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A La Chaux-de-Fonds, des maçons déterminés dans la grève

Manifestants avec banderoles
© Thierry Porchet

A la Chaux-de-Fonds, environ 350 maçons venus des cantons de Neuchâtel et du Jura, ainsi que du Jura Bernois, ont manifesté pour réclamer de meilleures conditions de travail.

Dans la Maison du peuple puis dans les rues de la vie neuchâteloise, les travailleurs ont affiché leur fermeté face aux prétentions du patronat.

Ils se sont donnés rendez-vous à la Maison du peuple, au cœur de La Chaux-de-Fonds. Les maçons neuchâtelois et jurassiens – 350 en tout – ont occupé massivement les lieux dès sept heures du matin, en ce premier jour de grève du secteur de la construction, et ont dit tout leur révolte face aux positions intransigeantes affichées par la Société suisse des entrepreneurs (SSE). Le renouvellement de la Convention nationale est au point mort après des rondes de négociations qui ont fait surgir de profondes divergences entre prétentions du patronat et revendications des partenaires sociaux.

Les syndicats, Unia en tête, réclament notamment des journées de travail plus courtes pour permettre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ils demandent de meilleurs salaires, la compensation de la pause de quinze minutes du matin et la rémunération du temps de déplacement dès la première minute. Dans une branche qui connait depuis plusieurs années une sérieuse pénurie de main-d’œuvre, l’enjeu de la lutte est plus que jamais crucial: il s’agit de reconquérir de l’attractivité pour les travailleurs d’aujourd’hui et pour les générations à venir. En face, la SSE campe sur des positions radicales: elle entend prolonger, par exemple, le temps de travail jusqu’à 50 heures hebdomadaires en instaurant des semaines de six jours. Voilà donc une opération de sape, de détricotage des acquis fixés par la Convention nationale négociée il y a quatre ans. 

 

Voir grandir ses enfants

«Je travaille depuis longtemps dans l’entreprise qui m’emploie comme grutier, aujourd’hui j’ai l’impression qu’on veut jeter à la poubelle notre métier et notre engagement, s’insurge José. C’est tout simplement inacceptable, on va se battre.» A ses côtés, Jorge emboîte le pas. Il est grutier, lui aussi, et il est révolté par la tournure qu’a pris la négociation. «Nous sommes tous solidaires entre les groupes de métiers du gros œuvre, nous formons une équipe et on ressent cette unité ici, dans cette salle. Pour nous, il est hors de question de céder, tant que nos droits ne seront pas respectés, il faudra poursuivre le mouvement. Unia est le meilleur canal pour donner une voix forte à notre mécontentement.»

La matinée et le repas de midi laissés derrière eux, les maçons ont quitté la salle pour descendre dans les rues de La Chaux-de-Fonds. «Stop à l’appauvrissement! Du temps pour vivre décemment!», «Pas de maçons, pas de maisons», voilà quelques slogans assénés dans le tour du Pod, artère centrale de la ville. Dans les rangs des manifestants, on croise Philippe, fraîchement diplômé, drapeau d’Unia dans les mains et une détermination qu’on devine dans son regard. «J’ai vingt-et-un ans, deux CFC dans la poche, en tant que constructeur de routes et de maçon. Je suis jeune et j’ai le temps pour m’orienter dans un autre domaine professionnel si les choses devaient mal tourner. Mais j’aime mon métier et je manifeste pour que ceux qui n’ont plus l’âge pour une reconversion, puissent continuer à travailler dans des conditions dignes. Je suis là pour tous ces pères de famille qui font des journées interminables sur les chantiers et qui n’ont pas de vie ailleurs que dans leur boulot. Eux, ils ne voient pas grandir leurs enfants et il faut que cela change. Mon père est lui aussi dans la construction. Petit, quand je lui demandais de jouer avec moi au foot le week-end, il me répondait toujours qu’il était trop fatigué. Il était épuisé par le travail.»

 

Une marche noble

Pas loin, deux amis en troisième et dernière année d’apprentissage affichent la même fermeté. «Les patrons n’ont pas compris qu’il y a une grande pénurie de main-d’œuvre, s’insurge Philippe. Je peux trouver du boulot en cinq minutes une fois que j’aurai terminé ma formation. Mais je n’ai pas envie de poursuivre aux conditions que veut appliquer la SSE. J’aime ce que je fais et je me battrai pour continuer à le faire dans des conditions acceptables.» Le cortège arrive au terme de sa boucle. A sa dernière halte, les participants saluent avec une minute de silence la mémoire de ces ouvriers décédés sur leurs lieux de travail et ils adressent une pensée aux collègues malades et blessés. 

Puis, tout le monde entonne «Grândola, Vila Morena» marche noble, hymne de la Révolution des Œillets, avant qu’Anne-May Boillat, secrétaire syndicale à Unia Transjurane n’adresse aux manifestants un bref discours. «Vous bâtissez notre pays par tous les temps. Chaque matin vous partez au chantier pour que l’on soit à l’abri, pour que nos maisons nous protègent du chaud, du froid, de la canicule et des intempéries (…). Sans vous, notre pays ne tiendrait pas debout. Sans vous, nous serions tous à la rue, exposés, isolés, vulnérables.» La syndicaliste a parcouru ensuite l’essentiel des revendications qui motivent la grève, avant de conclure avec une image forte. «Nous exigeons que la SSE quitte immédiatement le secteur de la destruction et qu’elle revienne dans le secteur de la construction.»

De retour à la Maison du peuple, les maçons se sont donné un nouveau rendez-vous. Il est fixé pour le lendemain à Lausanne, où toute la branche montrera à l’échelle romande, toute sa ténacité.

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