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Une pratique hors la loi !

Unia dénonce un cas de vidéosurveillance du personnel avec une webcam dans un café de Neuchâtel

L'affaire de vidéosurveillance du personnel dans un café de Neuchâtel révélée récemment par le journal 20 minutes ne va pas rester sans suite. Unia tient à porter plainte auprès de l'inspectorat du travail. Car au-delà de ce cas particulier, il s'agit de réaffirmer l'illégalité de ce procédé, à l'heure où se multiplie la télésurveillance fondée sur les réseaux de webcams.

L'affaire a été révélée par le journal 20 minutes le 17 octobre dernier. Le tenancier du Glob'Café, à Neuchâtel, a fait à ses employés «des remontrances qui ne peuvent être fondées que sur des constatations faites via la webcam» installée dans l'établissement. Ce dernier, épinglé l'année dernière par le Matin Dimanche, avait pourtant affirmé qu'il n'avait installé son système de vidéosurveillance que pour dissuader d'éventuels casseurs ou voleurs...

Unia agit
Selon les informations recueillies auprès d'anciennes employées de cet établissement par Laura Porpora, secrétaire syndicale à Unia région Neuchâtel, il régnait dans ce café un véritable climat de suspicion. «Le gérant peut tout surveiller, même depuis son domicile car son système est relié à un serveur géré par une société qui peut enregistrer les images 24 heures sur 24. Une ancienne employée m'a confié que leur employeur a annoncé à son personnel, au mois d'août, qu'il avait un DVD montrant différents comportements de ses employés et qu'il avait l'intention de s'en servir pour leur enseigner ce qu'on pouvait améliorer dans le travail. Un projet auquel il n'a toutefois jamais donné suite.»
Au moment où nous mettons sous presse, des tractations sont en cours entre le personnel et le gérant pour mettre fin à cette situation. Mais quelle que soit leur issue, Unia tient à porter cette affaire devant l'inspectorat du travail. «Il est en effet très important d'avoir une position claire, un avis officiel et indiscutable qui rappelle que cette pratique est strictement interdite par la loi.»

Pierre Noverraz



Vidéosurveillance: autorisée ou pas? Voici ce que dit la loi.

Le cas de Neuchâtel n'est pas isolé. On se souvient du combat fructueux mené par Unia l'année dernière contre la surveillance vidéo du personnel chez MediaMarkt à Dietikon (ZH). Et la vidéosurveillance est un phénomène qui ne cesse de gagner du terrain, au détriment des libertés fondamentales. Trois facteurs expliquent cette explosion: primo, la pression du contrôle sur les salariés à des fins de productivité, secundo, les exigences sécuritaires toujours plus poussées et, tertio, la banalisation des webcams dont le prix diminue à mesure qu'augmentent les performances. Face à ce déferlement, il est utile de rappeler ce que dit le législateur. Ce qui est permis et ce qui ne l'est pas.
Selon l'article 329 du Code des obligations, l'employeur est tenu de protéger et de respecter la santé et la personnalité du travailleur. «En ce qui concerne la surveillance, cela signifie que les caméras vidéo visant à contrôler le comportement des personnes ne sont pas autorisées. Si elles sont nécessaires pour d'autres raisons, elles doivent être conçues et utilisées de sorte à ne pas porter atteinte à la santé ou à la liberté de mouvement du travailleur», précise le préposé fédéral à la protection des données, lequel se réfère à l'art. 26 de l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail.
«Les systèmes vidéo ayant pour but une surveillance ciblée du comportement d'un travailleur sont interdits. En effet, il n'est pas permis à l'employeur de surveiller le comportement de ses employés, car plusieurs aspects de la personnalité du travailleur en seraient affectés. Cela toucherait notamment à la sphère privée, voire à l'intimité ou aux relations familiales d'un ou de plusieurs travailleurs. Une telle surveillance pourrait en outre nuire à la santé d'un travailleur si elle était permanente, car ce dernier se sentirait constamment sous pression. Enfin, surveiller le comportement sans prévenir les intéressés serait contraire au principe de la bonne foi (art. 4, al. 2, LPD - Loi fédérale sur la protection des données).»
Toujours selon le préposé fédéral à la protection des données, «l'expérience montre que les équipements de vidéosurveillance, très répandus de nos jours notamment sous la forme de webcams, éveillent un malaise chez les travailleurs concernés et altèrent l'ambiance générale au travail. Ces appareils peuvent porter atteinte au bien-être, à la santé psychique et, par conséquent, à l'aptitude au travail du personnel». A cela s'ajoute «le fait que les travailleurs ou leurs représentants ont un droit de regard avant la mise en service d'un système de vidéosurveillance».
Autre remarque: «Il est concevable de procéder à des enregistrements ponctuels des employés à des fins pédagogiques. Dans ce cas, le fait que les employés connaissent simplement la période choisie pour la prise de vues n'est pas incompatible avec la protection de la personnalité. Selon le principe de la proportionnalité, et en raison des devoirs de protection de la personnalité et de la santé sur le lieu de travail, cette période doit être aussi courte que possible. Ainsi, une période de trois jours apparaît comme suffisante.»
La loi interdit clairement la vidéosurveillance des travailleurs. Ceux qui se plaisent à la braver s'exposent à des sanctions tant civiles que pénales.

PN