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Une ouvrière temporaire gagne contre un sous-traitant de Nespresso

Banderole et personnes qui dénoncent des salaires de misère
© François Graf/strates/archives

Unia avait dénoncé en octobre 2021 la situation d’employés temporaires d’agences sous-traitantes, notamment de Nespresso, victimes de sous-enchère salariale.

Reconnaissant la sous-enchère salariale chez Marvinpac SA, le Tribunal des prud’hommes a condamné l’agence de placement à verser plus de 14000 francs à une employée. Une trentaine de ses collègues intentent une action collective.

L’arrêt est tombé en mars dernier, après trois ans de procédure. Une ouvrière temporaire placée par l’agence OK Job SA chez Marvinpac SA – une entreprise sous-traitante notamment de Nespresso basée dans le canton de Fribourg – a obtenu gain de cause. Entre 2019 et 2021, la travailleuse était payée 16,95 francs l’heure, soit à peine 2400 francs par mois net. Le Tribunal des prud’hommes de Châtel-Saint-Denis a reconnu la sous-enchère salariale et condamné l’employeur à appliquer rétroactivement un salaire horaire de 22,01 francs brut, puis de 26 francs. Avec les intérêts, ce sont plus de 14000 francs qui lui ont été versés. 

Dumping crasse

Pour rappel, Unia s’était saisi du dossier en 2021 après l’annonce d’une restructuration et avait dénoncé les conditions salariales chez Marvinpac SA. Cette entreprise, active dans le conditionnement de produits cosmétiques et alimentaires pour des entreprises comme L’Oréal ou Nespresso, avait été épinglée par le syndicat pour recourir massivement à des travailleuses temporaires sous-payées. C’est alors qu’une action à l’encontre de l’agence de placement OK Job SA a été menée, réclamant l’application des salaires d’usage.

Jusqu’en 2022, la Convention collective de la location de services prévoyait des salaires minimums, sauf dans certains domaines de l’industrie, car les salaires d’usage étaient considérés comme étant plus hauts. Et plutôt que d’appliquer les salaires d’usage, OK Job SA et trois autres agences de placement (Interima, Manpower et Kelly Services) ont décidé de casser les prix. Par ailleurs, les ouvrières âgées de plus de 50 ans percevaient un salaire horaire de 16,65 francs brut au nom du fait qu’elles avaient droit, conventionnellement, à une semaine de vacances supplémentaire.

«En toute connaissance de cause, cette entreprise pratiquait depuis des années une sous-enchère privant chaque travailleur d’une dizaine de milliers de francs alors que l’entreprise est active dans le conditionnement de produits de luxe!» s’indigne Noé Pelet, secrétaire syndical en charge du dossier à Unia Vaud.

Affaire non classée

Aujourd’hui, la justice les rattrape et ce n’est qu’un début. En effet, ils sont une trentaine de travailleurs au total à demander réparation. La procédure judiciaire avait été suspendue dans l’attente de cette décision, mais la voie est désormais ouverte. «Après cette belle victoire, une action collective est en cours, confirme Nicolas Rochat, juriste à Unia Vaud. Ce n’est jamais gagné d’avance, mais nous sommes sereins, car nous disposons de plusieurs jugements où les tribunaux nous ont donné raison dans des affaires similaires.»

«L’autre grande avancée est que cette mobilisation a permis de faire pression sur l’ensemble de la branche location de services, qui, depuis début 2023, a vu ses minimaux salariaux augmenter et l’application de ces derniers élargie», ajoute Noé Pelet.

Témoignages

Virée après des années de service

Jacqueline Da Silva Dos Santos

«J’ai effectué plusieurs missions chez Marvinpac pour l’agence Kelly Services entre 2019 et 2022. J’étais payée environ 14 francs l’heure en tant qu’opératrice pour emballer les capsules Nespresso. J’avais plus de 50 ans et je faisais 40 heures par semaine, pour un salaire net de 2400 francs plus ou moins. On faisait soit 5h-14h, soit 14h-23h. J’ai interpellé Kelly Services à plusieurs reprises en leur disant qu’on était exploitées, mais elle n’a jamais rien voulu savoir… En 2021, j’ai glissé et je me suis déchiré les ligaments du genou. Deux mois après, j’étais remerciée. J’ai mis des mois à me remettre de cet accident. 

On nous prenait pour des robots, et en plus, on était payées une misère! Je n’arrivais pas à vivre avec un tel salaire, cela m’a d’ailleurs valu plusieurs soucis financiers. J’ai toujours refusé de me laisser marcher sur les pieds: quand on a raison, il faut se défendre. Quant au jugement à venir, j’y crois, je suis sûre qu’on va gagner!» 

La pire expérience de sa vie

Sophie*

«J’étais opératrice, puis conductrice de ligne pendant dix mois durant le Covid, en charge des produits cosmétiques. J’étais payée 17,50 francs l’heure, net. J’avais beau travailler dur, bosser les samedis, ma paie ne dépassait pas les 2800-3000 francs. J’avais à l’époque quitté la France pour m’établir en Suisse et je ne m’attendais pas du tout à des conditions de travail aussi précaires. On nous parlait mal, on se sentait pas du tout intégrées. Mais c’était ça ou rien, car en période de pandémie, les missions étaient rares. Je suis passée par deux agences temporaires et les salaires étaient les mêmes, impossible de négocier une quelconque amélioration. Ça a été la pire expérience professionnelle de ma vie, donc quand on m’a proposé la fin du contrat, j’ai accepté. 

Sur environ 200 employés chez Marvinpac, nous étions entre 150 et 170 intérimaires, et seulement une trentaine a bougé pour faire changer les choses. Unia nous a beaucoup aidés. J’espère que le jugement portera ses fruits, même si je ne suis pas du tout confiante. J’espère que ça permettra au moins aux suivantes d’être épargnées.» 

* Prénom d’emprunt

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