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Facteur de merveilleux

Sébastien Perroud
© Thierry Porchet

Sébastien Perroud apprécie sa double casquette d’illustrateur et d’employé postal même s’il regrette manquer de temps pour les créations de Corridor cosmique.

Des créatures étranges, corps d’humains et têtes d’animaux ou vice-versa, des véhicules aux allures de gros insectes, des robots géants, articulations d’acier, visages effacés, remplacés par des écrans, des aliens aux antennes vibrantes, des engins spatiaux d’un autre âge... Singulier univers que celui de Sébastien Perroud qui intègre dans des décors existants des êtres et des objets empruntés au rétrofuturisme. Une science-fiction des années 1950 d’un surnaturel suranné et plein de charme. Cette fantasmagorie rêveuse mêlant réalisme, poésie et imaginaire débridé, caractérise les créations de l’artiste vaudois. L’homme de 56 ans commence par prendre des photos de quartiers urbains et paysages inspirants. Il enrichit ensuite ces images de l’ordinaire d’éléments décalés, fabuleux, intrigants. «Je me passionne pour l’original, l’insolite. J’aime ce mélange du réel avec le fantastique, le surréalisme», précise le talentueux dessinateur, exploitant la lumière et les ombres, l’ambiance générale des endroits immortalisés pour créer ses œuvres. Avec, à la clé, des tableaux qui atteignent le but poursuivi: amuser, surprendre, troubler... En deux mots, capter l’attention. Et on ajouterait enchanter le regard en suggérant de nouvelles histoires, en jetant des passerelles entre différents mondes.

Des lieux à la personnalité nouvelle
«L’idée est de donner l’envie aux personnes d’observer ce qui les entoure, les éléments ajoutés constituent un prétexte à cet objectif. Il y a beaucoup de lieux fabuleux, dégageant quelque chose», précise l’autodidacte, qui présente ponctuellement ses créations dans le cadre d’expositions, mais profite également des réseaux sociaux pour les partager. Inspiré par des artistes comme René Magritte, Hans Ruedi Giger, Enki Bilal, Moebius, Tim Burton ou encore Jacques Tati, l’illustrateur a commencé à développer cette technique alors qu’il disposait d’une rubrique hebdomadaire pour le quotidien 24 heures intitulée «L’esprit des lieux». Entre 2008 et 2013, celui qui signe alors Corridor Cosmique – préférant cet alias à celui de PET, hérité de sa jeunesse et moins bien assumé – reproduit à l’identique des rues, bâtiments, monuments existants... qui prendront une nouvelle personnalité à l’ajout de ses humanoïdes ou de son riche bestiaire. «Toutes les anatomies m’intéressent, mammifères, crustacés, etc., mais aussi la végétation et la géologie», souligne le passionné qui, s’il effectue ses croquis à la main, a renoncé aux crayons et pinceaux préférant l’outil informatique pour les couleurs.

Rythme soutenu
Corridor Cosmique est par ailleurs l’auteur de plusieurs bandes dessinées dont l’album déjanté J’ai épousé un communiste. Il réalise aussi des étiquettes pour une marque de bière. Et a signé les illustrations du livre Un siècle au compteur. Ecrit par Blaise Hofmann et paru en 2020, cet ouvrage célèbre le 100e anniversaire de l’AVJ, transports et voyages de la vallée de Joux. «J’accepte des mandats selon le temps dont je dispose», indique l’homme, employé à 60% comme facteur à Echallens depuis dix ans. «Un travail plutôt intense. Les débuts étaient assez compliqués entre stress et délais à tenir. Et avec toujours plus de colis à porter et moins de lettres. Mais quand on connaît les tournées, ça va», relativise Sébastien Perroud, qui prend plaisir à cette activité lui permettant d’être dehors et de se dépenser. «Elle m’oblige à bouger. Le rythme est soutenu. Il faut monter et descendre les escaliers en courant. Et j’apprécie aussi mes collègues», ajoute l’employé postal, qui ne néglige par pour autant son amour du dessin.

Le dessin, une obsession
«J’ai toujours dessiné. C’est mon mode d’expression, de communication. C’est un besoin. Une obsession même – j’ai constamment un livre que je noircis. Et j’y pense tout le temps. Je contemple le quotidien en m’imaginant comment je pourrai le représenter», souligne cet homme réservé, aux émotions rentrées, surmontant sa timidité qui semble encore renforcée par la transparence de ses yeux vert d’eau pour se plier à l’exercice de l’interview. «J’aime me trouver avec des gens, mais pas au milieu. Je suis davantage dans l’observation, dans une espèce de bulle», ajoute l’illustrateur, qui s’est lancé dans l’aventure des bandes dessinées après avoir décroché un prix lors d’un concours de jeunes talents organisé par l’ancien festival de BD à Sierre. «C’était mes premières planches et j’ai adoré.» La distinction reçue pousse alors le lauréat à poursuivre dans le domaine. Tout en ayant presque toujours travaillé à côté. Et souvent à La Poste, mais aussi comme livreur ou magasinier, le titulaire d’un CFC de décorateur-étalagiste n’ayant pas trouvé d’emploi en relation avec sa formation première. 

Envie amplifiée
De nature optimiste, l’artiste s’estime heureux et chanceux dans sa vie, mais note que le bonheur reste hors de portée «puisque tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.» Pour se ressourcer, cet homme marié et père de deux filles adultes privilégie les balades dans la nature. S’il aime tous les animaux auxquels il emprunte volontiers des caractéristiques pour ses créatures, il confie néanmoins avoir une préférence pour le chat. Qui le fascine par son élégance et son indépendance – «J’en accueille un sous mon toit, ainsi qu’un chien». Côté jardins, l’ami des félins les préfère pas trop arrangés et se laisse volontiers séduire par une végétation qui se réapproprierait d’anciennes constructions. Questionné sur ses peurs, Sébastien Perroud confie par ailleurs sa crainte de perdre des personnes qu’il aime. Et place, en tête de ses valeurs, «le respect, la confiance, l’honnêteté et la loyauté». «Bien plus important que l’argent», commente encore l’illustrateur et facteur qui ne nourrit pas de regrets à cumuler ses deux casquettes. «Le mélange entre activité “normale”dans la société et le dessin est intéressant. Je trouve qu’il fait sens. Ma seule petite frustration, c’est de manquer de temps mais, parallèlement, elle amplifie l’envie. Si je n’ai jamais vraiment percé, je ne suis pas perdant pour autant.» Nous, en tout cas, sans l’ombre d’un pli, on gagne à connaître ses créations...

Informations supplémentaires: corridor-cosmique.ch/

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