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«Des vies ont été brisées par cette répression antisyndicale»

Congrès d'Unia à Bienne.
© Thierry Porchet

Enfin réunis! Les deux premiers jours du 4e congrès ordinaire d’Unia s’étaient déroulés en juin 2021 en visioconférence, Covid oblige. Pour sa troisième journée, le Palais des congrès de Bienne a accueilli les 206 déléguées et délégués des régions d’Unia et des groupes d’intérêts. Une salle attentive, et de nombreuses interventions à la clé.

Licenciements antisyndicaux, santé au travail, défense des emplois ou encore lutte pour améliorer les CCT et économie de plateforme étaient au cœur des résolutions adoptées fin février au congrès d’Unia

Lors du troisième jour du congrès d’Unia qui s’est déroulé le 26 février à Bienne, plusieurs résolutions présentées par les instances régionales ont été adoptées. Les 206 déléguées et délégués avaient auparavant débattu et approuvé quatre textes d’orientation du syndicat pour les années à venir et décidé de proposer à l’Union syndicale suisse (USS) le lancement d’une initiative pour une protection élargie contre les licenciements*. C’est aussi autour de cette problématique que portait la première résolution soumise à la discussion. Christian Weber, président d’Unia Neuchâtel, a défendu le projet. Il a rappelé la répression contre les délégués syndicaux, notamment celle qui s’est abattue en 2019 sur un jeune horloger de la vallée de Joux. «Il était porté par son enthousiasme. Pourquoi le syndicat lui avait-il proposé la discrétion? Pourquoi demande-t-on à un délégué syndical de ne pas se faire remarquer? Les travailleurs n’osent pas dire qu’ils sont syndiqués, ils ont intégré l’antisyndicalisme patronal. Ce jeune délégué a été congédié après sept ans dans l’entreprise et il n’a pas été possible de prouver que c’était un licenciement antisyndical. Pourquoi c’est à nous d’apporter les preuves? Et pas au patron de prouver le contraire?» a interrogé le syndicaliste. Christian Weber a aussi fustigé l’absence d’informations sur la médiation entre l’USS, le patronat et le Conseil fédéral, débutée en 2019 et qui devait durer une année. Cette médiation avait été entamée en échange du retrait de la Suisse de la liste noire de l’Organisation internationale du travail (OIT), où elle avait été placée – à côté de la Grèce et de la Biélorussie – en raison du non-respect des droits syndicaux. «Nous demandons à notre comité directeur pourquoi nous n’avons pas de nouvelles. Des vies ont été brisées par cette répression antisyndicale», a-t-il souligné. «Le congrès de Lausanne de 2010 avait déjà adopté une résolution sur la question et rien n’a été entrepris», a déploré pour sa part Ali Korkmaz d’Unia Vaud. A l’unanimité, les délégués ont adopté la résolution qui revendique une protection efficace et étendue contre le licenciement des représentants des travailleurs, la nullité d’un tel congé, l’interdiction de licencier un délégué pour «motifs économiques», une protection des délégués et des candidats à une représentation du personnel d’au moins un an après la fin de leur mandat. La résolution réclame également que cette question soit abordée lors de tout renouvellement de conventions collectives, que les pratiques antisyndicales fassent l’objet de poursuites pénales et de dénonciations publiques. Dernière exigence: «Les discussions entre l’USS, le patronat et le Conseil fédéral doivent être publiques, et les travailleuses et les travailleurs doivent être tenus au courant de l’avancée de celles-ci.»

«L’humain avant le profit»

Deux autres résolutions ont abordé la problématique de la santé. «L’humain avant le profit!» a plaidé Vanessa d’Unia Neuchâtel, qui présentait le premier texte. Elle est revenue sur la pandémie qui a révélé les inégalités, avec «un petit groupe de capitalistes qui s’enrichit sur le dos de la majorité». Une situation qui, comme l’indique la résolution, est la suite logique de trente années «de folle course aux profits et d’idéologie néolibérale» qui «affaiblit notre système de santé publique et notre sécurité sociale» et creuse les fossés sociaux. «On entend qu’à cause d’un travail, une personne est épuisée, une femme harcelée, un salarié traité comme un numéro. L’atteinte à la santé est normalement du ressort du pénal, sauf dans le business!» s’est indignée Vanessa, sous les applaudissements de la salle. Intitulée «La santé, noyau de la dignité des travailleurs», la résolution demande notamment d’investir dans les soins, la prévention et qu’il y ait une tolérance zéro en matière de santé au travail. Elle a été adoptée à l’unanimité. Un autre texte «Coûts de la santé: budget des ménages en danger», a aussi été approuvé. Proposé par Unia Vaud, il appelle à une vraie politique de prévention de la santé au travail, à la création d’un indice des prix intégrant l’évolution des coûts de la santé et à la prise en charge systématique d’une partie des primes maladie par les entreprises.

«De bonnes CCT ne tombent pas du ciel du jour au lendemain»

«Garantir les ressources publiques, les prestations et la création d’emplois»: la troisième résolution présentée par Unia Neuchâtel a, elle aussi, passé la rampe. Soucieux des risques pour les emplois locaux et des dernières réformes fiscales générant l’austérité budgétaire, le texte postule que «la préservation du financement des prestations à la population, le renforcement de la progressivité de l’impôt et la réduction de la concurrence fiscale intercantonale» doivent être développés dans les campagnes politiques d’Unia tant au niveau cantonal que national.

Le congrès a encore approuvé deux autres résolutions. L’une, émanant de la Région Tessin, demande que les salariés participent aux négociations des CCT, qu’ils fassent systématiquement partie des négociations et que tout accord soit soumis à la base concernée, avec un temps de consultation suffisant. L’autre, proposée par les Arts et métiers, plaide pour un renforcement des CCT par les luttes. Listant les revendications des travailleurs du secteur et les résultats obtenus dans certaines branches, le texte rappelle que «de bonnes CCT ne tombent pas du ciel du jour au lendemain» mais sont le fruit de décennies de lutte et de solidarité. Plébiscitée par le congrès, la résolution conclut: «Nous saluons aujourd’hui avec admiration nos collègues des soins, de la logistique ou encore de la vente qui se lèvent partout dans le pays et leur disons avec patience et détermination: la lutte syndicale finit toujours par payer! Uniti siamo forti!»

Avant d’aborder la seule résolution ayant suscité des désaccords, soit celle contre la guerre (lire ici), une résolution en lien avec le conflit chez Smood (lire ci-dessous) a encore été acceptée à l’unanimité.


Les résolutions et les textes d’orientation adoptés durant le 3e jour du congrès sont disponibles ici.

L’ubérisation, c’est la fin du salariat…

«Stop à l’ubérisation, à la flexibilisation à outrance et à la précarité. Nous exigeons des conditions de travail dignes pour les travailleuses et les travailleurs de l’économie de plateforme.» Sous ce titre, la résolution soutenue par le congrès a rappelé les revendications d’Unia en matière de numérisation et salué la lutte chez Smood. «Le conflit actuel avec cette société démontre clairement que l’action d’Unia est porteuse de sens et doit être maintenue. Avec une grève impressionnante et courageuse dans onze villes de Suisse romande, les livreuses et les livreurs de Smood ont mis en lumière leurs conditions de travail extrêmement précaires», note la résolution, qui affirme qu’Unia «continue sa lutte pour des conditions de travail dignes dans le domaine de l’économie de plateforme», et «s’engage pour une numérisation sociale». Véronique Polito, vice-présidente d’Unia, est revenue sur les débuts de l’ubérisation en Suisse et son accélération durant la pandémie. Deux modèles sont à l’œuvre dans le domaine, a-t-elle décrit. Celui d’Uber Eats, entré en Suisse par Genève en 2008, et dont le principe est «sans contrat». «Pour nous, c’est du travail au noir, largement toléré par les autorités, par la bourgeoisie qui voit dans ce modèle une source de profit», a lancé la responsable syndicale. Le second modèle, celui de Smood qui a provoqué une grève de 36 jours en fin d’année dernière, dispose bien de contrats, mais avec zéro franc de salaire garanti. «C’est ça l’ubérisation, la fin du salariat, et un nouveau type de relations de travail. Unia défend les droits des salariés et exige des autorités qu’elles rejettent ces modèles et partent du principe que les employés des plateformes sont des salariés», a poursuivi Véronique Polito, résumant les doléances de la résolution adressées aux autorités fédérales et cantonales.

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