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Ecrire le temps : l'histoire du chronographe

Le Musée international d'horlogerie retrace deux siècles d'une histoire passionnante

Inventé en 1821 pour les courses de chevaux, le chronographe a progressivement conquis la scène sportive, aéronautique, scientifique et même spatiale, en s'invitant au poignet des premiers hommes sur la lune. Le Musée international d'horlogerie à La Chaux-de-Fonds retrace l'histoire de ce compte-temps dans une exposition visible jusqu'au 2 octobre.

En grec, «chronos» se traduit par «le temps» et «graphein» par écrire. «Ecrire le temps»: le terme était tout trouvé pour servir d'intitulé à l'exposition dédiée à deux siècles d'histoire du chronographe, dont les portes se sont ouvertes le 7 avril dernier au Musée international d'horlogerie à La Chaux-de-Fonds.
Parrainée par la Fondation Minerva de la firme Montblanc, cette exposition très compacte est conçue pour satisfaire tout à la fois le simple curieux, l'amateur éclairé et le professionnel averti. Elle se déploie autour d'un vaste cube dans lequel s'ouvrent 16 fenêtres comprenant des textes, des illustrations et des vidéos portant sur l'histoire et l'évolution technique du chronographe. Ce cube est entouré de 10 vitrines présentant des thèmes particuliers ainsi que des collections de chronomètres emblématiques d'une époque, d'un style ou d'une technologie.

Pour les paris
Souvent confondu avec le chronomètre (appareil donnant l'heure avec précision, en continu), le chronographe sert à mesurer des portions de temps. Il est doté le plus souvent d'une aiguille centrale, la trotteuse, que l'on peut à volonté mettre en mouvement, arrêter et remettre à son point de départ. Si le chronomètre est né de la volonté de mieux s'orienter en mer, le chronographe est pour sa part issu du souhait de mesurer les performances des chevaux de course. De quoi permettre aux parieurs d'affiner leurs pronostics en jaugeant les capacités des montures à l'entraînement. Le premier septembre 1821 en effet, le dénommé Nicolas Mathieu Rieussec, horloger du roi de France, fait sensation lors d'une course de chevaux au Champ-de-Mars à Paris en utilisant pour la première fois un appareil de son invention baptisé «compteur de chemin parcouru». C'est là l'acte de naissance du premier chronographe. Il est doté d'un cadran tournant en émail blanc sur lequel vient se déposer une petite goutte d'encre à chaque fois que l'utilisateur presse sur un bouton, au passage d'un concurrent. Bien sûr, cette invention s'est en partie inspirée des travaux menés par des précurseurs, comme l'horloger genevois Jean Moïse Pouzait qui, en 1776, dépose un mémoire décrivant le principe d'une montre flanquée d'une trotteuse indépendante que l'on peut enclencher ou stopper à volonté. «Ce type de montre est très proche des calibres à "seconde foudroyante" qui divisent la seconde en quatre ou cinq fractions. Toutefois, il oblige encore l'utilisateur à noter le début de la mesure et à faire un calcul, la trotteuse ne pouvant être ramenée à zéro», explique Jean-Michel Piguet, conservateur adjoint du musée, chargé de cette exposition.

Grandes performances
En 1844, Adolphe Nicole, horloger suisse établi à Londres, met au point un mécanisme permettant de ramener à son point de départ l'aiguille des secondes. Le chronographe contemporain est né. Il se caractérise désormais par trois fonctions engendrées par trois pressions successives: mise en marche de l'aiguille, arrêt et retour à zéro. Au fil des ans, le chronographe est complété par des petits cadrans distincts destinés à compter les minutes et les heures.
Dès la fin du 19e siècle en Suisse, l'Arc jurassien se révèle très actif dans la fabrication du chronographe, que ce soit à la Vallée de Joux, dans les Montagnes neuchâteloises, le Vallon de Saint-Imier ou la région de Bienne. Parmi les marques, on trouve notamment Martel Watch, Le Phare, Zénith, Breitling, Longines, Excelsior Park, Léonidas, Minerva, Heuer et Omega. Au début du 20e siècle, le chronographe commence sa cure de minceur, s'adaptant ainsi à l'engouement croissant pour la montre-bracelet, laquelle est en voie de supplanter la montre de poche. En 1913, Longines parvient par exemple à produire un calibre de 29 mm. Puis dix ans plus tard, G. Léon Breitling dépose le brevet d'un système permettant d'arrêter l'aiguille des secondes puis de la réactiver sans passer par l'étape de remise à zéro. Quant à la précision, en 1916 déjà, le Micrograph d'Heuer était doté d'un balancier permettant des mesures au 1/100e de seconde. Le chronographe mécanique fait le bonheur de l'aviation, de l'expérimentation scientifique mais aussi et surtout du sport. Toutes les courses des jeux Olympiques étaient par exemple chronométrées à la main. Ce n'est qu'en 1948, lors des Jeux Olympiques d'hiver de St-Moritz, que cette opération est devenue automatisée, par le biais de chronographes à déclenchement magnétique, combinés à un fil coupé ou à la cellule photoélectrique.

La parenthèse du quartz
Le début des années 1970 sont celles de l'apparition de la montre à quartz et de la crise horlogère qui lui est en grande partie liée, du moins à ses débuts. Quelques fabricants misent sur des chronographes meilleur marché. Puis en 1975 apparaît le premier chronographe à quartz suisse. Il s'agit de l'Heuer Chronosplit à affichage mixte LCD et diodes LED. La véritable relance viendra un peu plus tard, avec le retour en force de la montre mécanique. Le chronographe devient dès lors l'expression d'un extraordinaire savoir-faire basé sur des matériaux nobles et une esthétique contemporaine. Il se voit associé à d'autres complications comme le quantième perpétuel, la répétition minute ou le tourbillon. A la mesure du temps se substitue la mesure du degré de compétence technique. Dans laquelle la qualification des travailleuses et des travailleurs est déterminante.

Pierre Noverraz



Sur la Lune
La plus belle heure de gloire du chronographe est sans doute celle de son séjour sur la lune, le 21 juillet 1969, aux poignets des astronautes américains Neil Amstrong et Edwin Aldrin. La NASA, à l'issue de nombreux tests, avait en effet porté son choix sur l'Omega Speedmaster. Histoire de respecter les règles protectionnistes du «Buy American Act», exigeant que 51% du produit soit made in USA, Omega fit fabriquer les boîtiers en acier des modèles de la NASA par une entreprise du Michigan...

PN

 

 

Où, quand, comment?
«Ecrire le temps: deux siècles d'histoire du chronographe» est à voir jusqu'au 2 octobre 2011. L'exposition temporaire est ouverte de mardi à dimanche, de 10 à 17 heures. Elle est implantée dans un promontoire situé à l'intérieur du Musée international d'horlogerie à La Chaux-de-Fonds. Pour mémoire, ce musée de renommée mondiale présente plus de 4500 pièces de collection allant du cadran solaire à l'horloge atomique en passant par des horloges précieuses, des machines et des peintures. Le musée comporte également un atelier de restauration dont les activités sont visibles à travers une vitrine.

PN