Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Un boulanger licencié à trois ans de la retraite gagne au Tribunal fédéral

Les mains d'un boulanger pétrissent de la pâte.
© Thierry Porchet

Le boulanger genevois avait été licencié sans autre explication, le jour même de son retour après une période de chômage technique liée à la pandémie de Covid (image d'illustration).

Les juges de Mon-Repos ont confirmé le caractère abusif de son licenciement, déplorant le manque d’empathie de l’entreprise.

Un employeur est censé faire preuve d'un minimum d'empathie envers ses employés, même quand il les licencie. C'est d'autant plus vrai quand ceux-ci approchent de l’âge de la retraite et cumulent de longues années de fidélité à leur entreprise. Voilà la leçon qu'on peut retenir d'un récent arrêt du Tribunal fédéral. Début octobre, il a confirmé que le licenciement d’un boulanger genevois, âgé de 62 ans et travaillant au même endroit depuis près de 19 ans, était abusif. Son patron est condamné à lui verser l’équivalent de trois mois de salaire, soit plus de 15000 francs, et à payer les frais de justice.

Si les juges estiment que l’âge et l’ancienneté ne sont pas en tant que tels des critères excluant toute éventualité de licenciement, ils rappellent néanmoins que «l'employeur doit faire preuve d'égards particuliers vis-à-vis d'employés proches de l'âge de la retraite, et lui ayant dédié une grande partie de leur carrière». Or, des égards, l’entreprise en question n’en a guère eus pour ce collaborateur, que cette situation a plongé dans une dépression profonde.

Embauché en 2001, il est remercié en mai 2020, le jour même où il reprend le travail après une période de chômage technique liée à la pandémie de Covid. Sa lettre de congé n’est pas motivée. Il y fait donc opposition. Un certificat de travail intermédiaire le décrit comme un excellent professionnel, apprécié de ses collègues et de ses supérieurs, et travaillant avec rigueur et ponctualité. Son employeur invoque alors des difficultés économiques liées à la crise sanitaire, le contraignant à fermer provisoirement le laboratoire où travaillait le boulanger, à Genève. Le TF souligne que, malgré la possibilité de transfert dans un autre site de l’entreprise, celle-ci l’avait licencié sèchement, sans autre forme d’explication.

Patron insensible

Profondément choqué par ce procédé, l’homme sombre dans la dépression. Il est même hospitalisé à deux reprises à cause de pensées suicidaires. Et alors qu’il est en arrêt maladie depuis trois mois, son employeur le somme d’effectuer le solde de son préavis de licenciement, «ajoutant inutilement à sa détresse», comme le soulignent les juges. C’est avant tout ce manque total d’empathie qui a été retenu par la Chambre genevoise des prud’hommes, puis par Mon-Repos, pour qualifier ce licenciement d’abusif.

L’une des avocates du boulanger, Me Emma Lidén, se réjouit de constater qu’aux yeux de la justice, la liberté économique – argument invoqué par l’employeur – n’est pas absolue. «Cet arrêt confirme d’ailleurs une précédente jurisprudence du Tribunal fédéral sur le fait qu’on doit avoir d’autant plus d’égards avec un employé qui a dédié un grand nombre d’années à une même entreprise et qui se trouve proche de l’âge de la retraite.»

Unia salue également cette victoire, tout en notant qu’elle reste modeste puisque les employés victimes de licenciements abusifs obtiennent au mieux six mois d’indemnités – et seulement trois dans le cas présent – et se retrouvent au final sans emploi. «Cette décision est un pas dans la bonne direction, mais il est impératif d’instaurer des garde-fous plus solides pour protéger les travailleuses et travailleurs âgés, qui continuent d’être vulnérables face aux licenciements», considère Yves Defferrard, secrétaire régional d’Unia Genève.

Pour aller plus loin

«Les détections ont augmenté, mais restent la pointe de l’iceberg»

une femme regarde par la fenêtre

Les cas de traite d’êtres humains à des fins d’exploitation du travail sont de plus en plus mis en lumière. Or, les tribunaux peinent à les reconnaître.

La justice suggère au roi de l’amiante de réparer ses torts

drapeau italien

Le 13 novembre à Turin s’est ouvert le procès en appel Eternit bis pour les décès dus à l’amiante dans la commune de Casale Monferrato. Le Ministère public propose au milliardaire suisse Stephan Schmidheiny d’assumer les conséquences de ses actes via la justice réparatrice. Récit de la première audience.

Combler un déficit démocratique

bougie allumée avec la croix suisse

Un premier pas vers une société plus égalitaire et inclusive a été franchi. Forte de 135000 signatures, l’initiative dite «pour la démocratie», soutenue par Unia, a abouti. Elle...

La grande bataille de sa vie

Octavio Sanchez est interviewé.

Après quatre ans de procédure, Octavio Sanchez, un maçon tailleur de pierre, a réussi à faire reconnaître son épicondylite comme maladie professionnelle, avec le soutien d’Unia.