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Riposte à la traite des êtres humains

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© Thierry Porchet

David Dandrès, directeur de l’AVIT, œuvre à la visibilisation et au soutien des victimes de traite, une réalité par définition cachée.

Une association valaisanne de soutien aux victimes et témoins dresse un premier bilan depuis sa création il y a moins de deux ans. Retour sur sa mission avec son directeur, David Dandrès.

Avec 28 cas recensés depuis sa création fin 2023, contre deux à trois identifiés chaque année par le passé , l’Association valaisanne de soutien aux victimes et témoins de traite des êtres humains (AVIT) répond à un réel besoin. La structure, consultée par cinquante personnes depuis sa création, a tiré un premier bilan en octobre dernier. L’occasion de revenir sur sa mission et sur une thématique encore trop souvent méconnue. «On parle de traite lorsque des êtres humains sont exploités pour en tirer un bénéfice en profitant de leur vulnérabilité. C’est une forme d’esclavage moderne, sans recours aux chaînes ou à la force, mais en usant de moyens de contrainte psychologiques, financiers, de fausses promesses... Particulièrement pervers», rappelle David Dandrès, directeur de l’AVIT. 

Entre pressions et chantages
Les auteurs de traite usent de différents arguments pour dissuader les victimes de chercher de l’aide. «Sans papiers, elles sont par exemple menacées d’être dénoncées aux autorités. On peut aussi laisser entendre à celles qui sont contraintes de se prostituer que leur famille sera informée de leur activité.» S’il n’y a pas de profil type de personnes prises dans ces filets, on y rencontre néanmoins une majorité de femmes et d’infractions à caractère sexuel. Mais la proportion d’hommes exploités par le travail progresse. Les secteurs les plus touchés par ces crimes, comme la construction, l’hôtellerie-restauration, l’agriculture, les services domestiques, se caractérisent par un fort besoin de main-d’œuvre peu qualifiée. «Il n’y a pas de nationalités spécifiques parmi les victimes. Mais une constante néanmoins: une vulnérabilité initiale personnelle et une pauvreté économique.» 

Trois mois pour souffler
Parmi les missions de l’AVIT figurent la formation dispensée à différents professionnels de terrain susceptibles d’être en contact avec le public cible: inspecteurs du travail, syndicalistes, policiers, assistants sociaux travaillant dans des foyers pour requérants d’asile ou pour femmes violentées, ou encore délégués à l’intégration. Notons qu’Unia compte aussi dans ses rangs une personne spécialiste de ces questions, chargée d’informer et de sensibiliser les secrétaires syndicaux à la problématique. «Les indices les plus évidents pour détecter des personnes victimes de traite? La peur et le manque, voire l’absence de liens sociaux. Il existe une check-list d’indicateurs favorisant leur reconnaissance.» Après leur identification, l’AVIT, qui remplit une importante mission d’écoute et de soutien, oriente les victimes vers un lieu d’hébergement sûr et les met en relation avec différents acteurs qui les épauleront dans les domaines psychologique, médical et juridique. Les personnes bénéficieront systématiquement d’un permis de séjour de 90 jours. «Trois mois pour souffler! Ce délai doit leur permettre de se rétablir et de décider si elles porteront plainte ou non. Le cas échéant, la durée du droit de séjour sera liée à la procédure pénale.» 

Prolongement à son engagement
En 2024, chiffre David Dandrès, 250 victimes de traite ont été reconnues en Suisse. «Huitante-sept instructions pénales ont été ouvertes et onze condamnations prononcées. C’est peu. Mais il est difficile d’amener des éléments de preuve. Et les magistrats ne sont pas suffisamment formés à la problématique.» Pas de quoi décourager le travailleur social qui a consacré la plus grande partie de son parcours professionnel à l’humanitaire. Travaillant d’abord comme journaliste, animé par la volonté de dénoncer les injustices, l’ancien collaborateur de l’ATS s’est ensuite tourné vers le monde des ONG. Son engagement pour le Comité international de la Croix-Rouge et Terre des hommes, l’a conduit sur de nombreux terrains difficiles comme au Darfour, à Gaza, en Irak, au Pakistan, au Mali... Le bourlingueur a aussi été employé par la Chaîne du bonheur. Responsable de l’AVIT qui emploie trois personnes, il affirme s’y plaire énormément. «Nous sommes là pour faire la différence et aider des personnes invisibilisées. C’est un travail valorisant. Nous sommes par ailleurs confrontés à nombre de thématiques intéressantes intégrant des expertises juridiques, des enjeux internationaux et des relations avec une variété d’interlocuteurs de différents milieux», s’enthousiasme le Valaisan, estimant avoir beaucoup de chance... 

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