La Grève du climat montre le cap à suivre
Les jeunes grévistes écologistes et une soixantaine d’experts proposent un Plan d’action pour le climat à la hauteur de l’urgence
Depuis plus de deux ans, les jeunes activistes exhortent les politiques à écouter la science et donc à prendre des mesures pour éviter un réchauffement climatique dramatique. La politique institutionnelle n’ayant toujours pas annoncé un plan adéquat pour résoudre la crise environnementale, la Grève du climat (GdC) accompagnée d’une soixantaine de scientifiques et d’experts pallient les lacunes en présentant ses propositions, nombreuses et exigeantes, pour atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre au plus tard d’ici à 2030.
Vendredi dernier, de jeunes militants et des experts ont exposé leur Plan d’action pour le climat (Climate Action Plan en anglais – CAP) lors d’une conférence de presse virtuelle. Le CAP contient 138 mesures dans les domaines de la mobilité, des bâtiments et de l’aménagement du territoire, du secteur de l’industrie et des services, de l’approvisionnement énergétique, de l’agriculture et du système alimentaire, du secteur financier, des structures économiques et politiques, de la coopération internationale et de l’éducation…
Les propositions sont concrètes et détaillées dans ce rapport qui compte plus de 350 pages et qui se veut un outil de travail et de débats lors d’assemblées populaires. Une nouvelle version du CAP est d’ores et déjà prévue à l’issue des discussions à venir.
Le mouvement écologiste se réfère au rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et à l’objectif de l’Accord de Paris qui préconise de ne pas dépasser 1,5 degré de réchauffement (par rapport à l’époque préindustrielle) afin d’éviter de dangereuses boucles de rétroactions (emballement climatique) aux conséquences écologiques et humaines désastreuses. Il veut aussi montrer les effets bénéfiques à retirer de son panel de propositions garant d’une meilleure qualité de vie: plus de solidarité et moins de compétition, moins de biens et plus de temps à partager, un air pur et davantage d’espace pour les piétons et les cyclistes, de l’art et de l’éducation en lieu et place de la publicité…
Décarbonisation rapide
Au cœur de ce programme: l’élimination progressive et rapide du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Avec sa contrepartie nécessaire: un investissement dans les énergies renouvelables et une diminution de la consommation.
Le CAP propose, entre autres, la réduction du volume du trafic routier notamment par le car-sharing, la suspension du financement de l’extension du réseau routier, des centres-villes sans voitures, des taxes en fonction du poids et de la pollution émise par un véhicule, le développement des véhicules électriques et l’interdiction des voitures à combustion d’ici à 2025, ou encore le développement du transport ferroviaire.
Dans les grandes lignes, le CAP propose également une diminution de l’importation de marchandises par bateau, dont les biens doivent respecter des normes écologiques et sociales. Il prévoit une réduction drastique de la flotte aérienne, notamment par l’interdiction des vols de courtes distances, des avions privés et d’autres formes d’aviation de luxe ou encore l’application d’une taxe pour ceux qui voyagent fréquemment. L’impact sur les emplois dans l’industrie aéronautique, tout comme dans d’autres secteurs polluants, nécessite la mise en œuvre de programmes de réinsertion professionnelle. Car la transition verte est créatrice d’emplois, notamment dans les énergies renouvelables, le social, le médical, l’agriculture biologique… La réduction du temps de travail est aussi une mesure nécessaire selon la GdC, comme la mise en place d’un congé parental rémunéré de douze mois.
Essor des énergies renouvelables
Dans le secteur de l’immobilier, les rénovations doivent augmenter afin de rendre tous les bâtiments neutres en CO2. Le plan prévoit aussi un moratoire sur de nouvelles constructions, exceptées celles nécessaires à la transition écologique ou qui stockent collectivement plus de CO2 qu’elles n’en émettent, ou encore les infrastructures publiques indispensables.
Si la décarbonisation risque d’engendrer une augmentation d’électricité avec la hausse des véhicules électriques et des pompes à chaleur, il s’agit dès lors d’accroître les apports en énergies renouvelables notamment grâce à la pose de panneaux photovoltaïques partout où c’est possible. Comme l’indique le CAP, la décarbonisation permettra de devenir indépendant des importations de gaz et de pétrole représentant «une source de dépenses avoisinant 252 milliards d’euros pour la Suisse ces quarante dernières années. A l’avenir, cette valeur ajoutée pourra être utilisée chez nous pour financer des milliers d’emplois utiles dans le secteur des énergies renouvelables.»
En complément, les technologies d’émission négative (NET) permettent de capter le CO2 ou de l’extraire. Ces NET déjà testées et utilisées aujourd’hui doivent être développées pour les émissions difficiles à éviter comme l’aviation, l’agriculture, la production de ciment...
Dans le secteur financier, le CAP rappelle le poids des institutions financières qui permettent notamment à l’industrie pétrolière de lever des capitaux et de «rester rentable malgré la concurrence des énergies renouvelables». Or, «la place financière a le pouvoir de faire avancer la transition de toute notre économie» si elle investit vers les secteurs et les entreprises respectueuses du climat.
«Il est tout simplement trop tard pour demander une décarbonisation progressive en douceur, souligne la GdC. En l’état actuel, nous nous dirigeons vers un réchauffement de 4 °C.» Et la Loi sur le CO2, même si elle est acceptée lors du référendum prévu cette année, ne suffira pas à infléchir la tendance.
Plan complet sur: climatestrike.ch