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Les travailleurs veulent leur part du gâteau

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© Thierry Porchet

L’écart global de salaire entre hommes et femmes persiste mais tend à diminuer, passant à 8,4% en 2024 contre 9,5% en 2022, 10,8% en 2020.

La nouvelle enquête sur les salaires suisses révèle que les rémunérations réelles moyennes stagnent depuis huit ans alors que les dividendes grimpent. L’Union Syndicale Suisse monte au créneau.

Le 25 novembre a eu lieu la présentation de la dernière enquête suisse sur la structure des salaires 2024, réalisée par l’Office fédéral de la statistique (OFS). De nombreuses données ont été communiquées, notamment celle du salaire médian, tous secteurs confondus, qui s’élève à 7024 francs brut par mois pour un plein temps en 2024, contre 6788 francs en 2022. «Le paysage des salaires en Suisse présente toujours des différences importantes selon les régions, a souligné l’OFS lors de sa conférence de presse. Le salaire médian s'est élevé à 7502 francs dans la région de Zurich contre 5708 francs au Tessin.»

Grands écarts
La pyramide globale des salaires est restée relativement stable entre 2008 et 2024, et les inégalités sont toujours présentes. Les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont gagné moins de 4635 francs par mois alors que les 10% les mieux payés ont perçu plus de 12 526 francs.

Les différences de salaires sont importantes selon les branches. Le salaire médian est bien plus haut dans les branches à forte valeur ajoutée telles que la recherche et le développement (9139 francs), l'industrie pharmaceutique (10 159 francs), les banques (10 723 francs) ou encore l'industrie du tabac (14 304 francs). Au milieu de l'échelle des salaires, on retrouve des branches telles que la métallurgie (6279 francs), la construction (6616 francs) ou l'industrie des machines (7632 francs). Au bas de la pyramide salariale figurent le commerce de détail (5214 francs), la restauration (4744 francs) ou encore les services personnels (4496 francs).

De manière générale, plus on est diplômé, mieux on gagne sa vie. Et à formation équivalente, c’est le type de fonction et de responsabilités qui en découlent qui va déterminer la rémunération. Ainsi, un diplômé universitaire qui occupait un poste exigeant avec un haut niveau de responsabilité a gagné 14 409 francs contre 8645 francs pour un poste sans responsabilité. 

Être une femme rapporte moins
Le permis de séjour est aussi une variable intéressante. Pour les postes n'exigeant pas de responsabilité hiérarchique, les salariés suisses gagnent jusqu’à 1300 francs de plus que la main-d’œuvre étrangère. Par contre, pour les postes exigeant un haut niveau de responsabilité, les permis B, C et G touchent des salaires plus élevés que leurs collègues de nationalité suisse.

Quant aux différences salariales entre hommes et femmes, l’écart global de salaire persiste mais tend à diminuer, passant à 8,4% en 2024 contre 9,5% en 2022, 10,8% en 2020 et 11,5% en 2018. Malgré cette tendance positive, on doit relever que plus la position hiérarchique occupée est élevée, plus l’écart est marqué: les femmes occupant les postes à haute responsabilité ont gagné 10 077 francs bruts en 2024 contre 11 715 francs pour leurs collègues masculins, soit une différence de 14%.

Dans la même tendance, 75% des personnes gagnant un salaire supérieur à 16 000 francs par mois sont des hommes, et ces derniers touchent des bonus beaucoup plus hauts que leurs consœurs. Ce qui nous amène aux bas salaires, fixés en 2024 à une rémunération inférieure à 4683 francs bruts par mois pour un emploi à plein temps. Ils représentent un emploi sur dix en Suisse (environ 500 000 au total) et sont massivement représentés par des femmes qui briguent 62% des jobs payés à moins de 4500 francs bruts.

Les branches présentant un taux élevé de postes à bas salaires sont le commerce de détail (24,6%), les transports aériens (26,3%), la restauration (47,8%), l'hôtellerie (48,7%) et les services personnels (56,3%).

Travailleurs lésés
L’Union syndicale suisse (USS) dénonce une stagnation des salaires réels moyens ces huit dernières années (+0.1%) pendant que les revenus des actionnaires prennent l’ascenseur, et ce alors que la Suisse manque de main d’œuvre qualifiée. «Jamais les salaires n’avaient évolué aussi défavorablement que ces dernières années en Suisse, a déclaré Daniel Lampart, économiste en chef de l’USS. De 2008 à 2016, les salaires réels avaient progressé en moyenne de 1,2 % par an.»

L’écart salarial s’est à nouveau creusé. Les salaires des cadres ont augmenté de 0,5 à 6% entre 2016 et 2024 alors que les salaires réels des autres ont reculé sur la même période. «Autrefois, il était entendu que les employeurs compensaient au moins le renchérissement pour leur personnel. Or entre 2021 et 2024 – des années de forte inflation –, cette pratique s’est raréfiée. Dans le même temps, les dividendes versés par les entreprises cotées en bourse ont nettement progressé et les marges sont restées élevées.»

L’économiste a appelé à une politique salariale plus équitable. «Les résultats de l’enquête rappellent qu’il faudra désormais plus de confrontations et une action syndicale plus résolue pour obtenir de véritables hausses de salaires.» Quant à l’écart salarial entre femmes et hommes, même s’il est encourageant, Daniel Lampart invite à «poursuivre les efforts pour que la situation des femmes s’améliore réellement». 

«Il faut augmenter les salaires d’au moins 2%»

 

Face à la problématique des bas salaires, Noemie Zurlinden, économiste chez Unia, rappelle que les «salaires minimaux fixés par les conventions collectives de travail et la loi sont essentiels pour lutter contre ce problème qui reste très répandu».

Elle ajoute par ailleurs que pour examiner l’inégalité salariale entre les sexes, il convient mieux d'utiliser le salaire moyen et non le salaire médian. «La différence entre le salaire moyen des femmes et celui des hommes est plus importante», souligne Noemie Zurlinden, qui précise qu’en 2022, les hommes gagnaient 16,2% de plus que les femmes, privé et public confondu, et que près de la moitié de cette différence n’était pas expliquée. Les résultats de cette analyse seront publiés dans quelques mois.

En conclusion, l’économiste insiste sur l’urgence d’augmenter substantiellement tous les salaires, entre 2 et 2,5% selon les secteurs. Unia revendique également un salaire minimum de 4500 francs pour tous, et de 5000 francs pour les travailleurs et travailleuses titulaires d’un diplôme d’apprentissage. MT

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