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Les ouvrières de Ceva Logistics se mobilisent pour leurs salaires

Action de protestation devant l'entreprise.
© Manu Friederich

Pendant près d’une heure, le 14 septembre dernier à l’aube, l’équipe du matin de Ceva Logistics a protesté devant l’entreprise pour exiger l’ouverture de négociations sur les salaires et les conditions de travail. Il s’agit pour la plupart de femmes, migrantes, déterminées à faire entendre leur voix.

Après une première action lors de la grève des femmes du 14 juin, environ 170 employées ont protesté le 14 septembre durant près d’une heure aux portes de leur entreprise

C’est une lutte exemplaire que celle menée par les ouvrières de Ceva Logistics à Neuendorf, petite commune du canton de Soleure. Le 14 septembre, environ 170 d’entre elles, soit toutes les employées de l’équipe du matin, se sont rassemblées à l’aube devant leur entreprise pour une action de protestation qui a duré près d’une heure. Elles demandent l’ouverture de négociations pour exiger une hausse de leur salaire misérable. Ce dernier est de 3468 francs brut, sans 13e mois, ni indemnités journalières en cas de maladie, pour 42,5 heures d’un travail astreignant par semaine.

Retours de Zalando

Le personnel de ce centre de logistique gère les retours de commandes de Zalando, géant du commerce de vêtements et de chaussures en ligne: ouverture des colis, tri des articles, contrôle visuel, olfactif et au toucher de leur état, puis acheminement vers leur destination future. Chaque employée doit traiter 41 articles par heure, soit environ 338 par jour. Le lundi précédant l’action, l’entreprise annonçait une augmentation de la cadence de 5,1% pour le même salaire. Ceva Logistics occupe environ 500 personnes au centre de Neuendorf, dont 96% de femmes. Près de la moitié sont des intérimaires des sociétés Kelly Services et Adecco. Leurs contrats prévoient seulement 16 heures de travail garanties par semaine. Le surplus dépend des variations des commandes, autant dire que leurs revenus sont au plancher.

Femmes sous-payées et profits gigantesques

«Les salaires dans cette entreprise au personnel essentiellement féminin sont extrêmement bas en comparaison des autres sociétés de logistique où travaillent principalement des hommes», souligne Roman Künzler d’Unia. Ainsi, la rémunération des ouvrières de Ceva Logistics serait inférieure d’un tiers par rapport aux autres sociétés du commerce en ligne, branche déjà à bas revenus. «Ce qui est choquant, c’est que l’entreprise appartient à un grand groupe français qui a profité de la crise ces dernières années», ajoute le responsable logistique et transport du syndicat. En surfant sur la pandémie, la guerre et les difficultés d’approvisionnement, ce groupe, la Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime (CMA CGM), a vu son chiffre d’affaires croître d’un tiers en 2022. Cette année-là, son bénéfice net a grimpé de 39% pour se porter à 24,9 milliards de dollars. Le propriétaire, Rodolphe Saadé, cinquième homme le plus riche de France, a sextuplé sa fortune entre 2021 et 2023: elle est passée de 6 milliards à 39 milliards d’euros…

«Nous voulons du respect et de meilleures conditions»

Pendant ce temps, les petites mains de son empire ne gagnent même pas de quoi vivre. Comme en témoigne Adelina* de Ceva Logistics, citée par Unia dans un communiqué: «Nous sommes des centaines de femmes, nous faisons un travail méticuleux et rigoureux du matin au soir. En retour, nous voulons du respect et de meilleures conditions. Avec mon salaire, je peux tout juste payer le loyer et les primes d'assurance maladie pour ma famille! On me verse environ 3000 francs, tu n’achètes rien pour cela en Suisse». Elmer*, lui, est temporaire: «Il m'arrive de n'être payé que 900 ou 1300 francs par mois. Je suis simplement renvoyé chez moi ou convoqué à très court terme. Ce n'est pas conforme à la loi. En même temps, le travail est dur. Il faut que les choses changent.»

Refus de négocier

Face à cette précarité extrême, les travailleuses, souvent des femmes migrantes, et les quelques hommes œuvrant dans le centre de logistique, ont pris leur destin en main. Ce printemps, dans le cadre d’une enquête et d’assemblées du personnel, ils ont élaboré leurs revendications qui portent non seulement sur une hausse significative de leur salaire et un 13e mois, mais également sur des améliorations de leurs conditions de travail, en matière de stress notamment, et le respect de la part de leur employeur. A l’unanimité, ils ont donné mandat à Unia de mener les négociations en leur nom. Le 6 juin, le syndicat écrivait à l’entreprise pour exiger l’ouverture de pourparlers. A l’occasion de la grève des femmes du 14 juin, 166 ouvrières et ouvriers signaient une lettre à leur employeur pour réaffirmer leurs exigences. Quelques jours plus tard, une réponse arrive de la direction européenne de Ceva Logistics basée à Francfort en Allemagne: refus de négocier. Unia pose alors un délai à fin août pour qu’une date de négociations soit fixée. Aucune réponse. D’où l’indignation des travailleuses qui ont décidé de mener l’action de protestation du 14 septembre. «Ce jour-là, nous avons écrit à l’entreprise qui, de nouveau, a refusé toute négociation», explique Roman Künzler. Une semaine plus tard, la situation est identique. «Pour le moment, nous tendons la main. Si le dialogue n’est pas possible, les femmes décideront de la suite à donner à leur mobilisation. Et j’ai le sentiment qu’elles ne vont pas lâcher!»

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