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Travailleurs exploités sur un chantier des TPG

Chantier des entrepôts des TPG à Genève.
© Neil Labrador

Le chantier du futur entrepôt de bus et de trams des TPG, en face de l’aéroport de Genève, où une cinquantaine de travailleurs du sud de l’Italie ont été victimes de sous-enchère salariale.

Sur un chantier public, des électriciens d’Italie du Sud ont été payés moins de 10 francs de l’heure. Unia dénonce ce cas et d’autres, au Tessin et à Zurich, pour rappeler l’importance de renforcer la protection des salaires

Un nouveau cas de dumping salarial a été dénoncé par Unia la semaine dernière. Cette fois-ci sur le chantier des entrepôts de bus et de trams des Transports publics genevois (TPG) à Genève où une cinquantaine de travailleurs du sud de l’Italie ont été victimes de sous-enchère.

Tout a commencé par un appel d’offres public pour les travaux d’électricité. L’entreprise lombarde X, qui détient une succursale à Gingins dans le canton de Vaud, avait obtenu le mandat grâce à sa proposition remarquablement bon marché. «Il y a deux ans, les milieux patronaux étonnés de cette offre avaient interpellé le Conseil d’Etat qui avait alors répondu que la société X avait promis de faire les travaux à ce tarif. Et c’est tout. Preuve qu’il y a une défaillance dans le dispositif d’attribution des marchés publics», dénonce Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève. «Des salariés sont venus se plaindre il y a un mois environ. Nous avons recueilli leurs témoignages, sollicité la commission paritaire, le maître d’ouvrage – les TPG qui ont mis en place un fonds social préventif pour payer les salariés en cas de problème – ainsi que l’OCIRT (Office cantonal de l’inspection et des relations du travail, ndlr), car nous partons du principe qu’il faut retirer le mandat public à cette société.»

La Convention collective de travail des métiers techniques de la métallurgie du bâtiment de Genève (CCT MBG), de force obligatoire, qui inclut les électriciens, prévoit un salaire minimum horaire de 25 francs environ (24,68 pour les aides-monteurs). Or, si les décomptes salariaux respectaient la CCT genevoise des électriciens, une partie de leur salaire était ensuite directement prélevée sur leurs comptes par une autre société qui avait recruté les employés dans le sud de l’Italie. «Elle a exigé des travailleurs qu’ils ouvrent un compte dans la péninsule pour le versement du salaire et qu’ils remettent leurs cartes bancaires au gérant de cette dernière», précise Unia dans un communiqué. Les ouvriers n’ont pas non plus obtenu le paiement de l’intégralité des heures de travail effectuées.» Dès lors, selon l’évaluation d’Unia Genève, les salaires se monteraient entre 8 et 10 francs de l’heure.

«Créativité criminelle»

La déduction se faisait après coup, à quoi s’ajoute les heures supplémentaires pas comptabilisées. «Ils ont bossé bien plus que ce qui était déclaré, ce qui a encore baissé le salaire davantage par rapport à ce qui leur avait été promis à l’engagement, soit environ 16 francs de l’heure. Une telle rétribution représentait évidemment un bon salaire en comparaison d’un salaire moyen mensuel de 1000 euros en Italie», précise Alessandro Pelizzari.

Reste que la peur règne. «Ils ont eu peur de témoigner, et on soupçonne qu’ils subissent des fortes pressions, estime le secrétaire régional. C’est une affaire, parmi d’autres – celles notamment de Zurich et du Tessin (voir encadrés, ndlr), qui montrent que les entreprises font preuve d’une créativité criminelle à toute épreuve pour contourner la loi. A Genève, la densité des contrôles est importante. Et les inspecteurs ne se contentent pas de regarder les fiches de salaires, mais aussi les comptes. Or, les entrepreneurs ont toujours une longueur d’avance. La preuve: ils ont bien compris qu’il fallait retirer l’argent après. Cela signifie que le dispositif de contrôle doit pouvoir s’adapter sans cesse», analyse Alessandro Pelizzari.

Autant d’infractions qui montrent une fois de plus, selon Unia, le besoin urgent de renforcer la protection des salaires en Suisse, «et non les affaiblir comme le souhaitent les défenseurs de la version actuelle de l’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne». Et le syndicat de rappeler: «Les marchés publics doivent aussi impérativement se doter de règles claires pour empêcher de tels abus.»

Zurich: «La plus grosse arnaque de l’histoire des mesures d’accompagnement»

Des millions sur le dos des travailleurs. Salaires minimums pas respectés, enregistrement du temps de travail manipulé, travailleurs logés à des prix excessifs, entre autres fraudes. Voilà en substance les faits retenus contre l’entreprise de plâtrerie Goger-Swiss AG qui a sévi à Zurich ces dernières années. Et, depuis, fait faillite.

En 2015 déjà, le syndicat avait informé toutes les personnes et autorités responsables des exactions de la société active à Zurich, sans obtenir de réaction. «Pendant ce temps, Kurt Goger soumettait tous ceux qui dénonçaient ses abus à une avalanche de procès. Plutôt que de mettre fin à ses pratiques, Goger a tenté de criminaliser Unia», fustige le syndicat dans un communiqué. Rappelons qu’à cette époque, Kurt Goger s’était déjà vu attribuer de nombreux travaux d’envergure à Zurich, sur presque tous les gros chantiers grâce à ses prix au meilleur marché de la ville: l’école d’art Toni-Areal, le musée de la Fifa, le projet immobilier Tic Tric Trac. «Il obtenait pratiquement toutes les grosses commandes lucratives. Les employeurs corrects et tous les employés de Goger en ont fait les frais», dénonce Unia. Serge Gnos, responsable de la communication d’Unia, estime que «c’est la plus grosse affaire de dumping de Suisse, qui se chiffre à 10 millions de francs au moins». Reste que, comme l’indique Unia, «depuis l’été 2018, Kurt Goger s’est mis à bonne distance des autorités suisses chez lui, en Autriche, et joue au golf. Il laisse derrière lui une entreprise en faillite et saignée à blanc, d’innombrables débiteurs, et des employés floués de dizaines de milliers de francs suisses chacun.»

Tessin: des journées de travail de 24 heures

Au Tessin, des employés de GCF (Generale Costruzioni Ferroviarie) de Rome sur le site du tunnel ferroviaire terminé de Monte Ceneri à Camorino ont dénoncé des conditions de travail terribles. Officiellement, ces travailleurs, s’échinaient 8 heures par jour. Dans les faits, c’était le double! «Et parfois même jusqu’à 24 heures d’affilée sans sortir de la galerie», dénonce Igor Cima, secrétaire syndical d’Unia, se basant sur les témoignages récoltés. Cette société avait obtenu le contrat d’équipement ferroviaire d’Alptransit, car son offre était la moins chère. Or, elle avait déjà été épinglée au Danemark pour des cas de sous-enchère salariale sur trois chantiers navals, réglés depuis devant la justice. «En Suisse, le procureur évalue actuellement s’il y a violation du Code pénal. Et nous œuvrons pour que les employés, tous travailleurs détachés (majoritairement d’Italie et d’Albanie) et donc particulièrement fragiles, récupèrent leur argent. On parle de millions. Des heures supplémentaires et des frais de repas pas payés, des prélèvements sans justification, des remboursements de salaire…» indique Igor Cima. Et pourtant, GCF a gagné un mandat pour des travaux qui devraient commencer en 2020 sur le tunnel du LEB (Lausanne-Echallens-Bercher). Le secrétaire syndical conclut: «Une entreprise qui ne respecte pas la CCT, ni la loi sur les travailleurs détachés, ne devrait plus pouvoir travailler en Suisse, et de surcroît pas grâce à l’argent public.»

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