La première volée d’apprentis en installation de panneaux solaires est formée depuis septembre 2024 à Polybat, aux Paccots. Reportage lors d’un atelier pratique.
Le soleil brille. C’est de bon augure pour les panneaux solaires qui recouvrent peu à peu les toits du pays. Et même parfois les murs, comme ici à Polybat, centre de formation des apprentis de l’enveloppe du bâtiment. A deux pas, dans une grande halle, des élèves de différents métiers suivent des formations pratiques, dont une petite dizaine de futurs installateurs en panneaux solaires. Ils font partie de la première volée comptant une cinquantaine de jeunes hommes francophones. Du côté suisse-alémanique, ils sont une septantaine à suivre les cours de Polybau, la maison mère, à Uzwil (SG).
Aux Paccots, la mission de l’après-midi est axée sur la sous-construction. Il s’agit tout d’abord de poser des crochets sous les tuiles, qui auront été découpées pour s’encastrer, avant de s’occuper des barres qui accueilleront les panneaux et des points de fixation. Même si les maquettes de toit sont basses, l’effort physique est perceptible. Comme pour les couvreurs, la position debout demande un équilibre et une inclinaison du corps peu habituelle. La question des équipements de protection individuelle (EPI) est centrale.
Les instructeurs rappellent aux apprentis l’importance de porter lunettes, casque antibruit et gants. L’un des apprentis s’est d’ailleurs blessé la veille, au pouce. «Ça arrive», lance celui qui a déjà une formation d’électricien. Pour les autres, c’est la première année d’un apprentissage de trois ans pour un CFC d’installeur solaire ou de deux ans pour un AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) de monteur solaire. Leurs motivations? «L’argent!» lance un jeune, avec un demi-sourire. Un autre souligne son besoin de travailler dehors et physiquement. La question écologique et la notion de métier d’avenir sont timidement évoquées.
A leurs côtés, Marco Ferreira est l’un des instructeurs pour les cours interentreprises. Installateur-électricien, il a quasi achevé son brevet de chef de projet en montage solaire et a participé au premier cours pratique. «Lors de la première année d’apprentissage, le câblage des panneaux est abordé, mais c’est surtout en 2e et 3eannées qu’ils approfondiront ces techniques. Par contre, ils seront capables de percer la sous-toiture pour amener les câbles, établir la connexion entre les panneaux et faire la mise à terre. A la fin de chaque journée, on fait une évaluation de leur travail.»
Les qualités requises pour cet apprentissage: ne pas avoir le vertige, être agile, habile, avoir un bon sens de la spatialisation et de l’observation, savoir lire un plan et s’adapter à chaque toit, tous différents.
Paroles d’apprentis
Dans la poussière, Loan découpe les tuiles, avec énergie. «C’est la première fois que je meule. Je suis arrivé dans le métier, car mon père a mis des panneaux solaires sur le toit de la maison, et l’entreprise avait une place d’apprentissage. J’avais commencé une formation d’informaticien, mais j’aime travailler dehors et l’effort physique. Et je pense que c’est bien écologiquement.» Un bémol toutefois: «Je me suis déjà cassé deux dents. On a souvent des blessures. En été, il fait très chaud sur les toits et les panneaux sont très chauds aussi…»
«Dans mon entreprise, depuis une année, je n’ai jamais vu de blessé», explique, par contre, Deyaelhak, 17 ans, qui a commencé à travailler en février 2024 déjà. «Ça se passe bien. Je touche à tout, de la pompe à chaleur aux panneaux solaires. J’aime beaucoup. Mon formateur est ferblantier-couvreur et j’apprends beaucoup avec lui. J’aime travailler par tous les temps, sous la pluie, sous la neige. On a les équipements pour. La sécurité, c’est la première chose.»
L’un d’eux souligne également apprécier de changer de lieux régulièrement, les chantiers pouvant être courts. De trois jours sur une villa à plusieurs mois s’il s’agit de recouvrir les toits d’une ferme par exemple.
«C’est un métier d’avenir. Pour ma part, j’ai commencé l’apprentissage, car mes parents ont une entreprise de panneaux solaires, explique Heitor, 18 ans. Après une année comme employé de commerce, j’ai eu envie de changer. Et j’ai donc commencé cet apprentissage avec mon père.»
La formation semble être inégale d’une entreprise à l’autre, entre celles qui forment et celles qui ont besoin d’une main-d’œuvre bon marché, ceux qui doivent payer leurs repas, ceux qui ne sont pas logés sur place et doivent se déplacer, ce qui n’est pas toujours évident depuis les Paccots, d’où le compactage des cours sur une semaine par mois. «Je fais trois heures de scooter par jour, lâche un jeune, visiblement fatigué et qui peine à faire l’exercice du jour. Je préférerais être logé sur place comme les autres. Mais mon patron ne veut pas payer la chambre, ni les frais de repas…»
Un moment de pause permet à certains de fumer une cigarette ou juste de s’asseoir un moment. Dans dix ans, comment s’imaginent-ils? «Contrôleur ou ingénieur. Ou faire une deuxième formation de couvreur-étancheur», lance Loan. «Pourquoi pas monter ma propre boîte, lâche Deyaelhak. Ou faire un CFC d’électricien pour pouvoir tout raccorder.» Le plus jeune, David, 16 ans, hésite: «Aucune idée… avoir un peu plus de responsabilité peut-être.»
Il est déjà l’heure de reprendre l’exercice…