Les 41 journalistes du défunt «Matin» dans sa version papier obtiennent un meilleur plan social que celui initial. Le Tribunal arbitral vient de rendre ses conclusions
Soulagement! Soutenus par les syndicats Impressum et Syndicom, les 41 journalistes du Matin disparu, dans sa version papier, en juillet 2018, obtiennent, au terme d’une longue bataille, un plan social nettement plus proche de leurs attentes et des pratiques dans la branche. Le Tribunal arbitral vient en effet de trancher en faveur d’indemnités supérieures à la proposition de Tamedia. «Celles-ci vont de trois à douze mois de salaires soit, globalement, une fourchette plus que doublée par rapport à la mouture initiale, remarque Dominique Diserens, secrétaire centrale d’Impressum, contente de cette issue. C’est un pas dans la bonne direction. Le plan social est raisonnable et juste. Il constitue aussi une forme de reconnaissance des ex-employés du titre.» Autres points positifs soulignés: les personnes licenciées ayant refusé un congé modification bénéficient elles aussi des compensations prévues et les frais de procédure sont placés à la charge de l’éditeur. «Par cette décision, le Tribunal arbitral confirme que les 41 du Matin ont eu raison de se battre pour leurs droits. Nous avons investi beaucoup de temps dans cette lutte. L’issue en valait la peine», poursuit la représentante d’Impressum misant aussi sur un épilogue susceptible de faire jurisprudence. «Les principes de la sentence rendue pourraient s’appliquer à d’autres situations. Cette décision est également une bonne nouvelle pour tous les professionnels de la presse en Suisse.»
Bémols
Si les syndicats ont pris acte avec satisfaction des éléments du plan social, ils déplorent toutefois que seule l’ancienneté et non l’âge des personnes concernées ait été prise en compte sachant les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs seniors pour retrouver un job. «A ma connaissance, très peu des 41 du Matin ont décroché une nouvelle place, bien moins d’une dizaine.» Au chapitre des doléances également, la limitation du mois d’indemnité supplémentaire aux parents dont les enfants n’ont pas plus de 7 ans.
Dans un communiqué commun, les deux syndicats ont encore signalé: «En sus des obligations légales du Code des obligations et de la Convention collective – parfaitement ignorées par Tamedia jusqu’à ce jour – ce plan social est la concrétisation d’un principe de responsabilité sociale: l’entreprise a certes le droit de licencier, mais si elle fait des bénéfices, elle doit assumer sa responsabilité. Tamedia a été reconnue comme une entreprise dotée de suffisamment de moyens, et effectuant des bénéfices suffisamment élevés, pour offrir un plan social digne.» Dominique Diserens souligne encore au passage l’importance de pouvoir s’appuyer sur des organisations de travailleurs fortes pour mener à bien des batailles comme celle-ci.
Grâce à la lutte des salariés
«Heureusement que les salariés du Matin se sont mobilisés. Sans leur lutte, dont le recours à la grève, ils n’auraient pas obtenu ce résultat. Reste que cette amélioration est insuffisante», estime de son côté Yves Defferrard, secrétaire régional d’Unia Vaud. Le syndicaliste, qui a participé à de nombreuses restructurations et licenciements collectifs, apprécie néanmoins le fait que le Tribunal arbitral ait reconnu Impressum et Syndicom comme parties prenantes de la négociation. «Je suis aussi soulagé de constater que les collaborateurs du journal qui auraient été en arrêt maladie n’ont pas été exclus du plan social. Une pratique qui a tendance à augmenter avec le recours aux avocats dans ce genre de processus.» Si Yves Defferrard salue la décision d’octroyer des indemnités plus généreuses pour les 41 du Matin, il trouve toutefois «honteux» qu’une entreprise telle que Tamedia n’ait pas assumé de facto sa responsabilité sociale. Que la justice ait dû être saisie. «Un mépris total des employés et du travail fourni... Le recours à un tribunal arbitral n’est pas courant en la matière. Dans tous les cas, on devrait pouvoir exiger de vraies solutions de l’employeur, aussi en matière de replacement. Et pourquoi avoir conditionné une indemnité supplémentaire seulement aux parents ayant des enfants de 7 ans et moins. Arbitraire.» Moralité: «Dans ce genre de situation, il vaut la peine de maintenir la lutte syndicale le plus longtemps possible. Eviter de passer par un organe de médiation qui étire le processus au risque d’affaiblir la mobilisation. A Unia, nous construisons le plus souvent des rapports de force et parvenons alors à des négociations entre les parties. Il y a davantage de respect du partenariat social.»