Les négociations pour le renouvellement de la Convention nationale de la construction se sont achevées sans accord. Le bras de fer se durcit.
A l’issue de la cinquième et dernière ronde de négociations pour la nouvelle Convention nationale (CN) dans le secteur de la construction, qui s’est tenue le 28 octobre, aucun accord n’a été trouvé entre les partenaires sociaux. Les syndicats Unia et Syna dénoncent l’attitude de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), qui a encore durci ses positions, en proposant de réduire les salaires minimums de 25% pendant cinq ans après la fin de l’apprentissage. «Nous avons aujourd’hui 40% d’apprentis en moins qu’il y a dix ans, et 30% d’entre eux interrompent leur formation, rappelle Simon Constantin, membre du secteur construction d’Unia. On marche sur la tête! Les employeurs ne veulent pas régler les vrais problèmes que sont la pénurie de main-d’œuvre et la désertion de la profession.»
Cette crise du personnel dans la branche est largement reconnue, y compris par la SSE, dont la section des Grisons a commandé et publié une étude sur le sujet: «Le recrutement de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur principal de la construction pose de plus en plus de difficultés. […] Les longs temps de présence au travail augmentent la difficulté de concilier la vie professionnelle avec les obligations familiales et la vie sociale.»
Voilà pourquoi aujourd’hui, un travailleur qualifié sur deux quitte prématurément la branche, et même un sur dix dans les cinq ans qui suivent la fin de sa formation. «Les travailleurs de la construction n’accepteront ni le maintien des conditions délétères actuelles, ni la moindre dégradation supplémentaire de leurs conditions de travail. A défaut, la branche risque de s’effondrer», a déclaré Michele Aversa, coresponsable de la branche au syndicat Syna.
Travailleurs à bout
«Travailler plus pour gagner toujours moins, pour nous ce n’est pas une option», insiste Simon Constantin. Les syndicats ont proposé à diverses reprises des rondes de négociations supplémentaires, en vain. Les travailleurs ont donc opté pour des mesures de lutte. «Près de 20 000 travailleurs de la construction ont pris part à un vote sur la grève ces dernières semaines, soulignent les syndicats. Le résultat est sans ambiguïté: les 89% se sont prononcés en faveur d’une grève, en cas de blocage.» Le 20 octobre, 2500 maçons ont débrayé au Tessin. Suivront Berne, le 31 octobre, et toute la Suisse romande, les 3 et 4 novembre (lire encadré).
«Les travailleurs de la construction sont à bout, s’indigne Nico Lutz, négociateur en chef et membre du comité directeur Unia. Ils doivent assurer jusqu’à neuf heures de travail par jour dans la chaleur de l’été, sans même parler des heures supplémentaires ou des temps de déplacement jusqu’aux chantiers qui peuvent atteindre plusieurs heures. Si tant de monde quitte la branche aujourd’hui, cela n’a rien d’étonnant. Il faut améliorer la situation pour que les travailleurs de la construction qui bâtissent notre pays par tous les temps puissent avoir une vie de famille.»
Les maçons veulent plus de temps
Les revendications des maçons sont claires. Ils veulent d’abord imposer le paiement intégral du temps de déplacement entre l’entreprise et le chantier: aujourd'hui, celui-ci n’est rémunéré qu’après trente minutes et, contrairement à la loi, pas compté dans le temps de travail.
Ils exigent aussi une pause du matin payée, comme c’est la norme dans d’autres métiers depuis longtemps. Par ailleurs, ils veulent des journées de travail plus courtes: «Huit heures de travail pénible par jour, c’est suffisant», estiment Unia et Syna.
Enfin, ils revendiquent la compensation automatique du renchérissement pour préserver leur pouvoir d’achat.
«A écouter la direction de la SSE, les travailleurs de la construction n’auraient qu’à trimer encore plus longtemps chaque jour avec moins de salaire, soupire Simon Constantin. Jusqu’à cinquante heures par semaine, plus du double d’heures supplémentaires plus faiblement indemnisées, travail sur appel et suppression du supplément salarial général de 25 % pour le travail du samedi: voilà ce que proposent les employeurs, sans oublier la possibilité de licencier plus rapidement les travailleurs de plus de 55 ans…»
La CN, qui protège près de 80 000 travailleurs en Suisse, expire à la fin de l’année. Faute d’accord, la construction risque, pour la première fois depuis plus de dix ans, une situation de vide conventionnel. «Nous nous attendons à obtenir une solution avant la fin de l’année, conclut le responsable syndical. En tout cas, nous nous y engageons!»