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Le dessin dans la peau

portrait
© Olivier Vogelsang

L’artiste Gaëlle Garrocq a plusieurs cordes à son arc: illustratrice, graveuse, linograveuse et, plus récemment, tatoueuse, un parcours rempli de hasards et d’opportunités qu’elle a su saisir.

Dans son atelier de Vevey, Gaëlle Garrocq, artiste aux multiples casquettes, s’adonne à la linogravure et au tatouage. Rencontre.

Gaëlle Garrocq nous accueille dans son petit atelier, au cœur de Vevey, collé à celui de reliure artisanale où elle a travaillé pendant dix ans en tant que graveuse. Le parcours de cette Française de 45 ans est riche, comme si chaque expérience l’avait menée vers un nouveau chapitre de sa vie, faisant d’elle une artiste avec de nombreuses cordes à son arc. Illustratrice, graveuse, linograveuse, tatoueuse, Gaëlle Garrocq touche un peu à tout, mais aujourd’hui, son activité principale est l’enseignement de la linogravure à travers des ateliers.

A la mode
«C’est un art qui nécessite très peu de matériel, explique-t-elle. Pour une centaine de francs, on est équipé. Pendant la pandémie, il y a eu un regain d’intérêt pour la linogravure, car elle est assez accessible.» En quelques mots, la linogravure consiste à reporter un dessin sur une plaque de linoléum, composée de poussière de bois agglomérée sur une couche de toile de jute et recouverte d’huile de lin. Un matériau qui a remplacé le bois dans les maisons au siècle dernier. On va ensuite graver à l’aide de gouges, on applique de l’encre sur la matrice qui devient une sorte de tampon et on vient l’imprimer sur du papier, du bois ou du tissu (voir les étapes ci-dessous en photos). Un art qui nécessite beaucoup de patience.

Le dessin, une passion depuis toujours
«Je grave principalement sur du vinyle, car c’est beaucoup plus pratique, précise la Pyrénéenne d’origine. On vient à l’atelier pour me demander de produire des œuvres de toutes tailles, allant de la petite carte de visite aux plus grands formats, tels que des portraits ou des affiches. Mais le gros de mon activité est l’animation d’ateliers d’initiation pour transmettre mon savoir-faire.»

Grande amatrice d’Art nouveau et de gravure médiévale, Gaëlle Garrocq a trois grands thèmes de prédilection: les squelettes, les crânes, et les mains et les yeux, des symboles populaires mais «pour le côté célébration de la vie et de la mort, plutôt que pour le côté macabre». Elle est attirée par tout ce qui est naturaliste, notamment les insectes, les plantes et les animaux et, enfin, les portraits. Elle tient des cahiers remplis de dessins inspirés de vieilles photos de famille. «Déjà petite, je ne faisais que dessiner, et ça ne m’a jamais quittée. Ma mère raconte toujours que je collais mes dessins à même la tapisserie partout dans la maison.» Personne chez elle n’a la fibre artistique, et elle ne prendra jamais un cours de dessin.

Un parcours fait d’opportunités
Gaëlle Garrocq choisit plutôt d’étudier l’histoire et la littérature anglophones à Pau. Elle collabore alors avec La Dépêche du Midi. «J’ai commencé par le dessin humoristique, puis des portraits dans les tribunaux et enfin j’écrivais des portraits de personnes qui avaient des métiers d’art.» Quand elle arrive en Suisse il y a 17 ans, elle anime des ateliers de dessin et de peinture. «Je me suis formée à l’accompagnement et à l’animation à ce moment-là.» Alors qu’elle anime un atelier dans une institution pour personnes âgées, elle tombe par hasard sur son premier kit de linogravure, et c’est comme une évidence.

Le chemin vers le tatouage
Une opportunité en amenant une autre, Gaëlle Garrocq se lance en 2020 dans le tatouage. «Les gens me demandaient des dessins pour se les faire tatouer ensuite. J’ai donc fini par tatouer moi-même.» Elle pratique alors des heures durant, notamment sur son propre corps, qui en accueille aujourd’hui une trentaine. Elle décalque ses dessins sur un stencil ou bien elle pratique le lino-tatouage, le tattoo au tampon. L’important pour elle, c’est de rester fidèle à son style. «Tout ce qui a trait à la gravure me fascine.»
Gaëlle Garrocq en a encore sous la pédale, notamment un projet de livre destiné aux adultes et aux enfants, mais aussi celui de s’exporter ailleurs en Suisse pour transmettre sa passion pour la linogravure. Affaire à suivre, donc…

Atelier, boutique et tatouage: rue du Torrent 6, à Vevey.

Plus d’infos et dates des ateliers à venir sur sa page Instagram

 

«Il faut composer avec l’IA»

Comme tous les artistes, Gaëlle Garrocq est confrontée à la «concurrence» de l’intelligence artificielle (IA), très performante dans les domaines de l’illustration. «Cette dernière peut proposer des choses très intéressantes, et elle a même un côté chouette si c’est assumé. Finalement, ce n’est qu’un pas de plus, et elle fait partie des technologies avec lesquelles on doit composer aujourd’hui.»

Pour notre linograveuse, les gens conservent de l’intérêt pour l’artiste, plus que pour le résultat, et ça la rassure. «On vient nous voir pour avoir une pièce spéciale, qui nous correspond. Ce qui me rend triste, en revanche, ce sont les communes qui font des affiches avec l’IA plutôt que de recourir à des photographes ou des artistes locaux.» 

L’influence de l’artiste va plus loin. «On a un certain pouvoir et il faut en user pour transmettre des idées et dire qu’on n’est pas toujours d’accord avec ce qu’il se passe.» Produire des affiches et des gravures en soutien à la Palestine, ou encore organiser des journées de tatouages dont les fonds ont été versés à des associations pour aider sur place, voilà comment Gaëlle Garrocq utilise son art comme une arme. MT

Pour aller plus loin

Facteur de merveilleux

Sébastien Perroud

Des créatures étranges, corps d’humains et têtes d’animaux ou vice-versa, des véhicules aux allures de gros insectes, des robots géants, articulations d’acier, visages effacés...

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