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«Ce sont les pierres qui me choisissent»

David Sarrasin
© Olivier Vogelsang

On connaissait le chien saint-bernard et son tonnelet accroché au cou. On découvre la cloche de vache cache à bouteille...

Des bacs et vases à fleurs, des rangées de vasques pour salles de bain, des assiettes et plats de différentes dimensions, des statues, des supports pour bouteilles, des couteaux, des jeux du moulin... Autant d’objets hétéroclites, la plupart utilitaires, reliés par un point commun: tous sont en pierre. Un matériau qui fascine David Sarrasin depuis l’âge de 15 ans. Dans la halle qu’il a construite avec un autre exploitant et qui lui sert d’atelier et de salle d’exposition, l’homme de 55 ans raconte: «Je rêvais de devenir cuisinier, mais mon père s’y est opposé. Il faut accepter ce que disent les parents.» Bon fils, le natif d’Orsières, en Valais, effectue alors un CFC en maçonnerie. Se passionne pour le travail. Et se lance à son compte à l’âge de 20 ans, n’entendant pas dépendre d’un patron. Durant son apprentissage, il a appris à monter des murs en pierres sèches. Une technique qu’il perpétue, comme en témoigne un bar en forme de fer à cheval et des pans de parois visibles dans le vaste espace qu’il occupe à temps partiel.

Respect de la forme originale

«L’été, je travaille pour mon entreprise», explique l’artisan, confiant, après des années dans la construction, avoir le corps «qui grince de partout». L’hiver, l’homme se consacre à ses créations. Des pièces qui ont toutes été réalisées avec des roches de la région prélevées dans le lit de la rivière de la Dranse et le val Ferret. Et le passionné, passant d’un objet à l’autre, de s’émerveiller constamment devant ses trouvailles, de la variété des calcaires, de leurs couleurs, des veinages, des granits du Mont-Blanc... Non sans préciser: «Ce sont les pierres qui me choisissent. Qui me parlent. Leur forme m’inspire leur devenir. La nature fait la plus grande partie du travail.» David Sarrasin va ainsi respecter leur aspect original et l’adapter à la finalité entraperçue. De la diversité à la clé, entre lavabos, cloche de vache dans lequel se glisse une bouteille, sucrier, fontaines, stèles funéraires... et même un urinoir. «Je fais de tout. J’invente chaque jour», poursuit, volubile, le manuel, qui se charge aussi de recycler des ardoises de toits de raccard en transformation pour les changer en vaisselles. Et admirant, dans ce cas encore, les veines de quartz qui font de chaque pièce un exemplaire unique. 

Petit bout d’Alpes

David Sarrasin détaille encore les différents gestes du métier entre carottage, découpe, bouchardage et finitions. Et note avec fierté qu’il ne possède aucune machine numérique. Travaillant actuellement à la réalisation d’une assiette, il revêt un équipement de protection, puis, une meule à disque à la main, poursuit le débitage de la pierre en transformation. Une opération qu’il réalise dans la cour extérieure jouxtant la halle où sommeillent des stocks de roches. En cette journée ensoleillée mais soumise à un foehn violent, l’homme, encerclé par les montagnes, manie avec adresse son outil. Et rabote, force à l’appui, ce petit bout d’Alpes dans un bruit infernal, produisant un épais nuage de poussière dissous par les impétueuses rafales. Son fils Brice, 27 ans, qui travaille avec lui fera une démonstration de la phase de polissage. «Pour une assiette moyenne, il faut compter quatre heures et environ six heures pour une taille standard», souligne le jeune homme, protégé par un tablier de l’eau giclant de tous côtés. «Les différentes couleurs de disques abrasifs servent à identifier la dureté des diamants. Il faut compter jusqu’à huit passages successifs en changeant de disque pour ôter l’ensemble des marques et obtenir un résultat optimal», ajoute Brice Sarrasin, partageant la passion inspirante de son père. «Il est parti de rien, il a tout construit de ses mains», note-t-il, de l’admiration dans la voix tout en continuant sa tâche.

Magique...

«C’est magique de voir apparaître les veines du quartz. On ne sait jamais qu’elle couleur va surgir. On trouve une roche et on la sublime», s’enthousiaste le jeune Valaisan, bien décidé à poursuivre dans la voie tracée par son géniteur. Et cela alors qu’il a effectué un CFC de cuisinier, poussé par sa mère, avant celui de maçon, dans un étrange croisement de chemins contrariés, son père ayant été lui aussi détourné de son premier choix de profession. «J’aime toutefois bien la cuisine. Je ne regrette pas, mais mon truc, c’est la pierre. Je veux continuer dans ce domaine et gagner ma vie comme artiste», ajoute celui qui œuvre également sur les chantiers dans l’entreprise paternelle. Rien d’étonnant. Chez les Sarrasin, on est très famille. Et tous les membres s’entraident et participent aux activités plurielles de la maisonnée entre travail de la vigne, encavage ou encore, durant la belle saison, la gestion d’une buvette d’alpage. Epaulant sa fille aux fourneaux, David Sarrasin se transforme alors en aide-cuisinier et affineur de fromages. De quoi concilier ses multiples centres d’intérêts, le maçon et artisan faisant volontiers d’une pierre plusieurs coups... 

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