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La musique un moyen de survie

Chanteur et compositeur originaire du congo, Jerry Wanshe sort son premier disque et sera sur scène ce samedi à Lausanne

Du plus loin qu'il se souvienne, Jerry Wanshe a toujours chanté. Au Congo, c'est son père qui l'a initié. «Il était pleureur lors de deuils, et ses lamentations ressemblaient à des chants», se souvient-il. Enfant de choeur à l'église catholique, le jeune Jerry a aussi parallèlement développé sa voix avec des amis musiciens.
Pendant ses études en lettres, il découvre la poésie. Dès lors, il ne cessera d'écrire: des poèmes, de la prose, des essais... Cet amour des mots lui ouvre la voie de la composition de chansons, principalement dans sa langue d'origine, le lingala, à laquelle il est resté fidèle - même s'il a passé la moitié de sa vie en Suisse - preuve en est son troisième disque qui vient de sortir, le premier avec son groupe Mouva fondé en 1995 à Lausanne. Soit quatre ans après son arrivée en Suisse.
La musique congolaise l'a accompagné dans sa migration. Elle s'est métissée avec l'apport de musiciens suisses, européens, cubains et africains. De la rumba congolaise à la salsa, Jerry Wanshe précise que «l'origine des musiques latines est toujours africaine». Professeur de salsa, il tient le même discours sur la danse. «La rumba de mon pays, c'est la même base. Mais j'ai aussi appris la salsa à Cuba et je continue à apprendre tant les figures ne cessent de se créer. C'est sans fin!», explique le passionné.

Des textes engagés
Dans les paroles de ses chansons, le compositeur s'inspire surtout des injustices, des problèmes sociopolitiques, de l'importance de la solidarité, notamment familiale. Et ce ne sont pas que des mots pour ce membre de la très grande diaspora congolaise. «Chaque mois, je soutiens ma famille financièrement pour l'aider à rester debout. Sinon elle tombe. Et si elle tombe, je suis mal. C'est une grande responsabilité, mais on n'a pas le choix, car sans elle, je ne serais pas ici», explique le réfugié. Ce sont en effet ses parents qui ont réussi à le libérer de la prison où il était détenu avec ses camarades universitaires suite à une manifestation pacifique. «C'était en 1991. On revendiquait contre le régime de Mobutu. Sans la réaction de mes parents, qui ont pu corrompre les gardiens en leur versant de l'argent, j'aurais fini comme certains de mes amis... tabassés à mort.» A cette époque, Jerry Wanshe étudie le droit. «Il y avait tellement de choses qui ne fonctionnaient pas et je voulais défendre cette population meurtrie.»
Il n'aura, pour son plus grand malheur, pas le temps de finir ses études. A sa sortie de prison, il se cache puis passe la frontière avec un faux passeport, barbe et chapeau en guise de camouflage pour échapper à la surveillance. «Je n'avais jamais pensé quitter mon pays. J'étais très attaché à ma famille et je voulais me battre sur place. Mais il y avait trop de risques...»
C'est seulement dix ans plus tard, et après la mort de Mobutu, que le réfugié, devenu suisse et français par mariage, retourne dans sa patrie. «J'ai retrouvé un pays complètement détruit et encore plus appauvri», se souvient-il.

La musique, au cœur de sa vie
Critique sur les relations entre pays africains et européens, il relève que le continent noir est toujours colonisé. «La majorité des présidents africains sont placés par l'étranger et les matières premières sont exploitées par les grands groupes occidentaux au détriment des populations...» Jerry Wanshe pourrait parler des heures de la politique de son pays, tout comme de l'histoire de la musique. Son nouveau disque, intitulé «Independancia», mêle les deux. La chanson du même titre parle de cette indépendance africaine qui n'en est finalement pas une. Mais ses textes ne sont pas que politiques. Le premier morceau «Naïma mulata» est dédié à sa fille, et le septième, «Moleki nzela», à l'amour.
«La musique, pour moi, c'est un moyen de survie», souligne Jerry Wanshe. «Sinon, ici, je me sentirais trop seul. La musique me permet de créer une petite communauté.» Aîné d'une fratrie de 14 membres (douze sœurs et un frère), il ne s'est jamais tout à fait adapté à l'individualisme occidental. Du coup, que ce soit dans son travail comme collaborateur dans la gestion informatique d'une grande entreprise, dans la musique ou la danse, il aime collaborer, échanger, proposer sans jamais imposer. Bref, partager, que ce soit avec ses collègues, ses amis musiciens, ses élèves, mais aussi avec le public, d'où son rêve de pouvoir donner davantage de concerts avec son groupe Mouva.


Aline Andrey


Pprochains concerts, gratuits, de Jerry Wanshe avec le Groupe Mouva: Samedi 12 mai, 20h30, dans le cadre de «la Caravane des quartiers», Centre de vie enfantine de Montelly, ch. de Montelly 13 à Lausanne. 21 juin à Yverdon lors de la Fête de la musique. 23 juin, sur la place de l'Europe à Lausanne à l'occasion de la Journée des réfugiés.
Plus d'informations sur la Caravane des quartiers en page 8.