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«Je recroise en ville des regards hostiles»

Bounouar Benmenni
© Olivier Vogelsang

«C’est important de ne pas rester entre nous, de ne pas développer un esprit communautariste, sans pour autant renier ses origines», estime Bounouar Benmenni, qui participe activement à la vie sociale de la région.

Invité à une table ronde à Lausanne pour s’exprimer sur le racisme au travail, Bounouar Benmenni, président d’Unia Région Vaud, témoigne de son expérience.

«Le Suisse est méfiant, mais pas raciste. Du moins, s’il n’est pas conservateur à l’extrême.» Suisse d’origine algérienne travaillant dans la sécurité et la santé pour une entreprise horlogère, Bounouar Benmenni, porte un regard plutôt positif sur les relations entre Helvètes et étrangers. Et affirme n’avoir pas eu à souffrir de ses racines dans le cadre de sa profession. Avant de nuancer: «Bien sûr, j’ai subi parfois des regards de biais. Des mots déplacés. Comme je suis basané, on remarque d’emblée que je suis étranger. Mais c’était davantage par crainte de la différence. Et pas bien méchant même si, malgré ma bonne intégration, il y a toujours un crétin qui vous remet à votre place.» 

Participer à la vie sociale

Bounouar Benmenni estime par ailleurs que la vallée de Joux, là où il vit, a contribué à son insertion. «Ici, soit on vous accepte, soit non. Pour ma part, j’ai été très bien reçu. Et aujourd’hui, il y a plein de personnes de nationalités différentes. C’est génial», s’enthousiasme cet homme de 64 ans, précisant que sa participation active à la vie de la région – il préside le club de handball et est membre du Conseil communal – a aussi, entre autres, contribué à ce bon accueil. 
«C’est important de ne pas rester entre nous, de ne pas développer un esprit communautariste sans pour autant renier ses origines. On ne peut pas demander aux personnes étrangères de se dénaturer. De faire semblant. Elles seront rattrapées par leur identité», affirme Bounouar Benmenni, précisant être de confession musulmane de naissance mais non pratiquant, alors que ses enfants sont catholiques. «Il y a autant de dieux que d’humains», ajoute-t-il, en rigolant. Mais si le sexagénaire n’a pas été victime de racisme dans le cadre de son activité, il a connaissance de cas de personnes qui n’ont pas eu cette chance. «Mon cousin a par exemple dû changer son nom lors de postulations, car il ne recevait jamais de réponse. Il arrive que des employeurs ne veuillent pas prendre le risque d’engager quelqu’un de différent, inquiets de la réaction du reste des effectifs.» Epargné à son poste de travail, Bounouar Benmenni a en revanche été à quelques reprises victime de délit de faciès lors de contrôles de police. Il a même une fois fini en cellule, car il n’avait pas son permis de conduire sur lui et les agents ont refusé qu’il aille le chercher, alors qu’il se trouvait à 300 mètres de son domicile. «En me bousculant, ils m’ont dit que, si je n’étais pas content, j’avais qu’à rentrer chez moi... La Gendarmerie vaudoise m’a présenté ses excuses.»

L’éducation, rempart aux dérives

Le natif de Marseille note par ailleurs que le racisme a augmenté. En tout cas en ville. «Je recroise des regards hostiles à Lausanne. La situation s’est crispée, encouragée par la montée de l’extrême droite.» Bounouar Benmenni cite aussi des attitudes qui le choquent et l’attristent, même si son empathie naturelle tend à les minimiser. Comme lorsqu’il a remarqué, sur une place de la capitale vaudoise, une dame qui, à son passage, a serré son sac à main contre elle. Ou, dans des magasins, un personnel qui le suit à la trace, probablement de peur qu’il vole des articles. Une frontière entre méfiance et discriminations poreuse... «Seule l’éducation peut lutter contre le problème du racisme. Dans ma famille, nous avons sensibilisé nos enfants à la différence», ajoute celui qui a épousé une femme d’origine italienne. Et l’homme de citer sa belle-mère: «Elle aime rappeler qu’à son arrivée en Suisse, il y a une soixantaine d’années, le racisme était extrême. Mais que, si au départ elle ne parlait pas français, ce sont ses deux enfants, devenus enseignants, qui ont par la suite appris les subtilités de la langue aux jeunes Suisses.» Tout un symbole...

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