L’Arabie saoudite est en plein boom. Richissime, le Royaume investit à gogo depuis plusieurs années, bien décidé à rayonner à l’international. A l’image des Emirats, l’Etat saoudien se veut à la pointe de la modernisation et vise la diversification de son économie afin de moins dépendre du pétrole. Dans le sport, il a notamment réussi à recruter des stars du football pour évoluer dans son championnat et décroché l’organisation de la Coupe du monde 2034, non sans faire grincer des dents. L’Arabie saoudite s’est également lancée dans des projets touristiques gigantesques dans l’espoir de recevoir 100 millions de touristes par an d’ici à 2030. Dans sa ligne de mire, on retrouve encore la pharmaceutique, le tourisme médical, la transformation numérique et notamment la cybersécurité et l’intelligence artificielle, mais aussi les énergies renouvelables. Le message est clair: l’Arabie saoudite, forte d’une population très jeune, fait peau neuve et est déterminée à s’imposer au reste du monde.
Quel est le problème, donc? Eh bien, il s’agirait de se moderniser jusqu’au bout, et même de commencer par les bases, à savoir respecter les droits humains et les libertés fondamentales. Et là, la situation est catastrophique. Depuis l’arrivée au pouvoir du prince héritier, Mohammed ben Salmane, c’est même de pire en pire. Peine de mort, torture, répression de la liberté d’expression, discrimination envers les femmes et les minorités, on se croirait tout droit sortis du Moyen Age! Pendant ce temps, les autorités dépensent des milliards de dollars dans le but de «promouvoir le nouveau visage» de l’Arabie saoudite et de blanchir sa réputation sur la scène internationale, en espérant faire diversion.
Un nouveau rapport d’Amnesty International lève le voile sur les conditions de travail abusives et discriminatoires subies par des employées domestiques embrigadées depuis le Kenya. Victimes de racisme et d'exploitation extrême, une septantaine d’entre elles racontent travailler sous la contrainte plus de seize heures par jour, sans jour de congé, mal nourries et sans pouvoir quitter la maison de leur employeur. Les passeports et les téléphones sont généralement confisqués et les salaires, misérables, souvent retenus. Quant aux agressions sexuelles, physiques et verbales, elles sont monnaie courante. «Une fois que vous êtes à l’intérieur, vous ne sortez plus, raconte l’une d’elles. Vous n’allez pas dehors et vous ne voyez pas l’extérieur. J’avais l’impression d’être en prison.» Une autre raconte les enfants qui la pointent du doigt, ricanant et l’insultant en la qualifiant de singe. De la traite d’êtres humains et du travail forcé. En somme, de l’esclavage, en 2025. Tu parles d’un pays à l’avant-garde! Si l’Arabie saoudite veut être à la hauteur de ses prétentions, il est urgent qu’elle revienne sur son cadre légal d’un autre temps et qu’elle respecte les droits de toutes et tous, et notamment ceux des travailleurs et des travailleuses qui triment pour faire tourner ce pays.