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Les électriciens ont enfin une nouvelle convention

Manifestation d'électriciens à Zurich.
© Manu Friederich

Une manifestation nationale historique à Zurich, en octobre 2023 devant le siège des associations patronales, avait été le point d’orgue d’une intense mobilisation.

Après trois ans de campagne et vingt-deux rondes de négociations, une nouvelle Convention collective de travail Electricité est sous toit, grâce à une intense mobilisation syndicale.

Un marathon. C’est ainsi qu’Unia qualifie ces trois années de bataille pour une nouvelle Convention collective de travail (CCT) Electricité. Depuis 2022, les électriciens, accompagnés des techniciens en bâtiment, ont mené campagne. Une pétition munie de 3500 signatures, une manifestation nationale réunissant 1200 professionnels et vingt-deux rondes de négociations ont permis d’aboutir à une CCT nationale de force obligatoire (hormis Genève et Valais qui ont leurs propres CCT cantonales). 

Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2026 pour une durée de quatre ans. Le 17 septembre, l’association patronale EIT.Swiss acceptait le résultat. Le 27 septembre, les délégués syndicaux de la Conférence nationale de la CCT Electricité faisaient de même. 

«C’est une campagne de longue haleine, inédite! Je n’avais jamais vécu ça! Nous sommes contents que cela ait été piloté par la base, que des comités de lutte aient été créés partout, avec la manifestation nationale en point d’orgue, pour un très bon résultat», résume Yannick Egger, coresponsable de la direction du secteur des arts et métiers à Unia. Il se réjouit que la campagne ait été également solidairement menée avec les techniciens du bâtiment des cantons de Fribourg, Neuchâtel et Jura (Vaud, Genève et Valais ont leurs propres CCT) en rappelant que tous ces métiers sont essentiels pour la transition énergétique, des panneaux solaires aux pompes à chaleur.

Davantage de vacances

Dès 2026, les salaires effectifs seront donc augmentés de 50 francs par mois, et les salaires minimums de 100 francs par mois en 2027, puis en 2029. «L’indexation est automatique jusqu’à hauteur de 1%», ajoute Yannick Egger. Les indemnités repas passent de 16 francs à 18 francs au minimum. Les électriciens bénéficieront également de deux à cinq jours de plus de vacances: soit 27 jours minimum jusqu’à 49 ans; 30 jours dès 50 ans. «Nous nous sommes battus pour six semaines de vacances pour tous. Nous n’y sommes pas arrivés, mais nous avons réussi toutefois à gagner quelques jours», ajoute le responsable syndical.

Les heures supplémentaires ne seront plus reprises ou payées mensuellement, mais annuellement. Ce point négatif est toutefois compensé par le fait que les heures supplémentaires dès 100 heures – et non plus 120 heures – seront payées avec un supplément de 25%. Par ailleurs, il est possible pour la moitié du solde de le prendre en congé. Le congé paternité est de surcroît amélioré avec 10 jours payés à 100% (au lieu de 80% tel que le prévoit la loi). Quant au temps de déplacement, «au contraire de la Convention nationale, les électriciens ont généralement leur temps de déplacement compté dans leurs heures de travail», explique Yannick Egger.

Manque de personnel

La pénurie de main-d’œuvre a été un levier important. «Le métier d’électricien arrive au 3e rang concernant la pénurie de personnel, derrière les infirmières et les informaticiens. Le “mercato” est intense. Ce qui fait que certaines entreprises augmentent pour certains le montant des salaires ou le panier repas. Concernant les vacances, c’est rarement négocié individuellement, rappelle Yannick Egger. C’est l’une des branches où il y a le plus de places d’apprentissage libres. Et pour 80% des patrons, selon une étude du KOF de Zurich, c’est un obstacle au développement de leur activité.»

Une enquête menée en 2021 sur les chantiers avait montré que près de la moitié des professionnels pensaient quitter la branche. Les raisons invoquées? Les salaires, plus bas que dans le gros œuvre, et la pression croissante des délais. 

«Vers 40-50 ans, il n’est pas rare que les électros choisissent un autre job dans la fonction publique, reprennent des études pour devenir ingénieur ou travaillent dans les secteurs internes de grosses boîtes de l’industrie», indique Yannick Egger. Et de conclure: «Le résultat obtenu est positif, mais tous les problèmes ne sont pas résolus. Nous allons notamment revenir sur la question de la retraite anticipée à 62 ans dont les patrons n’ont pas voulu parler, alors qu’elle existe dans les CCT cantonales dans les cantons de Vaud et du Valais. Pour les électriciens, majoritairement jeunes, la retraite leur semblait encore un peu abstraite. Pour les techniciens du bâtiment, on a réussi toutefois à obtenir la retraite anticipée dès 2028.» 

«La branche est sous tension»

Tout au long des négociations, un comité de délégués représentant chaque région a arbitré les discussions. Le président du comité vaudois des électriciens, Miguel Freitas Viveiros est l’un d’eux. La difficulté pour fixer un rendez-vous téléphonique illustre le stress et la charge de travail des électriciens. Il nous répond un samedi. «La semaine, je cumule les heures supplémentaires et je suis sous pression avec quinze personnes à gérer», raconte le travailleur. Il revient sur ces nombreuses séances zoom entre les vingt-deux rondes de négociations. «C’était très long et nous devions nous mettre d’accord avec nos collègues suisses-alémaniques et tessinois qui n’ont pas forcément les mêmes besoins. Mais globalement, c’est une belle réussite. Nous avons défendu nos convictions et nettement amélioré la CCT.» Petit bémol pour Miguel Freitas Viveiros: «J’aurais aimé obtenir les six semaines de vacances. Mais on y est presque…» Il se réjouit de l’augmentation des paniers-repas et de la diminution du temps de déplacement entre le domicile et l’entreprise pour y avoir droit. Soit de 20 à 15 minutes. «La durée de trajet supplémentaire, en début et en fin de journée, en fonction des aléas - en cas de bouchon, d’accident ou déviation pour cause de travaux par exemple - devra aussi être payée», explique-t-il.

Le professionnel tient à souligner que des améliorations sont encore nécessaires. «Avec la reconversion énergétique, la branche est sous tension. La pénurie de personnel est telle que beaucoup d’apprentis quittent le métier dès qu’ils ont leur CFC en poche. La pression des délais doit cesser. La fin du mandat devrait être modifiée quand on commence un chantier plus tard, parce que le permis de construire a pris du retard par exemple, ou alors quand on nous demande des travaux supplémentaires.» Et de conclure: «Nous avons encore besoin de monde qui se syndique, car l’union fait la force. Si chacun râle dans son coin sans se mobiliser, on n’arrivera pas à gagner les prochaines batailles.»

Lire aussi notre article sur le métier d'électricien.

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