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Les porteurs de journaux refusent de voir leur salaire baisser

Les porteuses et porteurs de journaux déterminés à faire entendre leur voix auprès du géant jaune.
© Olivier Vogelsang

Les porteuses et porteurs de journaux sont déterminés à faire entendre leur voix auprès du géant jaune.

Epsilon, filiale de La Poste, a annoncé une restructuration qui toucherait environ 200 employés à Genève et à Lausanne. Ces derniers exigent que leur employeur fasse marche arrière

Fin 2018, L’Evénement syndical racontait la lutte des porteurs de journaux genevois d’Epsilon, filiale de La Poste. Ces derniers avaient reçu une lettre de congé-modification les contraignant soit à accepter des conditions de travail au rabais, soit à partir. Unia découvre alors de nombreux dysfonctionnements, à savoir des salaires de misère, le non-respect du contrat-type de travail, l’absence de système d’enregistrement du temps de travail, et un climat de travail délétère. Après un préavis de grève déposé par le personnel, La Poste avait annulé les congés-modifications et, en 2019, le conflit se soldait par une belle victoire syndicale. Les paies ont été adaptées aux salaires minimaux en vigueur, des suppléments pour travail de nuit et un système de saisie du temps de travail ont été introduits, et 600000 francs de salaires ont été payés rétroactivement.

Une restructuration à 700000 francs

Alors que la situation des porteurs de journaux d’Epsilon semblait être régularisée, La Poste leur a annoncé début mai une restructuration afin de couvrir son déficit structurel passant par des baisses de salaires au minimum légal, à savoir 21,10 francs l’heure à l’engagement, la réduction des suppléments des horaires de nuit et la retenue d’une partie de leur 13e salaire. Elle concerne 80 employés à Genève et 120 à Lausanne. Un nouveau coup de massue pour ces femmes et ces hommes qui ont continué chaque matin à se lever très tôt pour livrer les journaux tout au long de la crise sanitaire.

«Ces économies permettraient à La Poste de récupérer 700000 francs, soit plus ou moins la somme qu’elle a versée aux travailleurs l’an passé, ce n’est pas une coïncidence, soulève Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia, qui tenait, non sans émotion, sa dernière conférence de presse. Pour Unia, cette proposition est clairement indécente et le personnel d’Epsilon refuse de renoncer à ses acquis durement obtenus.»

Une annonce d’autant plus choquante pour le syndicat que le Parlement fédéral doit se positionner sur l’extension de l’aide indirecte à la presse à la distribution matinale, sachant que le Conseil des Etats l’a déjà avalisée. «Epsilon en Suisse romande et Presto en Suisse alémanique toucheront une partie de ces 40 millions de francs de la Confédération et ne paient que le minimum à leurs employés, c’est scandaleux, estime Christian Dandrès, conseiller national socialiste. Si la subvention se confirme, ces deux entreprises devront en contrepartie jouer le jeu et soumettre les travailleurs aux conditions salariales de La Poste.» Pour Lisa Mazzone, conseillère aux Etats Verte, ce soutien à la distribution matinale ne doit pas être un soutien à la sous-enchère salariale. «J’attends de La Poste qu’elle soit exemplaire et qu’elle fasse preuve de cohérence dans la gestion de ses filiales. L’avenir de la presse dépend aussi des porteurs de journaux, ils méritent respect et salaires à la hauteur de leur contribution.»

Retrait exigé

Dans ce contexte, les employés d’Epsilon, soutenus par Unia, exigent de La Poste qu’elle retire purement et simplement son plan de restructuration. «Toute autre décision ne serait pas comprise», a conclu Anna Gabriel, secrétaire syndicale d’Unia. Le personnel n’exclut pas d’envisager des mesures de lutte si les baisses de salaire étaient maintenues…

Les délégués du personnel d’Epsilon témoignent

Aquilino
«J’aimerais déjà remercier nos clients pour leur soutien durant la pandémie à travers leurs petits mots laissés sur les boîtes aux lettres, les cadeaux et même les applaudissements. Il est vrai que nous, porteurs de journaux, rien ne nous arrête, pas même le Covid-19: nous sommes là tous les jours, qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente. Nous sommes allés travailler tous les jours, nous avons pris des risques pour nous et nos proches, et au lieu de nous accorder une prime, on nous remercie par des baisses de salaire, c’est intolérable. Cette crise a montré que nous rendions un service essentiel à la population, et nous devrions être considérés comme tel.»


Antonio
«Comme on ne fait pas un travail qualifié, nous avons le sentiment d’être des employés de seconde classe pour La Poste. Nous devons sans cesse nous battre pour exiger un salaire digne alors que nos collègues directement embauchés par La Poste ont des bons salaires, des primes et leur 13e salaire; c’est injuste. Après une longue bataille en 2018, nous avons enfin réussi à améliorer notre situation et, maintenant, on recule de nouveau.»


José
«Nous ne méritons pas d’être traités comme cela, ce n’est pas juste. Pour moi, c’est un manque de respect envers notre travail, qui s’est montré vital ces dernières semaines. Nous sommes déjà les plus précaires, payés au minimum, ce n’est pas à nous de trinquer. Si des économies doivent être faites, qu’ils baissent les salaires des dirigeants, pas ceux de la base. Nous ne réclamons pas plus de salaire, mais on ne veut pas moins non plus, juste qu’on nous maintienne des salaires dignes.»

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