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La fluidité du trafic a primé sur les intérêts des maçons

Condamnés pour le blocage d'une autoroute, des dirigeants d'Unia perdent leur recours

Le 4 novembre 2002, quelque 15000 maçons ont fait grève en faveur de la retraite anticipée à 60 ans. Au tunnel du Baregg, dans le canton d'Argovie, la circulation a été bloquée et quatre dirigeants d'Unia condamnés à des amendes pour ce fait. Recourant contre cette décision, les plaignants n'ont pas été entendus. Le Tribunal fédéral vient de confirmer la sentenceà trois voix contre deux. La légalité et la légitimité de la grève n'ont en revanche pas été remises en question.

T-shirts et drapeaux aux couleurs d'Unia, distribution de café et biscuits: ambiance singulière le 3 avril dernier devant le Tribunal fédéral à Lausanne. Sur les marches du Palais de justice, sous une pluie intermittente, une centaine de travailleurs de la construction à la retraite se sont rassemblés pour soutenir des dirigeants du syndicat. Ceux-ci - à savoir Vasco Pedrina, Hansueli Scheidegger, Rita Schiavi et Michael Von Felten - ont été condamnés à des amendes pour avoir bloqué la circulation au tunnel du Baregg le 4 novembre 2002 dans le cadre de la grève nationale des maçons. Recourant contre ce jugement, ils ont porté l'affaire devant le Tribunal fédéral. «Si jamais ils vont au clou, on leur portera des oranges», plaisante Luigi même s'il trouve ce procès inadmissible. «La justice devrait être contente que ça bouge en Suisse. Mais non...» renchérit cet ancien militant avant de pénétrer dans la salle d'audience, ouverte au public.

Des moyens jugés disproportionnés
Les palabres durent deux bonnes heures. Les discussions portent essentiellement sur la proportionnalité des moyens mis en œuvre pour atteindre le but poursuivi, à savoir l'obtention, par le biais de cette grève, de la retraite flexible (voir encadré). Les juges évoquent tour à tour la question de la liberté de rassemblement, la prise en otage des automobilistes qui seront bloqués près d'une heure et demie durant au tunnel du Baregg, le caractère licite ou non de cette contrainte... Enfin, le verdict tombe. Le tribunal confirme - à trois voix contre deux - la condamnation à des amendes des syndicalistes, estimant que la grève et la perturbation du trafic qu'elle a induite ne respectaient pas le principe de proportionnalité. Une courte majorité de la Cour a ainsi évalué que le droit des automobilistes de circuler sans entraves était plus élevé que les droits de grève et de rassemblement. «Selon cette argumentation, le Tribunal fédéral devrait carrément interdire l'Euro 2008 parce que là aussi, il va y avoir des bouchons. Et personne ne souhaite en arriver là», a critiqué avec humour Rita Schiavi, membre du comité directeur d'Unia. Un raisonnement partagé en substance par deux des juges qui réclamaient l'acquittement.

Le droit de grève confirmé
«Je suis toujours autant convaincu que cette action était justifiée. Grâce au Baregg, les travailleurs ont vu leur rêve se réaliser» a déclaré Vasco Pedrina, ancien coprésident d'Unia, à la sortie de l'audience. Remerciant les militants pour leur présence, ce dernier a rappelé l'importance de la victoire pour la retraite anticipée à 60 ans, «victoire comparable à l'introduction de la première semaine de vacances en 1944 ou celle de cinq jours, dans les années 60. Même le Tribunal fédéral ne peut nous enlever cette victoire.» Si Vasco Pedrina s'est dit déçu par le verdict, il a néanmoins exprimé sa satisfaction en ce qui concerne la confirmation par la justice de la légalité et la légitimité de la grève. «Ce droit est reconnu. La lutte paye. Des facteurs très importants pour l'avenir social de ce pays.» Un point positif également souligné par Paul Rechsteiner, président de l'Union syndicale suisse qui par ailleurs a aussi estimé que sans blocage, l'objectif n'aurait pas été atteint. Rappelons que la grève nationale du 4 novembre 2002 avait été menée suite au volte-face de la Société suisse des entrepreneurs sur la retraite anticipée. Cette dernière l'avait d'abord adoptée avant de se dédire.

Sonya Mermoud



Grâce au Baregg!

Acquis historique en matière de politique sociale, la retraite à 60 ans dans la construction est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. Depuis les travailleurs du secteur peuvent choisir librement à quel âge ils souhaitent interrompre leur activité. Quelque 5800 d'entre eux ont déjà opté pour cette solution et plus de 600 millions de francs de rente ont été versés. Cet acquis est directement lié à l'action au tunnel du Barreg, qui s'est inscrite dans le cadre de la grève nationale des maçons, le 4 novembre 2002. Suite à ce débrayage - le premier organisé à l'échelle nationale dans le secteur depuis 55 ans et suivi par 15000 maçons - les entrepreneurs ont accepté, le 12 novembre 2002, le modèle de retraite anticipée: un accord qu'ils avaient déjà convenu quelques mois plus tôt avant de faire marche arrière.

SM