Unia Genève dénonce une gestion brutale des ressources humaines chez le fabricant de crayons dont sont victimes les collaborateurs les plus anciens
«Le 16 décembre, trois jours après mon soixantième anniversaire, on m’a annoncé mon licenciement immédiat, malgré mes 35 ans passés dans l’entreprise. Je n’ai même pas pu saluer mes collègues ni récupérer mes affaires.» Témoignant devant la presse, Rémi* ne cache pas avoir été fortement ébranlé par son renvoi de Caran d’Ache en décembre dernier. L’homme est entré dans la célèbre fabrique de stylos et de crayons genevoise en 1988, il a commencé comme contremaître, puis est devenu responsable de la couleur avant d’être nommé fondé de pouvoir. Ses ennuis ont débuté en 2020, lorsqu’on lui demande de redevenir contremaître. Lui seul a les capacités de remplir la mission qui lui est confiée, lui assure-t-on. Et, effectivement, il doit porter beaucoup sur ses épaules. Ce qui l’amène à l’épuisement. «J’avais informé l’entreprise de cette situation, malheureusement, la direction n’a pas pris en considération mes alertes.» En mai 2022, son médecin le met en arrêt. Il remonte ensuite la pente, mais au moment de son retour en entreprise, la directrice des ressources humaines lui annonce que son poste est déjà occupé par un autre employé et que la société n’a rien d’autre à lui proposer. La DRH lui suggère de prendre une retraite anticipée. A ses frais. «Comment j’aurai pu m’en tirer financièrement? J’ai refusé. Si on m’avait proposé un autre job dans l’entreprise, je l’aurais accepté.» Convoqué peu de temps après, il est sèchement renvoyé, non sans qu’on lui remette un excellent certificat de travail. «On m’a empêché de retourner en production chercher mes affaires. A l’heure actuelle, malgré plusieurs relances, on ne m’a pas tout rendu. Même un chien est mieux traité.» C’est en dehors de l’entreprise qu’il pourra revoir ses collègues. «Ils n’ont pas compris, ils disaient toujours que j’étais un pilier de l’entreprise. Mais j’ai commis l’erreur d’être sept mois en arrêt maladie.»
Pas un cas isolé
«J’ai reçu des appels et des messages de membres m’interpellant sur le licenciement de Rémi, ce qui n’est pas courant. Malheureusement, la direction a refusé toute discussion avec nous», explique Alejo Patiño, secrétaire syndical d’Unia Genève. Soutenu par le syndicat, Rémi va se porter au Tribunal des prud’hommes en dénonçant un licenciement abusif.
«Ce n’est pas un cas isolé», prévient le syndicaliste. Unia a en effet dénombré cinq autres licenciements de travailleurs âgés chez Caran d’Ache ces dernières années. «Ces salariés ont donné énormément à l’entreprise et ils sont licenciés sans ménagement, comme s’ils avaient commis une faute.»
«La DRH applique une politique brutale, elle fait ce qu’elle veut, sans aucune empathie, elle se débarrasse de toute personne qui n’est plus assez productive sans aucune considération, elle n’a aucune pitié envers les collaborateurs de production qui ont des soucis de santé, des troubles musculo-squelettiques ou autres problèmes personnels», témoigne Sylvain*, un salarié de l’entreprise installée à Thônex.
35 ans de service aussi au compteur, Pierre* a connu en 2019 la même mésaventure que Rémi. «J’avais de très bonnes évaluations et il ne m’a été donné comme explication qu’une restructuration de l’atelier, on m’a demandé de quitter l’entreprise le jour même.» Il refusera l’indemnité «ridicule» qui lui est proposée et se portera aux Prud’hommes où il obtiendra un dédommagement plus conséquent. «J’avais encore de belles années à partager avec mes collègues. La DRH n’a pas été d’accord d’étudier la possibilité d’un autre poste dans l’entreprise. Je n’étais plus rentable à leurs yeux.»
Sur son site, Caran d’Ache assure inscrire «chacune de ses décisions dans le respect de l’être humain». Contactée, l’entreprise genevoise nous a envoyé une prise de position dans laquelle elle réaffirme cette assertion: «La direction de Caran d’Ache promeut une culture d’entreprise respectueuse, responsable et familiale. Sa politique RH repose sur les compétences et une démarche inclusive affirmée, décorrélée des questions d’âge, de genre, favorisant entre autres l’intégration.» La société indique employer quelque 300 collaborateurs dont 25,5% ont plus de 55 ans. «Neuf talents de plus de 55 ans ont été recrutés depuis 2019, dont deux, respectivement de 58 et 59 ans, pour le seul début d’année 2023.» Pour le reste, Caran d’Ache «se refuse de commenter des situations individuelles».
«Nous avons perdu la verrerie, mais nous partons la tête haute»
Vendredi 28 juin 2024
Le four de Saint-Prex (VD) a définitivement été arrêté ce jeudi 27 juin, après que le personnel ait arraché de haute lutte un plan social «acceptable» et tandis que des initiatives sont lancées pour recréer une filière verre en Suisse
Soutenus par les syndicats Unia et Syna, les travailleurs et travailleuses de Saint-Prex (VD) ont obtenu des indemnités très supérieures aux précédents plans sociaux du groupe
Le jour où le drapeau d’Unia a flotté sur la verrerie de Saint-Prex
Jeudi 06 juin 2024
Menacés d’être licenciés sans plan social, les travailleurs et les travailleuses de Vetropack ont pris le contrôle de leur usine et mis la main sur le stock de bouteilles. Après sept journées de grève et d’occupation, ils ont obtenu l’ouverture de négociations. Récit