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Renforcer la lutte contre la sous-enchère salariale

Le rapport fédéral sur la libre circulation montre la nécessité de maintenir les mesures d'accompagnement

Le rapport de l'Observatoire sur la libre circulation publié la semaine dernière conclut que le bilan de la libre circulation est globalement positif en terme de progression économique. Mais il atteste également l'existence d'une pression sur les salaires de certaines branches. Pour contrer ce dumping, l'Union syndicale suisse demande un renforcement des mesures d'accompagnement, via des sanctions et des contrôles plus dissuasifs. Et plaide pour des conventions collectives de travail (CCT) fixant des salaires minimums.

Dans le sillage du vote du 9 février sur l'immigration, le 10e rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes, rendu public mercredi dernier par le Seco (Secrétariat d'Etat à l'économie), était très attendu. Ce rapport établit un bilan globalement positif de la libre circulation, en particulier sur l'emploi et la croissance économique. Depuis 2002, le nombre d'actifs en Suisse a progressé de 624000 personnes (1,3% par année) dont près de la moitié sont des immigrés et des frontaliers. Cela n'a pas eu d'incidence sur le chômage qui, au contraire, était plus élevé avant l'introduction de la libre circulation. Cette dernière a également eu un impact bénéfique sur les assurances sociales, en particulier l'AVS dont les comptes, sans les émigrés, auraient accusé un déficit de 1,7 milliard de francs.

Salaire minimum en bouclier
Voilà pour le positif. En revanche, le rapport montre la persistance d'une pression salariale, notamment sur les salaires des étrangers sans formation postobligatoire ou titulaires d'un diplôme de degré tertiaire. Les contrôles effectués dans les entreprises et sur les chantiers continuent à mettre en lumière de nombreux cas de dumping, comme vient encore de le confirmer à Bâle l'affaire de la tour Roche (voir article en page 9).
Pour contrer les abus et faire respecter le principe selon lequel le travail dans nos frontières doit être payé avec des salaires suisses, l'Union syndicale suisse (USS) réclame le renforcement des mesures d'accompagnement, en particulier via la multiplication des contrôles et le durcissement des sanctions. Elle le souligne dans un communiqué diffusé le jour de la publication du rapport du Seco. «Dans les branches comme la construction ou le nettoyage, qui connaissent des conventions collectives de travail étendues (de force obligatoire), prévoyant des salaires minimums, il est possible d'infliger aux moutons noirs parmi les patrons des amendes pour sous-enchère salariale. Mais ceux-ci trouvent toujours de nouvelles méthodes quasi criminelles pour tourner les prescriptions en matière de salaire. C'est pourquoi les contrôleurs doivent pouvoir ordonner une suspension des travaux en cas d'infraction grave, afin de contraindre les entreprises coupables de dumping à changer immédiatement leur façon d'agir.»
L'USS rappelle également la nécessité de fixer des salaires minimums dans les conventions collectives. Car là où elles en sont dépourvues, comme dans le commerce vestimentaire ou dans l'horticulture, il est beaucoup plus difficile de faire la démonstration d'une sous-enchère salariale, faute de référence clairement chiffrée.

La politique du pire
Les pressions salariales seraient-elles moins fortes sans la libre circulation des personnes? Bien au contraire. Dans l'ancien système des contingents, le dumping était la règle. Preuve: les saisonniers gagnaient 13,6% et les frontaliers 7,2% de moins que les Suisses. Les propositions du Conseil fédéral pour la mise en œuvre de l'initiative contre «l'immigration de masse» renforceraient donc la sous-enchère. De plus, le marché des activités d'une durée maximale de trois mois resterait ouvert, «ce dont profiteraient les entreprises étrangères et les agences de travail temporaire», note le communiqué de l'USS. «Or c'est précisément ce type d'emploi qui s'illustre régulièrement aujourd'hui par des cas de sous-enchère salariale grossière.»
Le dumping nuit à l'ensemble du monde du travail. Il fait également le lit de la concurrence déloyale et de la précarisation des emplois. L'Union syndicale suisse insiste sur la nécessité de remédier à ce fléau. «Nous avons besoin de conditions de travail minimales, non discriminatoires, qui soient imposées à l'aide de mesures d'accompagnement efficaces. Ainsi les employeurs suisses ne doivent recruter du personnel à l'étranger que s'ils n'en trouvent pas en Suisse.»
Notons enfin que les milieux et partis favorables à l'initiative contre «l'immigration de masse» sont les mêmes qui, aujourd'hui, torpillent les mesures d'accompagnement. Ce qui revient au final à donner leur feu vert au dumping massif et à la fragilisation généralisée des salaires.

Pierre Noverraz