Site de l’initiative: initiative-bns.ch
Le bas de laine de la BNS pour l’AVS
Les syndicats et le Parti socialiste ont lancé la semaine dernière une initiative fédérale visant à renflouer le premier pilier à l’aide des bénéfices faramineux de la Banque nationale
Pour renflouer les caisses de l’AVS, nul besoin de reculer l’âge de départ à la retraite des femmes, comme le veut la droite avec le projet AVS 21. La semaine dernière, l’Union syndicale suisse (USS) et le Parti socialiste ont lancé l’initiative fédérale «Renforcer l’AVS grâce aux bénéfices de la Banque nationale». Son texte propose qu’une partie des gains astronomiques réalisés chaque année par la Banque nationale (BNS) soient reversés au premier pilier.
Depuis la crise financière de 2008, les avoirs de la BNS ont été multipliés par dix. Elle possède aujourd’hui plus de 1000 milliards de francs sous la forme de devises, actions, obligations ou or. «Le franc a été en quelque sorte l’un des produits les plus exportés par la Suisse au cours des dix dernières années», a indiqué Daniel Lampart, le premier secrétaire de l’USS, au cours d’une conférence de presse donnée le 24 mai. «La BNS exporte même davantage que les entreprises pharmaceutiques suisses», s’amuse l’économiste. Pour réduire l’attractivité de notre monnaie et ne pas pénaliser nos exportations, la banque centrale a en effet émis depuis 2008 quelque 900 milliards de francs pour les échanger contre des euros et des dollars. Avec, à la clé, des bénéfices considérables. Ils sont passés d’environ 2 milliards de francs par an à 26 milliards en moyenne pour la période de 2016 à 2021. L’institution a placé ce bas de laine dans une «réserve pour distribution future» qui a atteint 100 milliards fin 2021. Avec la hausse des taux d’intérêts et les grandes incertitudes sur les marchés financiers, cette réserve a certes perdu 32,8 milliards au premier trimestre 2022. Elle devrait toutefois se situer à hauteur de 60 milliards à la fin de l’année, soit un niveau cinq à dix fois plus élevé que dans le passé.
L’initiative propose que, lorsque le bénéfice est élevé comme aujourd’hui, une partie de celui-ci soit versé au Fonds de compensation de l’AVS. Les initiants évaluent le potentiel de distribution des bénéfices de la BNS entre 8 et 10 milliards par an. Si l’on retranche la part réservée aux cantons, soit 4 milliards, il resterait quelques milliards pour les retraites.
«On pourrait financer des hausses des rentes»
Ces dernières années, les taux d’intérêts négatifs ont également contribué au bon bilan de la BNS, qui en a retiré 11,3 milliards de revenus entre 2015 et 2021. Les taux négatifs ayant particulièrement affecté les rentes du 2e pilier, le Conseil national s’était prononcé en faveur du versement de ces revenus à l’AVS. Mais le Conseil des Etats s’y oppose. L’initiative reprend cette idée. «Cela permettrait d’assurer le financement de l’AVS pour les dix prochaines années», explique Daniel Lampart. Le capital de l’AVS augmenterait d’environ un tiers générant ainsi des revenus supplémentaires. «Et si l’AVS touchait, en plus, une part des bénéfices de la BNS, on pourrait financer des hausses des rentes AVS, qui sont plus que nécessaires puisque la rente moyenne, qui atteint à peine 1800 francs, ne couvre de loin pas les besoins vitaux.»
Rappelons que, si la rente maximale AVS s’élève à 2390 francs par mois (ou 3585 francs pour un couple), il faut, pour espérer la toucher, avoir gagné au moins 85000 francs par année et travaillé durant 43 ans pour les femmes et 44 ans pour les hommes. «Dans l’hôtellerie-restauration, seuls 6% des salariés touchent la rente maximale, 13% dans le secteur de la santé et du social et 18% dans les métiers de la logistique», indique Bruna Campanello, membre du comité directeur d’Unia. La prévoyance professionnelle est bien censée améliorer l’ordinaire de l’AVS, sauf qu’une femme sur trois en est privée. «Pour les femmes qui perçoivent une rente du 2e pilier, elle est en moyenne inférieure de moitié à celle des hommes. La moitié des femmes parties à la retraite en 2018 reçoivent une rente de la caisse de pension inférieure à 1165 francs par mois. Dans les branches où les femmes sont particulièrement nombreuses à travailler, comme l’hôtellerie-restauration ou la coiffure, des rentes de caisses du 2e pilier comprises entre 500 et 800 francs sont courantes. Cela ne suffit tout simplement pas pour vivre.»
«Cet argent appartient à la population»
L’initiative sur la BNS complète celle pour une 13e rente AVS déposée par la gauche et les syndicats en mai 2021 et sur laquelle le peuple se prononcera l’année prochaine. Verser treize rentes par an, à l’image du 13e salaire, est pour la syndicaliste «un moyen simple, efficace et peu onéreux d’augmenter rapidement les rentes». Il en coûterait 4 milliards par an. Pourquoi ne pas utiliser les bénéfices de la BNS à cette fin? «Cet argent appartient à la population suisse, il ne profite à personne s’il est entassé dans les coffres de la BNS, il profite à tout le monde si une contribution solidaire est versée à l’AVS.»
Ça ne serait pas une première. En 2007, la BNS avait versé 7 milliards à l’AVS issus de la vente d’or.
«Notre texte est modéré. Il ne met aucune contrainte, il n’empiète pas sur la politique monétaire et il protège la part attribuée aux cantons, conclut le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard. Notre projet permet juste, quand les circonstances l’autorisent, le retour d’une petite part du revenu de la richesse nationale accumulée dans notre banque centrale vers l’œuvre sociale la plus importante du pays.»