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Un café au goût amer...

La bonne odeur réconfortante du café chaud le matin, on connaît bien. Ce qu’on connaît moins, c’est l’envers du décor de la production de ce café. Celui où, dans les collines de l’Etat d’Espírito Santo au Brésil, des ouvriers agricoles comme José Lima et Jurandir dos Santos vivent l’enfer pour sauver nos matinées. Une récente enquête de Public Eye en collaboration avec Repórter Brasil, sortie en juin, dénonce l’exploitation des cueilleurs de café chez des fournisseurs de Nestlé, géant du café mondial. Dans les plantations en question, on dort à même le sol, on boit une eau croupie, et on trime douze heures par jour pour un salaire de misère, à savoir l’équivalent de 9 francs, selon le rapport, soit 75% du salaire minimum légal. De ce misérable revenu, il faut déduire tout un tas de frais, comme les bottes et les gants de travail ou encore les maigres repas. Voilà le vrai visage d’un circuit pourtant certifié durable et responsable.

La stratégie est bien huilée. Les ouvriers, venus de régions pauvres du Brésil, sont recrutés avec de belles promesses: une bonne rémunération, un logement décent et un contrat de travail. En réalité, ils arrivent après 1200 km de bus et se retrouvent piégés dans une exploitation isolée, sans contrat, sans lits et sous surveillance armée. Et quand ils veulent fuir, on leur rappelle qu’ils ont des dettes, et que personne ne quitte la ferme sans les payer. La loi de la menace, de la peur et de la contrainte règne. L’inspection du travail indiquera que la plantation ne remplit pas moins de 24 critères de «conditions de travail s’apparentant à de l’esclavage», un terme défini par le droit pénal brésilien. Hélas, ce n’est pas une exception! Selon l’organisation de défense des droits humains Conectas, ces dix dernières années, aucun autre secteur n’a dû secourir autant de personnes face à de telles conditions de travail que celui du café. 

 

Malgré tout, quasiment aucune condamnation pénale n’a eu lieu. Une étude démontre que, sur plus de 2679 employeurs accusés d’esclavage moderne entre 2008 et 2019, seuls 112 ont été condamnés, et généralement à des peines courtes qu’ils n’ont pas eu à purger. De son côté, Nestlé se décharge en assurant qu’elle ne se fournit pas – ou du moins plus – auprès de la ferme de Mata Verde. Quoi qu’il en soit, en 2025, il n’est plus concevable que des humains subissent des situations d’esclavage moderne pour enrichir des multinationales. Il est enfin temps de mettre les droits humains au centre de nos préoccupations. De rendre des comptes tout au long de la chaîne. Et de rappeler, encore et toujours, que, sans les ouvriers agricoles, il n’y a pas de café. Ni pour Nestlé, ni dans notre tasse le matin. 

 

Découvrir l'enquête complète ici

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