Avec son nouvel ouvrage intitulé «Bestiaire désenchanté», Marcel Barelli éclaire d’une lumière crue la relation que nous entretenons avec la gent animale. Cet auteur-illustrateur engagé nous invite avec tact et humour à interroger et à changer notre rapport au vivant
Après avoir publié un inventaire présentant avec science et humour toutes les espèces de vertébrés – il y en a 413! – recensées dans notre pays, le réalisateur de films d’animation et illustrateur Marcel Barelli remet le couvert avec un livre intitulé Bestiaire désenchanté. Dans celui-ci, il brosse le portrait de cinquante bestioles avec lesquelles nous sommes en lien: de l’anchois péruvien au pangolin javanais, du lombric commun à la souris grise, en passant par la coquille Saint-Jacques et la tourte voyageuse. But avoué de cet essai engagé et joliment transformé: interroger notre relation – souvent à sens unique et toxique! – aux animaux.
En introduction, l’auteur écrit que l’être humain a «bien des raisons de rougir, notamment au sujet de la question animale». Avant de poursuivre sur sa lancée: «Tous les jours, dans le monde, des milliards d’animaux sont tués, torturés et emprisonnés. Ils sont chassés, dressés ou mangés, dans l’indifférence, mais surtout, je le crois, dans la méconnaissance générale.» Ce terrible constat l’a poussé à dégainer sa plume pour répondre – comme il nous l’a dit – «à un besoin impérieux de communiquer sur ce sujet afin de toucher le public le plus large possible».
Une invitation à la réflexion
Convaincu, comme tant d’autres amoureux et passionnés de la nature, que l’on ne protège bien que ce que l’on connaît, ce Tessinois exilé à Genève fait donc ici une nouvelle fois œuvre de vulgarisation pour sensibiliser lectrices et lecteurs lambda à cette cause animale qui lui tient tant à cœur. «Pour moi, une des clés d’accès à la problématique environnementale, qui est quand même LE sujet du XXIe siècle, c’est la cause animale vue sous différentes facettes.» Et ce raisonnement, il l’a parfaitement contextualisé dans son nouvel opus.
Chaque exemple choisi se décline ainsi sur une double page. D’un côté, un texte informatif, factuel et accessible sur la thématique abordée (destruction de l’habitat, pêche industrielle, élevage, braconnage, pollution, réchauffement climatique...). De l’autre, un dessin en noir et blanc qui insuffle un peu de légèreté au propos traité (ou à l’animal maltraité). Car Marcel Barelli est persuadé qu’une image drôle ou surprenante peut davantage faire mouche que des photos chocs comme celles volées, par exemple, dans des abattoirs. «Ma démarche vise à faire évoluer les mentalités plutôt qu’à dénoncer, précise-t-il. C’est une invitation à la curiosité, à la réflexion et au respect.»
En parcourant ce Bestiaire désenchanté qu’il a dédié à ses enfants Lucia et Arthur, on prend conscience de l’étroitesse des liens qui nous unissent à nos voisins ou plutôt à nos colocataires à poils, à plumes et à écailles. Oui, comme le montre et démontre l’auteur tout au long de son ouvrage, ils sont partout: dans nos assiettes, nos tasses et verres, nos cosmétiques, nos vêtements, notre habitat, nos véhicules et même nos... préservatifs! Pour le meilleur (parfois) et pour le pire (souvent). A feuilleter vraiment sans modération.
Bestiaire désenchanté de Marcel Barelli, Ed. Presses polytechniques et universitaires romandes, collection Editions 41.
Fils de chasseur et végan
Barbe en friche et cheveux en bataille, Marcel Barelli est un auteur engagé qui traite de sujets graves toujours avec une touche de légèreté. Et qui, dans la vie, essaie d’être en accord avec ce qu’il défend dans ses livres et ses films. C’est pour cela que cet amoureux inconditionnel de la nature est devenu végan. Dans son Bestiaire désenchanté, il consacre d’ailleurs une double page à la carotte et à son fameux cri. A l’argument «Tu ne sais pas si les plantes souffrent?», il répond que, «si c’était le cas, il faudrait d’abord manger moins d’animaux, car on nourrit ces derniers surtout avec des végétaux». Et toc!
Ce trentenaire d’origine tessinoise est aussi fils de chasseur. «A table, avec mon père, on évite d’aborder les questions qui fâchent! rigole notre interlocuteur. Mais même si nos avis divergent, on se respecte, on s’aime, il y a toujours la place au dialogue, à la découverte de l’autre.» Il trouve quand même que «gibier», c’est – ce qu’il écrit dans son ouvrage – un drôle de mot: «Il n’existe aucun animal dont la raison d’être serait de se faire tirer dessus»...
Marcel Barelli travaille actuellement sur un troisième bestiaire, consacré cette fois-ci aux vertébrés qui ont disparu depuis le Moyen Age. «Tout le monde connaît le dodo, mais il y a des centaines d’autres espèces qui ont été effacées de la surface de la Terre et également de notre mémoire.»