A Genève, il n’y a pas assez d’inspecteurs
A Genève, les syndicats sont en alerte. Unia, le Sit et Syna font quotidiennement la tournée des chantiers pour vérifier que les mesures de protection contre la chaleur sont bien appliquées. Au bout du lac, l’Office cantonal de l'inspection et des relations du travail impose aux entreprises exerçant une activité en plein air la mise en place d’un «plan d’action» avant la période estivale, dressant la liste des mesures organisationnelles, techniques et individuelles à prendre lors des jours de forte chaleur. Mais certains employeurs ne jouent pas le jeu, se contentant de «mesurettes», selon les syndicats, comme la mise à disposition de crème et de lunettes de soleil. L’Inspection du travail paraît, elle, manquer de moyens pour vérifier les plans d’action et sanctionner les entreprises en cas de manquement.
Ainsi, le 11 juillet, alors que le mercure frôlait les 37 °C, les syndicats ont pu constater qu’en plein cagnard, des ouvriers étaient envoyés poser du goudron, monter des échafaudages, isoler des façades ou aménager des jardins. Nous nous sommes rendus à Thônex, en périphérie de la ville, où sept ouvriers de l’entreprise Colas refaisaient l’allée et le parking d’un immeuble. Entre les goudronneuses qui dégageaient une forte chaleur en tournant, deux secrétaires syndicaux ont pris langue avec le chef d’équipe. «L’après-midi, vous devriez faire autre chose que le goudronnage», a dit André Videira, secrétaire syndical d’Unia Genève, au chef. «Oui, mais nous devons impérativement finir le chantier aujourd’hui», a répondu ce dernier. Les deux secrétaires syndicaux ont tenté d’alerter l’Inspection du travail. Des syndicalistes présents sur d’autres chantiers ont fait de même. Mais aucun inspecteur du travail ne pouvait ce jour-là se déplacer, des réunions et des formations occupant, semble-t-il, l’ensemble de l’effectif.
«Plusieurs chantiers devaient, selon nous, s’arrêter, mais ont continué», déplore José Sebastiao, secrétaire syndical d’Unia Genève, responsable du secteur bâtiment. «Nous constatons très clairement qu’il n’y a pas assez d’inspecteurs, ils sont souvent débordés et pas assez nombreux pour réaliser un contrôle général. C’est très frustrant pour nous. Si nous intervenons, nous risquons des poursuites. En 2019, nous avions arrêté un chantier de goudronnage où la température montait jusqu’à 50 °C. Nous avons écopé de plaintes pénales. Nous sommes enchaînés. Il faudrait que l’Etat réfléchisse sérieusement à donner aux syndicats un mandat de délégation afin que, lors des canicules, nous puissions, sur la base de critères précis, agir pour protéger la santé des travailleurs. Nous pouvons donner un coup de main, nous sommes tous les jours sur les chantiers.»