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Une assurance accident au rabais ?

Le Conseil fédéral propose des réformes de l'assurance accident qui aboutiront à l'augmentation des primes, selon les syndicats

Le Gouvernement a revu sa copie et proposé le 30 mai un nouveau projet de loi pour l'assurance accident en Suisse. Si la plupart des réductions de prestations que le Conseil fédéral avait envisagées au début de l'année passée ont été biffées après consultation, quelques-unes de ses propositions posent encore problème aux syndicats. Car elles risquent d'aboutir à une augmentation des primes et à l'érosion d'une assurance sociale à but non lucratif, la Caisse nationale suisse en cas d'accident (Suva) au profit d'entreprises privées...
L'Union syndicale suisse (USS) dénonce surtout la volonté d'abaisser le montant du gain maximal assuré Suva. En clair, le Gouvernement souhaite encore réduire la part des hauts salaires qui n'est pas assurée par la Suva. Les employés disposant de revenus élevés - soit de 5 à 9% des salariés - devront contracter une assurance complémentaire auprès d'un prestataire privé s'ils souhaitent maintenir leur couverture actuelle.

Augmentation des primes
Outre le fait qu'il s'agit en soi d'une réduction de prestations, l'USS déplore les répercussions négatives de cette décision sur l'ensemble des travailleurs. Par un jeu de vases communicants, les primes payées par tous les travailleurs devront dès lors être inévitablement relevées, assurent les syndicats: «Etant donné que les salariés disposant d'un haut salaire ont un taux d'accident inférieur à la moyenne, ils contribuent fortement au mécanisme de solidarité envers les autres employés. S'ils s'assurent ailleurs, c'est autant de recettes en moins pour l'assurance accident», explique Colette Nova, secrétaire dirigeante de l'USS et vice-présidente du conseil d'administration de la Suva.

Intérêts des privés
Par ricochet, même l'assurance chômage serait touchée: «Les primes de l'assurance chômage vont aussi augmenter puisque le montant maximal du gain assuré lui sert de référence», continue Colette Nova. Ces conséquences ne sont pas prises en compte par le Conseil fédéral, déplore la syndicaliste. «Ce sont les intérêts des assureurs privés qui ont eu le dessus. Ceux-ci souhaitent privatiser cette assurance sociale pour faire plus d'argent», explique-t-elle.
La Suva est une assurance de droit public à but non lucratif, administrée de manière tripartite par l'Etat, les syndicats et le patronat. Elle assure 1,8 million de salariés. Créée en 1918 pour répondre aux besoins de la population, cette institution couvre les branches dans lesquelles les risques d'accident sont les plus élevés, l'industrie et l'artisanat surtout. Pour l'USS, cette institution devrait pouvoir être active dans l'ensemble des secteurs en Suisse, pas seulement les plus dangereux: «Les assureurs privés qui veulent faire du profit n'ont pas leur place dans une assurance sociale. Les gains qu'ils réalisent proviennent des primes payées par les travailleurs. Ces entreprises ne jouent pas la transparence, ne publient pas leurs chiffres, elles coûtent plus cher aux employés.»

Assurance sociale en danger
Mais le Gouvernement n'a pas accédé à la demande de la Suva d'élargir ses domaines d'activité, notamment dans d'autres branches à risques d'accidents et de maladies élevés comme les exploitations agricoles. Un besoin d'extension d'autant plus criant que la part de marché de la Suva a fortement diminué en raison de la tertiarisation de l'économie durant les dernières décennies, les emplois dans l'industrie s'étant raréfiés: «La diminution du volume de primes qui en résulte entraîne des primes plus importantes pour les entreprises avec risques élevés et une diminution de la solidarité», souligne la Suva dans un communiqué. Et le Conseil fédéral n'a pas non plus autorisé la Suva à offrir des assurances complémentaires, alors que deux tiers de ses assurés ont fait savoir qu'ils souhaitaient une telle possibilité. La Suva craint donc de perdre encore davantage de clients.
Ainsi, loin de réagir à l'érosion progressive d'une assurance sociale indispensable, le Conseil fédéral la favorise. Et le Parlement à majorité bourgeoise, qui se saisira de cet objet au cours de cette année, pourrait bien aller dans son sens, voire plus loin...

Christophe Koessler