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Genève a mal à ses organisations internationales

Manifestants portant des pancartes
© Thierry Porchet

Des employés des différentes agences des Nations Unies sont descendus dans la rue le 1er Mai.

 

Les coupes budgétaires imposées par l’administration américaine provoquent une vague inédite de licenciements et l’arrêt immédiat de programmes d’aide humanitaire. Les employés manifestent enfin.

Et si Genève était en train de perdre cette étiquette qui contribue grandement à sa renommée dans le monde? Sa dimension «internationale» qui lui vaut d’être considérée comme ville de paix est en tout cas mise à mal par les coupes drastiques que l’administration de Donald Trump a décidé d’appliquer de manière unilatérale, et sans réel préavis, auprès des organisations humanitaires. Dans les couloirs des Nations Unies, on évoque déjà un tremblement de terre d’une intensité inconnue à ce jour: la perspective d’une vague de licenciements touchant 20000 employés dans le monde se profile à l’horizon. Et avec elle, c’est l’arrêt immédiat d’un nombre considérable de programmes d’aide qui sont stoppés tout aussi brutalement. Alors, cette ville dans la ville que constitue l’écosystème des organisations internationales tente de réagir, d’exprimer ses inquiétudes et sa colère. Elle l’a fait pour la première fois publiquement – c’est un fait historique – à travers un communiqué rappelant, le 28 avril dernier, que «le personnel des Nations Unies n’est pas une marchandise, nous défendons l’humanité». Elle l’a réitéré à travers une manifestation qui s’est tenue le 1er mai sur la place qui jouxte la grande organisation, et qui a réuni près de 200 personnes. 

Inquiétude et anxiété

«Cette mobilisation est une réussite, car nous n’avons pas l’habitude de prendre la parole pour défendre nos positions», indique au téléphone Séverine Deboos, du syndicat du personnel de l’Organisation internationale du travail (OIT). «Chaque structure onusienne a son propre fonctionnement et ses représentants du personnel, mais nous avons néanmoins réussi à nous unir et à faire passer un message important. Nous sommes plongés dans des temps de grande incertitude et cela génère beaucoup d’anxiété.» La parole portée dans l’espace public par les employés a permis de préciser les contours d’un plan d’économies dramatique, qui touchera chaque agence de l’ONU. Pour l’OIT, on parle de près d’un poste sur dix supprimé, soit 250 personnes dans le monde. «A ce jour, environ 180 licenciements ont déjà été prononcés dans notre périmètre», précise la représentante syndicale. Ailleurs, au sein de l’UNICEF, les coupes budgétaires seront de l’ordre de 20%, tandis que le Programme alimentaire mondial (PAM) devra réduire ses effectifs de 25% à 30% et que le HCR, agence des Nations Unies pour les réfugiés, sera amputée de 30% de son personnel.

Ces restructurations imposantes toucheront des travailleuses et des travailleurs dont on connaît peu ou mal les conditions qui les relient à l’employeur. «On croit souvent que nous faisons partie d’une catégorie privilégiée, souligne Séverine Deboos. Il est vrai que nous bénéficions de prestations correctes. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a chez nous des employés dont le contrat est prolongé d’année en année. Ils sont là parfois depuis plus de vingt ans et travaillent dans l’incertitude. L’arrêt du contrat ne leur donne accès à aucun droit, à aucune indemnité particulière, à aucun filet. Actuellement, nous essayons d’améliorer cet état de faits, sachant que, pour beaucoup de personnes travaillant à Genève depuis longtemps, installées ici avec leurs familles, il s’agira de quitter les lieux du jour au lendemain.» 

Restructuration drastique

Pour ces sortants, aux profils et aux compétences très spécifiques, il est difficile aujourd’hui d’imaginer une réinsertion dans le domaine des organisations internationales. Car l’heure est plus que jamais à la quête désespérée des doublons, des portions de «graisse» faciles à couper, ou encore à la recherche d’une plus grande efficacité administrative et opérationnelle. «C’est une volonté que nous percevons clairement depuis la direction», explique Séverine Deboos. Cette doctrine prolonge d’une certaine manière celle qu’a voulu appliquer l’actuel secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, lorsqu’il était à la tête du HCR, entre 2005 et 2014. Alors, sous la pression des pays donateurs, il avait mis en œuvre une restructuration drastique pour alléger un appareil administratif perçu comme pachydermique. L’idée était de donner davantage d’agilité à l’action sur le terrain. Cette réforme n’a pas résisté sur le long terme: avec le temps, le HCR a fini par retrouver ses rouages et son fonctionnement traditionnel. Une nouvelle tentative, sur une échelle autrement plus vaste, est appliquée aujourd’hui et provoque une saignée qui restera à jamais dans les annales.

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