psychothérapeute et instructeur de survie, Antonio Catalanotto mène une existence hors du commun, s’échappant souvent dans la nature avec deux bouts de ficelle. De l’intensité à la clef
Psychologue, psychothérapeute, inspecteur de survie, baroudeur, démolisseur, travailleur humanitaire, etc.: à 35 ans, Antonio Catalanotto, dit Nino, a déjà un riche vécu. Un passé forgé par des voyages, des défis et des expériences hors des sentiers battus. Une trajectoire balisée d’émotions fortes. Avec, en toile de fond, une attirance irrésistible pour la vie sauvage et la débrouille. Un appel récurrent de la nature. Tout petit déjà, ce fils de pasteurs envisage de fuir dans la forêt pour échapper à un déménagement. «J’avais imaginé fuguer avec un copain, refusant de quitter Malleray, dans le Jura bernois, où nous vivions. Et ce malgré ma peur bleue des renards. Du coup, je prévoyais de dormir dans les arbres», se remémore Nino Catalanotto qui, quelques années plus tard, avec un autre comparse, décide de se rendre en plein hiver dans une grotte découverte lors d’une sortie scolaire. Une destination à des kilomètres de leur maison que les deux gosses rejoignent à la nuit tombante, complètement gelés. «J’avais très froid aux pieds. Je me souvenais d’histoires d’amputations.» Apercevant une ferme à proximité, Nino Catalanotto demande alors à son acolyte d’aller quémander un seau d’eau chaude avec l’idée d’immerger ses pieds pour le sauver du pire. L’habitante interpellée ramènera les deux têtes brûlées chez elles.
Gare aux goupils
«Gamin, j’étais toujours dehors. Je faisais aussi partie des scouts de l’Armée du salut à Moutier. Notre troupe, Les Flambeaux de l’Evangile, était surnommée les Briquets du Bon Dieu», rigole le trentenaire se souvenant avec bonheur de ce temps passé à l’extérieur, les cabanes construites, les longues marches, aussi nocturnes. Et toujours sa trouille des goupils. «J’ai cru une fois les entendre. J’ai dégainé mon couteau suisse. C’était au final probablement des chevreuils dont le cri ressemble parfois à un aboiement», raconte Nino Catalanotto, imitant, entre deux éclats de rire, le son entendu. Pas de quoi toutefois détourner l’adolescent d’alors de ces virées qu’il poursuivra en marge de ses études. Et de son intérêt pour la survie. Avec des amis, le jeune homme, titulaire d’un master en psychologie, gagne la Suède en auto-stop dans le but de vivre en autarcie dans la nature. «Nous avions des cannes à pêche, mais j’avais oublié mon livre sur les plantes. On a mangé du poisson pendant deux semaines. On s’exerçait à la survie, mais on n’y connaissait rien. On tournait en rond, entre clairières et sapins», relate amusé le trentenaire qui s’est aussi frotté à l’humanitaire, employé par une ONG au Sri Lanka après le tsunami. Le voyage le plus marquant restera toutefois celui qui l’a conduit en 2010 de Lausanne au sud de l’Inde... à vélo! Un périple d’un an et deux mois effectué avec des compagnons de route dans des conditions de vie minimalistes, ne transportant que l’indispensable, dormant à la belle étoile...
Nino des Bois
«Nous avons traversé les pays de l’Est en suivant le cours du Danube, puis la Grèce, la montagneuse Turquie avant d’être bloqués en Iran. Il nous a alors fallu prendre l’avion jusqu’à Bombay pour pouvoir ensuite rejoindre notre destination de nouveau à force de mollets.» Au Kerala, le baroudeur travaille dans un «camp de hippies» à un projet de reforestation puis gagne le Népal, en auto-stop et à pied. Rentré en Suisse, il décroche différents jobs dont un dans une entreprise de démolition – «génial, intense, mais pas terrible pour la santé, notamment à cause des poussières d’amiante» – avant de travailler cinq ans comme éducateur. Parallèlement, il continue de se former à la Survival Outdoor School où il a déjà suivi plusieurs modules. Si, à son retour de voyage, il habite dans un premier temps dans un squat, Nino Catalanotto finira par s’installer... dans le bois de Sauvabelin, en région lausannoise. «Je rentrais le soir après le travail dans ma cabane. Le problème, c’était les odeurs que je ramenais de la ville. J’avais mis en place une sorte de sas où je me dévêtais de mes habits que j’isolais dans un sac poubelle. Je me lavais à la rivière. J’ai vécu deux mois de cette façon. J’ai vaincu ma peur d’être seul. Je suis devenu un homme.» Un être qui se ressource autant dans le silence que dans les échanges, ses échappées dans la nature – dont une virée de trois semaines en solitaire à se nourrir seulement de ses cueillettes – restant toutefois indispensables à son équilibre.
Liberté absolue
«La nature constitue un espace avec d’autres règles. Je me sens plus vivant à son contact même si parfois je me confronte au vertige. J’aime cette liberté absolue et je suis curieux. Et puis, dans la civilisation, le spectre des émotions se réduit: on n’a jamais trop chaud ni trop froid; on vit dans le confort, la routine...» affirme, volubile, ce sympathique et joyeux extraverti qui, marié et père de deux petits enfants de 4 et 5 ans, a canalisé sa passion en organisant régulièrement des stages de survie. Pour faire bouillir la marmite, il travaille également à temps partiel à Almaval, un centre d’expertise en psychiatrie et psychothérapie en pleine nature à Crissier. «Avec la famille, je me suis rangé un peu...» lance l’instructeur drainant dans ses stages des intéressés aux profils variés. «Des intellos en quête de compensations par rapport à l’aliénation de nos sociétés, des alternatifs attirés par davantage d’harmonie avec leur environnement, d’autres qui craignent l’effondrement de notre planète...» Une hypothèse que Nino Catalanotto, assez anxieux en dépit de l’enthousiasme qui le caractérise, n’écarte pas. Pas de quoi toutefois freiner cet hyperactif dans ses projets qui trouvent dans ses connexions avec le monde sauvage et dans sa famille le terreau favorable à ses émotions positives...