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Victoire d’étape pour les frontaliers

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© Olivier Vogelsang

La mesure combattue par les frontaliers, avec le soutien des syndicats, aurait entraîné une perte moyenne de l’allocation chômage allant de 11% à 45% selon le pays d’emploi (photo: douane de Bardonnex).

Le projet de loi français qui prévoyait de revoir les indemnités de chômage des frontaliers à la baisse a été partiellement abandonné. Aux côtés de la CGT, les syndicats des pays voisins, dont Unia, s’en réjouissent et restent mobilisés.

C’est un soulagement pour les travailleurs frontaliers résidant en France. Alors qu’ils étaient directement menacés par la réforme de l’assurance chômage française, la partie qui prévoyait la révision à la baisse de leurs indemnités a été écartée. Les syndicats qui s’opposent à cette «casse des droits», à savoir la CGT française et, à ses côtés, les suisses Unia, USS, SSP et Sit, le luxembourgeois OGBL et le belge FGTB, saluent une première victoire et assurent que la lutte continue.

Rappelons brièvement les faits: mi-novembre, un accord sur la réforme de l’assurance chômage est signé par les partenaires sociaux français. Celui-ci censé entrer en vigueur en avril 2025, prévoit notamment des dispositions particulières pour les travailleurs frontaliers ayant perdu leur emploi en Suisse, au Luxembourg, en Belgique ou en Allemagne, à savoir l’instauration d’un coefficient basé sur le ratio entre le salaire moyen en France et le salaire moyen dans le pays d’emploi. Une mesure qui aurait entraîné une baisse de l’allocation moyenne de 45% pour les frontaliers ayant travaillé en Suisse, 32% au Luxembourg et 11% en Belgique. «Autrement dit, pour déterminer l’allocation française de chômage, un salaire suisse de 1000 euros deviendrait 550 euros, un salaire luxembourgeois de 1000 euros deviendrait 680 euros, un salaire belge de 1000 deviendrait 890 euros», précisent les syndicats, dans un communiqué de presse commun publié le 10 décembre.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les frontaliers chômeurs soient contraints d’accepter un emploi à un salaire moindre que la rémunération perdue dans le pays d’emploi. «Au total, les frontaliers au chômage devaient supporter à elles et eux seuls 1,4 milliard d’euros d’économies dans les quatre prochaines années.»

Le texte devait être agréé par un décret avant la fin de l’année. Mais grâce à la mobilisation des frontaliers et de leurs représentants, qui ont interpellé les élus locaux et les gouvernements sur le caractère illégal et injuste de cette mesure, la ministre du Travail a récemment fait savoir que la question du coefficient minorant serait laissée de côté. «C’est bien le moins: une telle discrimination aurait été inacceptable!» commentent les syndicats.

Le combat se poursuit

S’ils se réjouissent de cette victoire d’étape, les syndicats restent vigilants et mobilisés. «Les autres mesures ne sont pas pour autant acceptables: ce sont des menaces de radiation pour forcer à accepter des emplois très loin de sa qualification et de sa rémunération précédente ou encore des pertes sèches sur la durée d’indemnisation, qui affectent tous les 53 à 57 ans, frontaliers ou non.»

Pour eux, il est urgent qu’une solution soit négociée entre les Etats autour du Règlement européen 883/2004, qui encadre le chômage de ces travailleurs, afin que la France soit mieux indemnisée par les pays limitrophes. 

«Depuis 2016, ce Règlement a fait l’objet de propositions de révision, propositions à ce jour non abouties, soulignent les auteurs du communiqué de presse. Dans l’attente, nous estimons que les travailleurs frontaliers n’ont pas à être victimes de la lenteur des négociations entre Etats. Nos organisations appellent ceux-ci à nous rejoindre pour continuer d’organiser des actions de protestation, après le gain de cette première manche!»

Cette victoire, c’est aussi le succès de la lutte solidaire. «Ensemble, nous sommes plus fortes et plus forts: voilà notre ADN, voilà notre puissance», réagit Marie Saulnier Bloch, du département politique d'Unia. «Ce dossier en est une nouvelle illustration: face à l'arrogance de nos adversaires, la lutte solidaire a porté ses fruits. Nous représentons et nous défendons l'intérêt de la classe des travailleuses et des travailleurs: nous savons bien que toute attaque sur les droits et les acquis d'une partie d'entre nous est une manoeuvre pour nous diviser et, par conséquent, nous affaiblir. Le patronat, de part et d'autre de la frontière, sait très bien comment exploiter notre force de travail et faire des profits sur notre production. Unia soutient ses membres, quels que soient leur nationalité, leur lieu de domicile ou leur langue, et lutte proactivement contre le dumping social et salarial. Aux côtés de nos collègues de la CGT, de l'OGBL et de la FGTB, avec le SSP, la CGAS et le Sit, Unia a gagné cette première manche. Dans le combat qui se poursuit, notre détermination et notre engagement comme notre solidarité ne faibliront pas.» 

«Méfions-nous d’une nouvelle entourloupe»

Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT et responsable de la protection sociale, répond à nos questions.

Qu’est-ce qui a fait plier le gouvernement français?

Deux éléments ont été déterminants. D’abord, l’illégalité du mode de calcul, un tel coefficient ayant déjà existé par le passé dans un règlement européen annulé en justice, et, ensuite, la formidable mobilisation de nos syndicats en Suisse, au Luxembourg, en Belgique et en France, ainsi que d’associations de frontaliers. Des élus ont été saisis, la colère était très grande: à toute vitesse dans un contexte politique français très fragile, le gouvernement a battu en retraite. 

Quels sont les points sur lesquels les syndicats devront être vigilants?

Le décret qui met en œuvre les nouvelles règles doit être publié avant le 31 décembre 2024 par le nouveau gouvernement. Méfions-nous d’une nouvelle entourloupe tant que cela n’est pas fait. Par ailleurs, nous aurons un délai de deux mois pour saisir la justice afin de contester des dispositions du texte final. Nous sommes entrain d’y réfléchir. 

La CGT est le seul syndicat à s’être opposé à cette réforme: pourquoi?

Il faudrait leur poser la question. La CGT est la seule organisation à rassembler les chômeurs dans une structure spécifique pour défendre leurs droits particuliers. Nos collègues, en souhaitant échapper comme nous aux réformes terribles des gouvernements Macron, ont cru pouvoir négocier avec le patronat. Mais celui-ci n’a qu’une visée: baisser les droits pour baisser les cotisations patronales. La CGT s’est retrouvée seule à proposer d’autres solutions, comme l’augmentation des contributions sur les plus hauts salaires, sans succès.

Que dire de cette solidarité syndicale européenne?

Nos confédérations coopèrent activement sur des discussions générales, comme les évolutions du droit européen, les directives européennes et à l’OIT, mais aussi concrètement en organisant des permanences communes pour les travailleuses et les travailleurs frontaliers ou migrants. 

Le travail commun, notamment dans les zones frontalières, des zones d’activité de plus en plus connectées, a permis de sonner l’alerte très rapidement pendant les négociations, puis de communiquer ensemble, d’interpeller les élus, les gouvernements, et d’informer les frontaliers. Cette fois-ci, cela concerne l’assurance chômage, mais il y aura d’autres occasions de batailler ensemble sur les salaires et les conditions de travail par exemple. Toutes nos organisations voudront continuer cette coopération très utile.

 

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