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Un arrêt du Tribunal fédéral en faveur des droits syndicaux

L’action menée par Unia en juin 2016 à Genève visait à récupérer des salaires impayés de trois ouvriers de Zaim Création et Construction.
© Unia/archives

L’action menée par Unia en juin 2016 à Genève visait à récupérer des salaires impayés de trois ouvriers de Zaim Création et Construction.

Deux syndicalistes contestaient une décision de la justice genevoise de leur faire assumer des dizaines de milliers de francs de frais de procédure dans un litige avec un employeur

Une fois n’est pas coutume, le Tribunal fédéral donne raison à des syndicalistes. Dans un arrêt daté du 12 novembre dernier, les juges de Mon-Repos ont en effet accepté le recours de deux secrétaires syndicaux et annulé des frais de procédure que la justice genevoise avait mis à leur charge dans une procédure contre un employeur.

En juin 2016, Unia avait mené une action devant un restaurant du quartier de la Jonction à Genève. Défendant trois ouvriers, le syndicat réclamait quelque 40000 francs de salaires impayés pour des travaux de rénovation d’une villa à la société Zaim Création et Construction. Dûment autorisée, la manifestation était organisée devant cet établissement public parce qu’il avait appartenu à l’administrateur de cette entreprise avant qu’il ne la cède à son frère. L’entrepreneur s’y rendait en outre régulièrement. Soulignons aussi que le syndicat avait choisi l’option de la dénonciation publique par crainte d’une mise en faillite de la société. Actif dans de nombreuses branches, l’administrateur indélicat avait déjà plusieurs sociétés radiées ou liquidées à son bilan. Et, pour la petite histoire, c’est effectivement ce qui s’est passé, puisque Zaim Création et Construction Sàrl a été dissoute en octobre 2017.

Lien suffisamment étroit...

A la suite de l’action, qui s’est déroulée sans encombre, les deux frères avaient lancé des procédures pénales à l’encontre de deux secrétaires syndicaux d’Unia, José Sebastiao et Yves Mugny, pour divers griefs. Le Tribunal de police genevois ne retenait finalement que le délit d’injure et condamnait José Sebastiao à vingt jours-amendes. Cité par L’Evénement syndical, il avait évoqué, durant l’action, un «système de mafia organisé». De son côté, Yves Mugny était relaxé, mais la justice genevoise décidait de faire supporter de manière conjointe aux deux syndicalistes l’entier des frais de procédure, se chiffrant, avec les dépens, à des dizaines de milliers de francs, et de leur refuser toute indemnité. Aux yeux des juges du bout du lac, les secrétaires syndicaux étaient coupables d’avoir créé une confusion entre les deux frères, le restaurant n’ayant pas de lien direct avec la société de construction, et la manifestation constituait alors une atteinte illicite et fautive à la personnalité.

Les deux syndicalistes ont donc contesté ce jugement auprès du Tribunal fédéral, qui a joint les deux causes dans un même arrêt. Le recours d’Yves Mugny, qui, entretemps, est devenu permanent d’une autre organisation, Avenir syndical, est admis. Il existait en effet un «lien suffisamment étroit» entre le restaurant et l’employeur, «justifiant la tenue de la manifestation à l’endroit litigieux». De plus, les faits reprochés s’inscrivaient «dans le cadre des libertés d'expression et de réunion reconnues aux organisations syndicales». La cause est donc renvoyée à la justice genevoise. «C’est une très bonne nouvelle, se réjouit Me Olivier Peter, l’avocat d’Yves Mugny. Le Tribunal fédéral reconnaît la liberté de réunion et d’action syndicale, son importance, et annule une décision arbitraire, puisqu’elle mettait des frais de procédure et d’honoraires d’avocat à la charge d’une personne qui n’avait commis aucune infraction et n’avait rien fait d’autre que de participer à une manifestation syndicale autorisée.»

Cette exonération des frais et ces indemnités accordées ne sont pas négligeables. Avec les honoraires d’avocat, les sommes en jeu se montent à près de 100000 francs d’après Me Peter.

Priorité à la liberté syndicale

José Sebastiao, lui, n’obtient que partiellement gain de cause. Les magistrats de la haute cour jugent que, dans ce cas, la référence à une organisation criminelle comme la mafia atteint «une mesure excédant les limites acceptables de la polémique syndicale». Mais ce n’est pas l’essentiel pour l’intéressé: «Ce qui est intéressant, c’est que le tribunal a reconnu que la liberté syndicale primait sur la liberté économique. C’est un jugement qui nous offre des arguments et sur lequel nous pourrons nous appuyer par la suite dans d’autres interventions. Je regrette toutefois que les travailleurs n’aient toujours pas été payés», confie José Sebastiao.

«Notre collègue a pu dépasser les limites dans ses propos selon le tribunal, mais il travaille au quotidien pour la défense des droits des salariés et c’est cela qui compte, commente, de son côté, la secrétaire régionale d’Unia Genève, Anna Gabriel. La dénonciation pénale, mais aussi la réclamation des frais visait probablement à nous faire peur et à limiter notre action. La décision du Tribunal fédéral est dès lors très importante, elle fera peut-être réfléchir certains avant de lancer des poursuites. En tout cas, nous irons jusqu’au Tribunal fédéral chaque fois que nécessaire.»

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