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La dignité des salariés, une citadelle à défendre

La plus massive des attaques qu’aient connue les travailleuses et les travailleurs de la planète durant ces dernières décennies ne tient qu’en quatre maigres lettres, en une application d’une simplicité ahurissante et aux quelques algorithmes qui la structurent. Uber, l’auteur de l’offensive en question, s’est déployé vite et de manière sournoise dans tous les interstices de nos sociétés, en vantant d’entrée de jeu les conquêtes que permettait un modèle se voulant pratique, intelligent et très bon marché pour le client. Voulez-vous passer d’un point A à un point B, nous demandaient les faiseurs de campagnes publicitaires? Quelques clics et vous voilà servis, sans devoir interagir avec un quelconque standardiste, le tout à un prix défiant n’importe quelle compagnie de taxis normalement constituée. Ces promesses de départ ont attiré une foule d’utilisateurs. Elles ont généré surtout un effet domino qu’on résume désormais avec une formule entrée dans l’imaginaire collectif: l’ubérisation du monde du travail. 

Aujourd’hui, ici et là dans le monde, on peut commander un service de manucure à la maison, appeler un plombier ou un livreur de pizza; on peut faire ses courses ou du shopping en quelques mouvements de doigts sur son écran de smartphone. Mais quel est le coût réel de cette transformation? Qui paie vraiment le prix d’une économie de plateformes déconnectée de la valeur-travail, telle qu’elle est communément admise? Derrière le client satisfait, la question fait surgir des millions de travailleurs dont le sort s’est nettement détérioré, année après année. En a témoigné la centaine de délégués évoluant dans cette branche fragile, venus du monde entier pour se retrouver à Genève au début du mois en marge de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT). Sur la table, ils ont étalé des revendications claires: le temps est venu de régulariser un marché victime d’un modèle d’affaires prédateur, qui génère de faux indépendants, qui dévoie le statut du salarié. Et qui construit sa fortune en faisant payer aux exploités les droits qui donnent accès à une application. Cette bataille est soutenue et accompagnée par Unia, notamment. L’écosystème dénoncé, qui attire les couches de la société les plus démunies avec la promesse d’un travail flexible, sans patron réel, pousse une population colossale – 40 millions de personnes rien qu’en Inde! – vers de nouvelles formes d’esclavage. 

Journées de travail allant jusqu’à 14 heures, absence de couverture sociale en cas de maladie ou d’accident, impossibilité de recourir aux prestations du chômage, disparition de la cotisation de l’employeur à la prévoyance professionnelle... La dérive vers la précarité qu’engendrent Uber et ses suiveurs se révèle chaque jour davantage. Sous nos latitudes, la plateforme et sa chaîne de sous-traitance en a pris pour son grade, avec un arrêté du Tribunal fédéral qui a donné raison au Canton de Genève et qui a rivé ces acteurs à leur statut d’employeur, avec les obligations légales qui leur incombent. Dans la foulée, le Conseil d’Etat a refusé d’entrer en matière sur la motion déposée par le parlementaire Jürg Grossen, qui entendait dérégler les canons en vigueur permettant de définir le statut d’indépendant. 

Sur le plan national, ces victoires prometteuses constituent un signal fort pour tout le secteur de l’économie de plateformes. Mais beaucoup reste à faire ici et ailleurs dans le monde pour préserver la dignité des travailleuses et des travailleurs des attaques de l’ultralibéralisme.

L’écosystème dénoncé attire les couches les plus démunies de la société vers de nouvelles formes d’esclavagisme.
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