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Une pilule indigeste pour le personnel de Novartis

La semaine passée, Novartis annonçait quelque 1100 licenciements à Prangins et à Bâle en même temps qu'un juteux bénéfice

Novartis restructure. De manière drastique, voire scandaleuse. Dès 2013, la multinationale prévoit de supprimer 1080 emplois en Suisse, dont 760 à Bâle. A Prangins, le site pourrait fermer après le licenciement de quelque 320 personnes et le déplacement des 300 autres employés. Une restructuration décriée par les travailleurs, les syndicats, la population, les politiques et même certains patrons, au vu des milliards de bénéfice de l'entreprise. Un comité de soutien est constitué aujourd'hui, une pétition est en ligne et deux manifestations ont déjà eu lieu.

La nouvelle, mardi 25 octobre, a fait l'effet d'une bombe: Novartis supprime 1080 emplois en Suisse dès 2013. Cyniquement, l'annonce a coïncidé avec la publication des derniers résultats du groupe: un bénéfice de 8 milliards de dollars pour les 9 premiers mois de cette année. Face à ces résultats faramineux, les restructurations prévues n'ont pas seulement choqué les travailleurs et les syndicats, mais aussi la population, le monde politique et même patronal.
A Prangins, au-dessus de Nyon, Novartis prévoit la suppression de 320 emplois et le déplacement des 300 autres employés dans la région lausannoise. L'usine, quasi centenaire, fermerait donc ses portes d'ici 2016. Une décision contestée par Unia. «Nous demandons le maintien des emplois et du site de Nyon. Nous allons faire campagne pour montrer que la décision de Novartis est économiquement incohérente, politiquement absurde et socialement scandaleuse», explique Jean Kunz, secrétaire régional d'Unia Vaud.


Délocalisation irresponsable
Le site bâlois est aussi frappé de plein fouet avec la suppression de 760 emplois. Novartis supprime donc presque 10% des 12500 postes en Suisse répartis sur 8 sites. Au niveau international, un millier de licenciements sont également prévus aux Etats-Unis et en Italie. Alors que des postes de travail seront créés dans des pays au faible coût de main-d'œuvre.
Novartis explique ces mesures par un esprit d'anticipation face à la pression croissante sur les prix des médicaments et la perte de ses brevets. Les incertitudes économiques liées au franc fort sont aussi relevées. Des raisons qui semblent bien dérisoires en regard des bénéfices du groupe et du coût social engendré par les licenciements collectifs. Même économiquement la décision de fermer le site de Prangins questionne. Car, avec cette fermeture, Novartis estime pouvoir économiser 200 millions de francs par an. Une miette à côté de ses quelque 10 milliards de bénéfice par année.

Lutte pour le maintien du site
«C'est inadmissible!», s'insurge Yves Defferrard, responsable du secteur de l'industrie à Unia Vaud. «Le site est très rentable. Et les employés considérés par Novartis comme les meilleurs au monde. Notre objectif est le maintien du site. On ne parle donc pas de plan social!» Dans le canton de Vaud, la lutte s'organise. Unia en appelle à la constitution d'un comité de soutien, dont la première réunion a lieu mercredi 2 novembre, à Nyon. Le syndicat a, en outre, déjà lancé une pétition demandant l'abandon des licenciements et le sauvetage du site de Prangins. Mardi, une délégation de l'usine vaudoise est venue à la rencontre des députés du Grand Conseil à Lausanne. Et plusieurs assemblées du personnel sont prévues ces prochains jours.
Jeudi passé, les deux commissions du personnel (pour les employés sous CCT, et ceux sous contrat individuel), Unia et la direction du site se sont rencontrés. «Ils ont essayé de diviser le personnel, entre les personnes licenciées et les employés déplacés, on ne sait pas encore où d'ailleurs. On leur a fait comprendre que la fermeture du site concerne tout le monde», relate Celio Rodrigues, président de la commission du personnel sous CCT.
A noter que la restructuration touche non seulement les salariés, mais aussi une centaine de temporaires et des sous-traitants comme Polyval qui emploie des personnes handicapées.
Les politiques ont été surpris et outrés par cette décision, notamment les autorités de Nyon et de Prangins. «Cette nouvelle, c'est comme un coup de poing dans la figure. C'est toute la vie économique de la région qui est touchée», déplore Claude Dupertuis, vice-syndic de Nyon et ancien employé de Novartis. Le Conseil d'Etat vaudois déplore la décision de Novartis et a demandé à rencontrer la direction de la multinationale le plus tôt possible.

Une annonce brutale
«Personne ne s'attendait à ça. Mais le monde va tellement mal de nos jours. Les responsables s'en foutent des gens. Même si on fait grève, ils ne changeront pas d'idée. Ce sont les actionnaires qui décident. Ça vient d'en haut», s'insurge un employé. Proche de la retraite, il se dit toutefois prêt à se battre pour ses collègues. Mardi 25 octobre, les employés étaient presque une centaine à répondre à l'appel d'Unia juste après l'annonce de la restructuration. Le syndicat, n'ayant pas été autorisé à rencontrer le personnel dans l'enceinte de l'usine, a convoqué une assemblée générale dans une salle communale à Nyon. Un plan d'action a été mis sur pied, des questions posées et des revendications soulevées. Assommés par cette annonce inattendue, certains employés pensaient toutefois qu'un retour en arrière était encore possible. Alors que d'autres espéraient déjà que les promesses d'aide à la recherche d'emploi et à l'octroi de formation seraient effectives. Mais dans l'ensemble, les employés n'ont pas caché leur colère et leur incompréhension. «Il y a un mois, on nous disait qu'on était les meilleurs!», ont relevé plusieurs d'entre eux.
Durant l'assemblée, les employés ont reçu le soutien de l'entreprise Sapal, exemple de résistance, et ironie du destin, victime en son temps des mêmes consultants qui recommandent aujourd'hui la fermeture de Prangins. Yves Defferrard: «Leur analyse n'avait pas tenu la route par rapport à Sapal, j'ose donc émettre des doutes sur le rapport concernant Novartis.»
En se référant à la situation économique de manière plus large, Abdou Landry, secrétaire syndical à Unia La Côte, a rappelé: «Les entreprises profitent de la crise pour faire payer les employés, qui en font déjà les frais. Il ne faut pas accepter la fermeture de ce site. On doit se battre, jusqu'à la grève s'il le faut.»


Aline Andrey

 

Pour signer la pétition: www.unia.ch
La première réunion du comité de soutien aura lieu ce soir, mercredi 2 novembre, à 18h30 au bureau du syndicat Unia (rue de la Morâche 3 à Nyon). En outre, une manifestation aura lieu vendredi 4 novembre au départ du site de Prangins vers 13h.

 


Témoignages

«Ce que je ressens, c'est qu'on arrache une partie du patrimoine du canton de Vaud. L'entreprise est centenaire. Je garde espoir qu'on les fera revenir en arrière», explique Agrippina, employée depuis 20 ans de l'usine chimique de Prangins (autrefois Zyma installée en 1917 à Prangins et rachetée par Novartis en 1996). Sa collègue Marie-Jeanne, proche de la retraite après 22 ans de service, ajoute: «Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on ferme une boîte qui fait des bénéfices et dont les employés ont été félicités pour leur bon travail.»


Didier Cloux, employé de Novartis depuis 16 ans: «C'est inattendu. Au moment de l'annonce, la direction avait l'air touchée, et nous a parlé avec beaucoup d'émotion. Bien sûr, ce n'est pas elle qui prend les décisions. Ça vient de plus haut. Je ne comprends pas qu'ils ferment. Ce n'est pas crédible. Les coûts d'un transfert sont importants. Tout le monde est choqué, mais j'espère que les employés ne vont pas penser de manière individuelle.»

Propos recueillis par AA