Avec Ekir, les bons goûts d’une cuisine solidaire

Pour commencer, alors que le réfugié Hassan prépare un café, la cofondatrice de cette petite niche de bienveillance qu’est le restaurant Ekir, à La Chaux-de-Fonds, nous amène dans les coulisses, là où presque tout se joue. Maria Friedli nous présente alors ses collaboratrices et ses collaborateurs aux fourneaux et nous montre les équipements de la cuisine, tous en inox. «Ils sont très récents, nous glisse-t-elle sur un ton satisfait, les anciens ne répondaient plus aux normes d’hygiène. Mais on n’aurait pas pu les changer sans le soutien de la Loterie Romande.» Cette opération, comme tant d’autres, fait dire à l’hôte que l’association qui chapeaute les lieux (Ekir Manger-Ensemble) vit de miracles. Traduit concrètement, cela se manifeste par des engagements inattendus ou encore par les gestes solidaires venus d’un réseau lui aussi associatif, qui collabore activement et participe au succès de cette aventure unique. «Je vais vous donner quelques exemples: il y a peu, une entreprise nous a versé 15000 francs, c’est une somme importante qui nous donne de quoi voir venir pendant plusieurs mois. Une autre fois, la Commission cantonale des personnes vivant avec un handicap, nous a alloué une aide de 5000 francs, ce qui nous a permis d’acheter une nouvelle machine à café et une rampe d’accès pour les personnes en situation de handicap. Nous avons aussi la chance de côtoyer un propriétaire des locaux très compréhensif, qui nous loue l’espace à un prix modique.»

Un public bigarré
Le restant de la mission d’Ekir repose sur des contributions de toutes sortes. Les communes du Locle et de La Chaux-de-Fonds apportent une béquille financière. Quant aux biens de consommation qui passent par la cuisine avant de terminer dans les assiettes, ils sont issus des Cartons du Cœur, par exemple, qui distribuent notamment des pâtes, du riz, des boîtes de conserve ou du sel. Table suisse, qui récupère les invendus auprès des grandes chaînes du commerce alimentaire, est aussi de la partie. Voilà qui permet à Ekir de servir une vingtaine de couverts par jour, à midi uniquement, du lundi au vendredi, mercredi exclu. Le tout à des prix frôlant le symbolique: 8 francs pour le menu et 1 franc pour la boisson. Le public des lieux? Il est au cœur de la mission du restaurant: «Ce sont des personnes retraitées ou au bénéfice de l’assurance invalidité, explique Maria Friedli. Il y a également des travailleurs aux revenus modestes, des migrants et des requérants d’asile. Le mélange de ces populations contribue à lutter contre le racisme. Des Suisses et des étrangers se retrouvent à table, les premiers comprennent tout ce qu’apportent et de quoi sont capables les seconds.»

Elle-même migrante, Brésilienne qui a grandi à Nova Iguaçu (Etat de Rio de Janeiro) et qui s’est établie il y a plusieurs décennies à La Chaux-de-Fonds, la cofondatrice est parvenue à insuffler sa sensibilité et son engagement auprès d’une équipe qui compte aujourd’hui une vingtaine de personnes. «Notre politique vise la transformation sociale. Nous luttons pour cela contre toute forme d’exclusion et de pauvretés et nous ouvrons les portes à tout le monde.» Chez Ekir, on nourrit le ventre mais on n’oublie pas l’esprit, en accueillant des expositions par exemple, comme celle du photographe Luca Solari, visible actuellement. Ou encore en suscitant les échanges entre citoyens. C’est ainsi que, les samedis et les dimanches, les locaux passent entre les mains d’associations de communautés migrantes – la camerounaise et l’érythréenne surtout –, qui organisent des événements et ouvrent à leur tour les portes aux curieux. Les prochains grands projets? Maria Friedli les a déjà fixés; ils prendront forme en 2027, année qui verra la ville neuchâteloise érigée en capitale culturelle de la Suisse. «Ce sera l’occasion de placer Ekir dans la dynamique que va générer cet événement.» 

Pour soutenir Ekir: IBAN CH59 8080 8004 3434 6416 9. Contact: ekir01 [at] yahoo.fr (ekir01[at]yahoo[dot]fr)