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Balade horlogère à "Plan-les-Watches"

Visite devant le bâtiment Rolex.
© Olivier Vogelsang

La commune de Plan-les-Ouates concentre dans sa zone industrielle les manufactures de haute horlogerie genevoise comme Rolex. Emmené par la guide Gaëtane Chacon, le public a pu participer à une «balade horlogère» les 22 et 23 octobre dernier.

Il y a moins de trente ans, les champs et les espaces non bâtis s’étendaient autour de Plan-les-Ouates. Cette commune de la campagne genevoise a vu depuis sortir de terre toute une zone industrielle à ses abords. Sur 62 hectares, la Zone industrielle de Plan-les-Ouates (Ziplo) accueille aujourd’hui 600 entreprises employant environ 11000 personnes. Ce n’est pas le seul site industriel dont dispose le canton du bout du lac, évidemment, mais l’une de ses spécificités est de concentrer une cinquantaine de sociétés actives dans l’horlogerie et la microtechnique. En l’espace d’une génération, «Plan-les-Watches» s’est transformé en un pôle de l’horlogerie suisse. Les 22 et 23 octobre dernier, la commune a mis en avant ce qui est devenu son patrimoine au travers de «Journées du savoir-faire horloger». Les manufactures de haute horlogerie ont ouvert leurs portes et plus de mille personnes se sont déplacées pour des visites, des conférences et des ateliers.

Bâtiment Patek Philippe.
Avec ses coursives, le «Paquebot» de Patek Philippe rappelle les ponts d’un navire de croisière. © Olivier Vogelsang

 

Première division du travail

Avec une douzaine de curieux, nous avons participé à une «balade horlogère» animée par Gaëtane Chacon. Cette guide diplômée de l’Université de Genève a entamé cette promenade dans la Ziplo en évoquant l’histoire de l’horlogerie dans la Cité de Calvin. Avec l’adoption de la Réforme en 1535 et les guerres de religion en France, Genève est devenue un refuge pour les huguenots qui ont amené dans la ville leur savoir-faire horloger. Manquant de travail en raison de l’austérité imposée par le réformateur Jean Calvin, les orfèvres genevois ont pu ainsi se reconvertir dans cette branche. «Pour devenir compagnon, il faut suivre un apprentissage de quatre à cinq ans. Ensuite, les meilleurs peuvent tenter de passer la maîtrise professionnelle, établie dès 1601, pour devenir maître-horloger», explique Gaëtane Chacon. Au XVIIIe siècle, ce que l’on appelle alors la «fabrique» est connue dans l’Europe entière, c’est l’âge d’or de l’horlogerie genevoise. «Sur quelque 26000 habitants, 4500 à 5000 travaillent dans la fabrique, auxquels il faut rajouter ceux qui, en France voisine, dans le Faucigny et le Pays de Gex, réalisent les ébauches.» Le finissage est exécuté en ville dans de petits ateliers dénombrant une dizaine d’horlogers au maximum et installés souvent au dernier étage des maisons pour profiter de la lumière. Avant la révolution industrielle, la fabrique genevoise se caractérise par la division du travail, une bonne partie des opérations sont réalisées à domicile par ces «cabinotiers».

Bâtiment Rolex.
La façade sombre de Rolex cache une fonderie d’or et une réserve où toutes les pièces de la marque à la couronne sont stockées. © Olivier Vogelsang

 

Patek Philippe, la première manufacture

En 1839, deux horlogers ayant fui la répression de l’insurrection polonaise se retrouvent à Genève et s’associent. Après quelques péripéties et l’arrivée de nouveaux associés, Patek Philippe verra le jour quelques années plus tard. Le succès de ses montres de poche assurera le démarrage de la marque arborant la croix de Calatrava. Patek Philippe est justement l’objet du premier arrêt de notre promenade. «Alors qu’il n’y avait ici que des champs, Patek a construit une première manufacture en 1996», relate notre guide.

Si la Ziplo a été créée en 1969, il a, en réalité, fallu attendre 1993 et l’ouverture de l’autoroute de contournement pour que des entreprises à forte valeur ajoutée s’installent sur le site. La voie rapide relie en effet la zone à l’aéroport et à la Suisse, d’un côté, et, de l’autre, à la douane de Bardonnex. 6000 personnes travaillant à Plan-les-Ouates sont domiciliées de l’autre côté de la frontière.

Bâtiment Harry Winston.
Présente dans la joaillerie et l’horlogerie, la marque Harry Winston appartient au groupe Swatch. © Olivier Vogelsang

 

Un Paquebot de 189 mètres de long

Ce n’est toutefois pas devant le bâtiment de 1996 que nous nous trouvons, mais face à la nouvelle manufacture inaugurée début 2020. Impressionnant, le bâtiment se détache avec ses 189 mètres de longueur sur 67 mètres de largeur et une hauteur de 34 mètres. Surnommé le «Paquebot» pour ses coursives et ses escaliers rappelant les ponts d’un navire de croisière, l’immeuble de dix niveaux, dont quatre en sous-sol, a coûté la bagatelle d’un demi-milliard de francs. Patek Philippe y a installé son siège social. Si certaines pièces sont toujours fabriquées dans l’Arc jurassien, trois niveaux sont dévolus à la production et au service après-vente. «Patek s’engage à réparer toutes les montres réalisées depuis sa création, ce qui implique dans les 90000 interventions chaque année pour 50000 à 60000 nouvelles pièces produites», indique Gaëtane Chacon.

Rappelons au passage que l’entreprise a défrayé la chronique horlogère au printemps. Soutenus par Unia, des salariés ont dénoncé les conditions de travail délétères qui régnaient dans les ateliers. Face à la presse, une travailleuse a témoigné de la brutalité avec laquelle on l’a mise à la porte: «C’était l’heure de la pause de l’après-midi, on m’a humiliée en me faisant défiler devant tout le monde le long du couloir de 180 mètres du Paquebot.» La direction de Patek Philippe s’est depuis excusée et engagée à identifier les problèmes et à favoriser le dialogue.

Bâtiments Vacheron Constantin.
Chez Vacheron Constantin, un nouveau bâtiment, à gauche, s’est ajouté au premier édifice en utilisant les mêmes matériaux. © Olivier Vogelsang

 

Le coffre-fort de Rolex

Après la venue de Patek Philippe, les autorités ont encouragé d’autres entreprises horlogères à s’installer dans la Ziplo. Plusieurs ont alors suivi l’exemple de la marque connue pour ses complications en fermant des sites disséminés dans la ville. A l’instar de Rolex, dont le bâtiment voisin de celui de Patek Philippe apparaît plus modeste. Ses six ailes reliées par un axe central culminent tout de même à 30 mètres de hauteur et s’alignent sur plus de 130 mètres, nous apprend notre guide. Le pionnier de la montre-bracelet étanche est installé à Genève depuis que Hans Wilsdorf y a posé ses valises en 1914. A l’orée du XXIe siècle, la marque à la couronne a réorganisé sa production. Par le rachat de sous-traitants, le nombre de ses sites genevois était monté à 19, il n’y en a désormais plus que trois: le siège mondial, sis aux Vernets, où est basé la recherche et le développement, et deux sites de production, à Chêne-Bourg, qui accueille la fabrication des cadrans et le sertissage, et Plan-les-Ouates, qui regroupe la production des boîtiers et des bracelets, du coulage de l’or au façonnage des matériaux en passant par l’usinage, le polissage et la finition des composants. Notons que la production des mouvements est située à Bienne. Toutes les pièces sont stockées dans les sous-sols de Plan-les-Ouates où des robots se chargent de les faire monter depuis ce véritable coffre-fort vers les étages supérieurs. Cette restructuration n’a pas empêché Rolex de devenir le premier employeur de Genève avec 4500 collaborateurs. Au total, l’horlogerie genevoise employait 10300 personnes en 2019, plaçant le canton en troisième position après Neuchâtel (15900) et Berne (10600).

Gaëtane Chacon nous emmène ensuite devant la manufacture de Harry Winston. Active tout à la fois dans la joaillerie et dans l’horlogerie, la société appartient au groupe Swatch et elle est dirigée par Nayla Hayek. Le site est composé de deux immeubles en enfilade, l’un pour la production et l’autre pour l’administration, reliés par des passerelles.

Bâtiment Frédérique Constantin.
La manufacture de Frédérique Constant abrite à l’arrière de son immeuble celle d’Alpina. © Olivier Vogelsang

 

La plus ancienne manufacture est la plus moderne

Un peu plus loin, Vacheron Constantin a aussi réuni son siège administratif et ses activités manufacturières. «Fondée en 1755, elle est considérée comme la plus ancienne des manufactures», indique la guide. Le nouveau site de la marque portant la croix de Malte est toutefois des plus modernes. Edifiés en deux temps, les deux bâtiments conçus par Bernard Tschumi se différencient de l’architecture monumentale contemporaine des manufactures voisines. Inauguré en 2005, le premier est constitué d’une enveloppe d’acier courbée. Quelques années après, Vacheron Constantin a encore fait appel à l’architecte lausannois. Pour le second immeuble, les mêmes matériaux sont utilisés, mais la forme est différente. Là encore, des grandes baies vitrées apportent la lumière du jour à l’intérieur des locaux.

Nous traversons ensuite l’Espace Tourbillon. Ce dernier projet d’envergure de la Ziplo est presque achevé, ses cinq bâtiments vont offrir près de 100000 m2 de surfaces aux entreprises, en particulier aux sociétés de microtechnique et aux sous-traitants de l’industrie horlogère. En 2023, une nouvelle ligne de tram reliera le site à la gare de Lancy-Pont-Rouge.

A côté de l’Espace Tourbillon, on trouve les manufactures de Frédérique Constant et d’Alpina. Les garde-temps des deux marques genevoises propriétés du groupe japonais Citizen sont entièrement fabriqués ici.

Bâtiment Piaget.
L’entrée des ateliers de Piaget, spécialisés à Plan-les-Ouates dans l'orfèvrerie et la joaillerie. © Olivier Vogelsang

 

Les roses de Piaget

La balade se termine devant Piaget. Gaëtane Chacon nous fait remarquer les parterres de roses à l’entrée. «Yves Piaget, l’ancien président, était un amateur de roses, il fut longtemps le président du jury du Concours international de roses nouvelles de Genève.» En 1988, le descendant de la dynastie de la Côte-aux-Fées (NE) a cédé sa marque élégante au groupe Richemont.

Le groupe détient également Vacheron Constantin et deux autres marques disposant d’un site sur le canton, à Meyrin, Roger Dubuis et Baume & Mercier.

Toutes ces manufactures entretiennent des liens forts avec l’Arc jurassien où elles s’approvisionnent en fournitures.

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