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Les maçons vaudois votent pour la grève

Vote à main levée avec des bulletins rouges.
© Olivier Vogelsang

La proposition de faire la grève les 3 et 4 novembre si les patrons ne lâchent pas du lest a été plébiscitée par les quelque 900 maçons présents au Palais de Beaulieu.

Rejoignant ses homologues d’autres cantons, l’assemblée générale de la construction a décidé de poser la truelle pendant deux jours en novembre, si les patrons ne font pas de concessions dans la nouvelle Convention nationale.

C’est une marée de bulletins rouges qui s’est élevée avec force acclamations, dans le centre des congrès du Palais de Beaulieu, pour approuver le principe d’une grève nationale en novembre. Près de 900 maçons vaudois ont participé ce vendredi 3 octobre à l’assemblée générale de la construction organisée par Unia Vaud à Lausanne. A l’instar de leurs confrères d’autres cantons, ils lancent ainsi un ultimatum aux patrons: si ces derniers s’obstinent à refuser les revendications des syndicats pour le renouvellement de la Convention nationale de la branche, qui concerne environ 80 000 travailleurs dans tout le pays, ils poseront la truelle les 3 et 4 novembre.

Pour l’instant, les négociations en sont en effet au point mort, la partie patronale, représentée par la Société suisse des entrepreneurs (SSE), refusant de faire le moindre pas en direction des syndicats. Au contraire, elle souhaite déréguler encore plus les conditions de travail dans la branche. Or, il ne reste plus que deux séances de négociations pour tenter de parvenir à un accord avant la fin de l’année. «Si on n’arrive pas à s’entendre, on se retrouvera dans un vide conventionnel dès le 1er janvier 2026, car quoi qu’il arrive, l’actuelle Convention nationale expire le 31 décembre, prévient en préambule Pietro Carobbio, responsable du secteur construction d’Unia Vaud. Du coup, ce seront le Code des obligations et la loi fédérale sur le travail qui s’appliqueront.» 

Le problème, c’est que ces textes ne font qu’assurer le service minimum en matière de droits des travailleurs. «Par exemple, ils ne prévoient pas de 13e salaire obligatoire ni de salaire minimum, détaille le syndicaliste. En cas de vide conventionnel, les employeurs auraient même le droit de modifier les contrats de travail. Bref, on entrerait dans une zone de turbulences.»

Le couteau par le manche

Mais Unia est persuadé que les syndicats tiennent cette année le couteau par le manche et peuvent obtenir des améliorations pour mieux concilier travail et vie privée, et atténuer la pénibilité de ces métiers. Et cela malgré les incertitudes que fait planer sur l’économie la guerre commerciale déclarée par Donald Trump. «Les prévisions des entreprises sont bonnes, les carnets de commande sont pleins, note Pietro Carobbio. Avec la crise du logement, il va y avoir beaucoup de travail dans la branche de la construction. En plus, il y a une pénurie de main d’œuvre qualifiée sur les chantiers, donc les patrons ont besoin de vous», lance-t-il à l’assemblée.

Les syndicats ont posé trois principales revendications: que la pause de 15 minutes du matin soit payée – comme c’était le cas par le passé, et comme ça l’est dans d’autres branches et dans certains cantons –, que le temps de déplacement du dépôt au chantier et retour soit payé dès le début et pas seulement au bout de 30 minutes, et enfin, que les salaires soient adaptés à l’augmentation du coût de la vie. En réponse à la question d’un participant à l’assemblée générale, Pietro Carobbio précise qu’il n’est pas question d’avoir les yeux plus gros que le ventre, puisque ces mesures pourraient s’échelonner dans le temps sur plusieurs années. 

Patrons voraces

De leur côté, les patrons se montrent bien plus voraces. Ils souhaitent introduire une flexibilisation maximale du temps de travail à l’année (150 heures négatives et 250 heures supplémentaires), pour pouvoir allonger les horaires jusqu’à 50 heures par semaine lorsque la demande est forte. De plus, ils veulent généraliser le travail du samedi, et cela sans le supplément salarial de 25% pour le week-end. Ils aimeraient également diminuer les indemnités en cas de maladie, et avoir la possibilité de licencier les travailleurs malades ou accidentés. Et enfin, ils disent «niet» à toute augmentation des salaires effectifs.

Autrement dit, il y a un océan entre la position des patrons et celle des syndicats. Et puisque le temps est compté, ces derniers pensent que le moment est venu de durcir le ton. La proposition de faire grève les 3 et 4 novembre dans toute la Suisse romande a été plébiscitée par les participants à l’assemblée générale de Lausanne, sachant que le Tessin et la Suisse allemande en feront de même entre le 20 octobre et le 14 novembre.

«Il y a 35 ans, on vivait mieux avec mon seul salaire qu’aujourd’hui, alors que ma femme travaille aussi, confie Tonio, un machiniste qui participe à la réunion. Les loyers, les assurances maladie, tout augmente, on ne s’en sort pas. Il faut qu’on gagne ces négociations, on est en position de force!» Pour Hugo, qui travaille dans le génie civil, les propositions des patrons sont inadmissibles. «Ils aimeraient pouvoir faire tout ce qu’ils veulent et qu’on se taise. Mais on a un travail très pénible. J’ai seulement 41 ans, et ça ne fait que sept ans que je suis dans ce métier, mais j’ai déjà des douleurs chroniques au dos et des sciatiques. Même la retraite à 60 ans, c’est trop tard.»

Un exemple pour tous les travailleurs

Nico Lutz, responsable national du secteur construction à Unia, considère que les exigences du camp patronal sont «une attaque frontale contre les droits et la dignité des travailleurs. Dans toute la Suisse, on est en train de voter la grève. Mais l’assemblée de ce soir est la plus grande. Vous êtes les plus combattifs, vous êtes notre locomotive. Ensemble, on va gagner!»

Egalement présent, Pierre-Yves Maillard, président de l’Union syndicale suisse, abonde: «Ce sont les patrons qui mettent en danger la paix du travail, ce sont eux les agresseurs. Vous, les maçons, vous donnez l’exemple à tous les travailleurs du pays. Votre capacité de mobilisation et votre solidarité m’ont toujours impressionné. Ce que vous faites donne de l’espoir aux autres branches. Un immense merci et un immense respect!»

Avant de clore la soirée, qui s’est achevée par un buffet convivial, Pietro Carobbio a donné de dernières instructions: «Je compte sur vous pour faire passer le mot d’ordre dès lundi matin dans vos entreprises : les 3 et 4 novembre, on fait la grève! C’est à vous de mobiliser vos collègues pour tout bloquer!» A l’applaudimètre, on dirait que le message est bien passé. 

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