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Coup de chaud sur les chantiers

Ouvriers chantier
©Olivier Vogelsang

A Genève, Unia constate sur le terrain que la plupart des mesures de fond pour prévenir des risques liés à la chaleur ne sont pas appliquées.

En pleine vague de chaleur, Unia Genève fait le triste constat que toutes les mesures de prévention pour la santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas appliquées. Reportage.

Le 28 juin, les cantons de Genève et de Vaud ont déclenché leur alerte canicule en raison des températures annoncées par MétéoSuisse les jours suivants, allant jusqu’à 35°C. La veille, L’Evénement syndical a accompagné des syndicalistes d’Unia Genève sur quelques chantiers, pour voir si les travailleurs étaient informés et préparés à affronter des chaleurs extrêmes. 


Il est 15h, le mercure affiche entre 30°C et 31°C et Unia tombe sur une équipe en train de goudronner. «Au-dessus de l’enrobé, la chaleur est décuplée», souligne José Sebastiao, responsable du secteur à Unia Genève. Après quelques échanges avec les salariés, on constate que les employeurs ont fourni de la crème solaire, de l’eau, des lunettes de soleil et des protèges-nuque, ce qui est un bon début. Il n’y aura rien de plus. «Vous a-t-on fourni un plan canicule signé par un spécialiste en santé et sécurité au travail? Est-ce que l’un d’entre vous a suivi une formation pour venir en aide à un collègue en cas de malaise causé par les fortes chaleurs? Est-ce que votre employeur vous a envoyé le lien pour télécharger l’application MeteoAtWork?» A ces trois questions, la réponse sera non. Les syndicalistes installent alors l’application sur le téléphone des ouvriers et leur expliquent comment elle fonctionne. «L’entreprise a l’obligation de vous envoyer le lien de l’application qui détaille les mesures à prendre selon les températures jusqu’à 39°C. A partir de 39°C, il n’y a plus de mesures, on arrête le travail!» insiste José Sebastiao. Plus facile à dire qu’à faire, lance l’un des employés, intérimaire, tout comme ses trois collègues. Seul le chef a un poste fixe. «Je sais bien que c’est pour notre santé, mais si on s’arrête de travailler, on va nous dire de prendre la porte et ils engageront quelqu’un d’autre, lance-t-il, avant de retourner à sa machine pour plaquer le bitume. On fait du goudron toute la journée, matin comme après-midi, c’est notre travail.

Prévention largement insuffisante
Ce sera le même scénario sur tous les chantiers suivants. Les employeurs fournissent de l’eau fraîche et des protections solaires mais aucune mesure de prévention de fond n’est mise en place. Pas de formation, pas de plan canicule et pas d’application. «Chaque année, c’est la même chose, regrette Mathieu Rebouilleau, secrétaire syndical. Nous avons mis sur pied cette application l’an passé qui, selon les employeurs, résout tout, mais on se rend compte sur le terrain que la majorité des travailleurs ne l’ont pas et n’en ont jamais entendu parler, alors que ça relève du devoir de l’entreprise de les en informer. Le problème, c’est qu’on a de plus en plus de temporaires, qui connaissent mal leurs droits et qui ont peur, car s’ils arrêtent de travailler, on ne les paie pas et on les met dehors.» Pour Unia, la santé et la sécurité au travail doivent être une priorité.


Si l’été s’annonce chaud sur les chantiers, l’automne le sera aussi. «Aujourd’hui, on parle de canicule, mais dès la rentrée, il y aura plein d’autres sujets sur la table avec le début des négociations conventionnelles», affirment les syndicalistes.

«La sécurité des maçons est sacrifiée sur l’autel de la pression des délais»

Dans un communiqué de presse du 24 juin, les syndicats Unia et Syna rappellent que les épisodes caniculaires peuvent entraîner déshydratation, insolation et coups de chaleur, ajoutant que, chaque année, près d’un millier de travailleurs sont atteints d’un cancer de la peau lié à l’activité professionnelle. «Selon la Suva, le risque d’accident sur les chantiers augmente de 7% les jours où la température dépasse 30°C.»

Dans un contexte de fortes chaleurs, les syndicats exigent que les travaux lourds en plein air soient suspendus, et la durée du travail réduite. Quant aux maîtres d'ouvrage, ils sont priés d’assumer leurs responsabilités et de prolonger les délais finaux sans pénalité.

Les choses pourraient bouger au niveau politique. Fin 2024, le Conseil national a adopté à une large majorité une motion soutenue par les partenaires sociaux du secteur de la construction intitulée «Renforcer la protection de la santé des ouvrières et des ouvriers de la construction, prolonger les délais en cas de vagues de chaleur». Celle-ci prévoit la possibilité de reporter les délais sans risque de peines conventionnelles en cas de forte chaleur. La motion est actuellement examinée au Conseil des Etats.

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